Faire entendre la voix des MNT et briser les silos
8 janvier 2018
8 janvier 2018
Le discours introductif a été prononcé par Anne Lise Ryel, membre du Comité consultatif mondial de l’initiative Notre vision, notre voix. Elle a présenté l’Agenda du plaidoyer des personnes vivant avec une MNT, élaboré par l’Alliance sur les MNT.
« Afin de renforcer le message et d’illustrer notre propos, nous contactons des personnes qui peuvent raconter leur propre histoire. Leurs voix émeuvent, leurs visages captent l’attention des média et leur vision parle aux politiques », a déclaré Anne-Lise.
La manière dont les personnes vivant avec une MNT et la société civile dans son ensemble peuvent être source de changement positif a ensuite été reprise par la Directrice générale de l’Alliance sur les MNT, Katie Dain, qui a souligné que nous avons tous une vraie chance cruciale de peser sur les résultats de la Réunion de haut niveau (RHN) sur les MNT organisée par les Nations Unies l’an prochain. Le Dr Kent Buse, chef de la division Affaires politiques et stratégie de l’ONUSIDA, a appelé à se révolter contre l’injustice des MNT et à tirer les leçons du militantisme du mouvement contre le SIDA. Sir Trevor Hassell, président de la Healthy Caribbean Coalition, a pour sa part suggéré d’organiser une « grande marche d’indignation et d’espoir autour des MNT » en marge de la RHN.
« La société civile est le carburant et le moteur du progrès. » - Kent Buse
Le Forum a réuni de nombreux jeunes très engagés et hautement qualifiés et, comme l’a fait remarquer Mellany Murgor du Réseau des jeunes professionnels des maladies chroniques :
« [Les jeunes] aimeraient avoir une place à la table dès le départ… mais rien ne nous empêche de venir avec notre chaise pliante ! »
La deuxième plénière a démarré avec Rachel Nugent, vice-présidente du département des MNT chez RTI International, qui a salué la place centrale réservée aux MNT dans les Objectifs de développement durable. L’interconnexion des ODD permet et encourage les défenseurs à regarder au-delà de leurs domaines d’expertise propres et à établir des liens avec d’autres programmes, renforçant ainsi les deux causes. Comme l’a signalé le Dr Anders Nordström dans son discours introductif de la deuxième plénière, nous avons besoin d’un nouvel état d’esprit pour « cesser de penser en termes de maladie et nous pencher sur les éléments responsables de la mauvaise santé et les facteurs de risque pour les individus et les populations. » Le Dr Nordström est ambassadeur de la santé mondiale au ministère suédois des Affaires étrangères.
La Dr Monica Arora, membre du conseil d’administration de la Healthy India Alliance et directrice exécutive de HRIDAY, a souligné que l’établissement de partenariats intersectoriels est un moyen clé de mettre en lumière l’impact des MNT : « sans cette vaste plateforme, nous n’atteindrons pas nos objectifs et ne pourrons pas non plus convaincre nos gouvernements d’atteindre les cibles fixées. » Le Rapport sur la nutrition mondiale présenté par la Prof. Corinna Hawkes, directrice du Centre pour la politique alimentaire de l’université City, University of London, place la nutrition et les MNT dans un contexte plus vaste qui couvre la production alimentaire durable, l’équité et l’inclusion et la paix et la stabilité. Corinna a également souligné que nous devrions non seulement exploiter les connaissances d’autres secteurs pour faire avancer l’agenda des MNT, mais également faire preuve de générosité en leur proposant notre savoir-faire.
C’est au niveau municipal, comme l’a souligné Ariella Rojhani, que l’accent est de plus en plus mis sur une action transversale : « mettre les villes et leurs maires au premier plan, là où les politiques nationales ne peuvent peut-être pas aller ». Ariella, directrice du Partenariat pour des villes saines chez Vital Strategies, a expliqué que cette initiative fournit une assistance complète (subventions, assistance technique et communication) afin de permettre aux villes d’atteindre d’ici fin 2018 des objectifs de prévention des MNT présentant un fort potentiel d’impact. Enfin, le Prof. Mark Hansen a repris l’image de l’offre commerciale « pour un acheté, deux gratuits » en décrivant à quel point il est important de parler de la santé aux jeunes : cela concerne leur santé aujourd’hui, leur santé plus tard et la santé de la génération suivante.
Développer des messages ainsi que des cadres ciblés pour parler des MNT à différents publics (gouvernements, média, communauté du développement) a été un thème largement débattu au cours du Forum et qui a été abordé dans la séance sur le financement de la lutte contre les MNT.
Le responsable des relations extérieures de la Task-force inter-agence de l’ONU sur les MNT, Alexey Kulikov, a évoqué l’état des lieux des MNT sous l’angle de l’investissement dressé par l’OMS et le PNUD, selon lequel dans les 14 pays analysés jusqu’à présent les MNT représentent une perte annuelle de 3,5 à 5,9% du PIB.
La séance sur la prise en charge des MNT a porté sur la complexité des interventions médicales pour les MNT, des interventions qui devraient être accessibles, abordables et acceptables. Les groupes de discussion ont mis l’accent sur les traitements médicamenteux. Lors des prochaines éditions du Forum, les systèmes d’assistance autour des MNT (thérapie et groupes de soutien sur la santé mentale par exemple) pourraient peut-être faire l’objet d’une discussion ?
Le groupe suivant a abordé plus en détail un sujet évoqué à maintes reprises au cours de ces deux jours : les déterminants sociaux et commerciaux des MNT. Les efforts du Sri Lanka pour réduire le tabagisme ont été cités en exemple (augmentation des taxes mais également la « dévalorisation » du tabac auprès des jeunes).
La discussion sur les personnes vivant avec une MNT a appelé à prendre « des mesures simples moteur de changement et renforcées par un plaidoyer passionné » (Alex Silverstein, membre du Comité consultatif mondial de l’initiative Notre vision, notre voix) et à envoyer un message plus positif. Louise Agersnap a invité à participer à la campagne de l'Organisation mondiale de la santé NCDs&me qui est une excellente occasion pour les délégués du Forum de partager leurs expériences sur les maladies non transmissibles. La création d’une plateforme pour les personnes vivant avec une MNT en marge de la RHN de l’ONU a été fortement suggérée.
« Les jeunes veulent des choses passionnantes et cool, des choses qui auront un impact sur leur vie et sur la vie de ceux qui les entourent. » (Andrew Twineamatsiko, jeune défenseur, Alliance ougandaise sur les MNT)
La séance sur la planification au plan national a souligné l’importance d’une approche multisectorielle. Les liens entre les MNT (tout particulièrement l’émergence de la cardio-oncologie) ont été évoqués par Alexander Leon : les personnes ayant été victimes d’un cancer pendant leur enfance ont 15 fois plus de risques de souffrir de MCV une fois adultes.
Intégrer les MNT à la santé des femmes et des enfants peut s’avérer payant, notamment à des moments clés de la vie des femmes comme la grossesse par exemple, ainsi que tout au long des premières années de vie des enfants. Par ailleurs, les discriminations à l’encontre des femmes souffrant de MNT restent à l’ordre du jour (la stigmatisation de la dépression post-partum par exemple).
La pauvreté est un déterminant social clé des MNT et une entrave au progrès. Nous avons d’ailleurs été mis en garde contre le danger de mettre uniquement l’accent sur les 4 grandes maladies et les 4 grands facteurs de risque alors que tant d’autres MNT touchent les milliards d’humains les plus démunis de la planète. Prouvant à nouveau le pouvoir de la voix des personnes vivant avec une MNT, Erneste Simpunga, un autre membre du Comité consultatif mondial de l’initiative Notre vision, notre voix, a partagé son expérience du rhumatisme articulaire au Rwanda.
Lors de la séance à caractère juridique, trois témoignages étonnants d’efforts à long terme ont été apportés : aux Philippines (lutte antitabac), en Colombie (taxe sur le sucre, avec une intervention d’Esperanza Cerón Villaquirán qui a présenté un article récent et largement partagé du New York Times et en Ecosse (prix minimum de l’alcool). Et ces réussites font vraiment la différence :
« Malgré toutes les difficultés que nous avons à défendre ces affaires (temps, énergie et ressources), dans l’ensemble nous finissons par gagner et nous développons une jurisprudence qui réaffirme le droit à la santé dans l’espace politique pour que les gouvernements légifèrent dans l’intérêt général » (Jonathan Liberman, directeur du McCabe Centre for Law and Cancer, Australie).
C’est dans les villes que les liens entre changement climatique et MNT sont particulièrement nets : pollution atmosphérique, transport, développement urbain et systèmes alimentaires. À Kigali, la Journée sans voiture encourage l’activité physique sur les routes qui sont fermées à la circulation et propose des visites médicales dont ont pour l’instant bénéficié 9 000 personnes.
L’alimentation durable est fondamentale pour la santé de la planète et de ses habitants et Sudhvir Singh, directeur de la politique de la fondation norvégienne EAT, a évoqué les cinq « C » (en anglais) pour améliorer le système alimentaire : chefs cuisiniers, récoltes (crops), villes (cities), enfants (children) et (bien que cela soit particulièrement difficile comme cela a été souligné à maintes reprises) entreprises (companies).
La soirée a été sublime grâce à la générosité du partenaire local du Forum, Friends of Cancer Patients. Elle a débuté par une visite du centre archéologique Mleiha (un rappel de la culture ancienne de Sharjah et de sa région), suivie d’un dîner dans le désert avec feu de camp, danses traditionnelles, faucon et majestueuses promenades à dos de chameau.
Je tiens à remercier particulièrement les rapporteurs des séances parallèles, dont les contributions ont été très utiles pour préparer cet article : Michelle Ballasiotes, Bruno Carrattini, Jessica Craig, Sasanka Dharmasena, Ahmed Khedr, Abdullah bin Shabbir, Sanne de Wit et Vindhya Vatsyayan.
Katy Cooper (@healthkaty) est rapporteur principal du Forum mondial 2017 de l’Alliance sur les MNT.