Le Cameroun rejoint la lutte contre les MNT avec optimisme et dans un esprit de collaboration

18 mai 2018

Ferdinant Mbiydzenyuy, 28 ans, partage ses vues sur la situation des MNT au Cameroun, son expérience en tant que fondateur et coordinateur du programme des Services sanitaires de la Convention baptiste du Cameroun (CBCHS) concernant la prévention et la maîtrise des MNT, ainsi que sur ce qui le pousse à continuer.

Aujourd'hui, les MNT sont responsables de 70% des décès dans le monde, la plupart d'entre eux se produisant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. 34% des décès annuels au Cameroun sont actuellement imputables aux MNT, et la tendance est à la hausse.

Ces chiffres sont préoccupants, mais ils ne constituent pas la seule raison pour laquelle je travaille dans le secteur des MNT. Ce sont mes propres expériences passées qui ont nourri la passion qui m'a amené à m'intéresser à ces maladies. En 2008, ma tante est décédée suite à des complications du diabète. Puis en 2009, un de mes professeurs d'université nous a donné deux bonnes raisons pour lesquelles nous ne devrions pas travailler dans le secteur des maladies cardio-métaboliques : la première était que c'est un secteur auquel on ne consacre pas d'argent, et la deuxième, que les résultats sont difficiles à obtenir pour les chercheurs dans ce domaine.

Si de nombreux étudiants ont été convaincus par ces deux déclarations, et ont choisi de porter leur attention ailleurs, elles m'ont, personnellement, incité à continuer. Pour moi il n'y avait pas de meilleure façon de comprendre la détresse de ma tante, et certainement de milliers d'autres personnes qui ont perdu la vie suite à des complications du diabète. Je me suis plongé dans ce domaine, dans l'idée que si j'avais découvert le remède du diabète, j'aurais pu empêcher sa mort. Alors, avec ces pensées tristement solennelles, je me suis engagé à travailler sur les MNT, sans même savoir qu'un jour on les appellerait « MNT ».

En 2013, alors que je travaillais en tant que Responsable des subventions aux Services sanitaires de la Convention baptiste du Cameroun (CBCHS), j'ai découvert le Plan d'action 2008-2013 de l'OMS sur les MNT. En y regardant de plus près, j'ai réalisé que ma vocation m'avait trouvé. Le Plan d'action a ravivé ma passion et j'ai contacté le Directeur de CBCHS. Grâce à ses orientations, son soutien et son inspiration, le Programme de prévention et maîtrise des MNT a finalement vu le jour en 2016. C'est le premier programme global de prévention et maîtrise des MNT à être mené par un prestataire de services sanitaires non étatique reconnu au Cameroun.

Le premier programme global de prévention et maîtrise des MNT du Cameroun

La mission du programme de prévention et maîtrise des MNT consiste à contribuer à prévenir les maladies, les incapacités et les décès dus à des MNT évitables, à travers des interventions innovantes de prévention, traitement et rééducation, au Cameroun. Je collabore actuellement avec une équipe de 5 jeunes pleins de talent et de créativité, et plus de 37 autres personnes dans les six régions du pays. Nous interagissons avec les communautés afin de mettre en œuvre le programme de façon systématique, dans le cadre d'un guide du programme et d'un plan stratégique sur 3 ans.

Notre travail est fondé sur 7 piliers : sensibilisation, dépistage, gestion (prise en charge hospitalière), construction de capacités, surveillance, plaidoyer et recherche. A chaque pilier correspondent des activités spécifiques.

 

Dans le domaine de la sensibilisation, par exemple, nous avons lancé la campagne « Know Your Numbers » (KYN) (Connais tes chiffres) en juillet 2017. L'initiative KYN s'attache à sensibiliser le public à la charge, aux facteurs de risque et à la prévention des MNT, et mène également des évaluations de l'exposition au risque en vue d'améliorer les décisions prises en matière de santé dans sept districts sanitaires de cinq régions du pays.

En termes de gestion, le programme a réformé 10 cliniques du diabète, en fournissant des équipements, en élaborant une politique de recrutement d'éducateurs formés au diabète et en créant des registres. Nous sommes également en train de tester un système de collecte des données électroniques pour le diabète et l'hypertension dans trois de nos principaux hôpitaux. Ce projet pilote sera le premier en Afrique de l'Ouest/centrale et sera très utile pour passer à la vitesse supérieure, étant donné le besoin de systèmes de collecte de données sur les MNT au Cameroun et en Afrique. Cette initiative bénéficie du soutien de notre partenaire, la Fondation mondiale du diabète.

Quelles sont, plus spécifiquement, nos réussites ? Jusqu'à présent, 13.000 personnes ont bénéficié d'un dépistage du risque de MNT et reçu des conseils sur les comportements sains à tenir, tandis que les personnes ayant du diabète ou de l'hypertension ont été orientées vers une prise en charge ultérieure. En mars 2018 uniquement, 175 prestataires de soins de santé du Cameroun, dont des médecins et des infirmiers praticiens, ont participé à la gestion, au diagnostic et à l'orientation adéquate des cas de MNT.

Pour ce qui est du plaidoyer, le programme a instauré des relations constructives avec de nombreuses organisations nationales et mondiales. CBCHS est à présent membre du comité multi-sectoriel national sur les MNT et son coordinateur est engagé dans d'autres réseaux, suite à la participation à des conférences internationales et des dialogues. Récemment, l'Alliance camerounaise sur les MNT, que nous préconisions depuis 2016, a été créée lors de la Conférence sur le diabète et les autres MNT en Afrique de l'Ouest/centrale et j'en suis devenu le coordinateur. Au cours des trois prochains mois, nous allons nous attacher à élaborer ses objectifs et à engager les parties prenantes nationales dans la préparation de la RHN-ONU et au-delà.

Les défis sont nombreux mais sont porteurs de grandes opportunités !

Les défis relatifs aux MNT sont nombreux au Cameroun, mais l'un des plus importants à mon sens est que beaucoup de jeunes ne se font pas dépister, alors que malheureusement, ce sont eux les plus vulnérables et qui ont le plus grand besoin de ces services. Ceci signifie que nous devons nous consacrer davantage à la participation des jeunes aux activités liées aux MNT. L'accès aux médicaments pour les MNT représente également un problème majeur, en raison de la pauvreté et du fait que les patients atteints de MNT doivent payer leur traitement de leur propre poche. Les financements destinés aux MNT sont faibles, et pour une organisation communautaire, il est difficile de mettre en œuvre les plans déjà établis pour la prévention et la maîtrise des MNT, étant donné la faiblesse de nos ressources. Nous manquons également cruellement de personnel sanitaire. Un autre défi auquel nous avons dû faire face est la difficulté à finaliser le plan d'action multi-sectoriel national (MAP), en raison des limites financières au niveau du département des MNT du ministère de la Santé.

Les inégalités sanitaires du pays sont grandes en matière de diagnostic, de gestion et d'orientation des cas de MNT dans la plupart des structures sanitaires du pays. Les efforts sont insuffisants en ce qui concerne le dépistage et le diagnostic précoce, ainsi que l'élaboration du programme des patients et leur suivi. La plupart des patients que nous voyons à l’hôpital arrivent à des stades avancés de la maladie, lorsqu'il est beaucoup plus difficile de les traiter de façon efficace. Ces défis montrent bien comment, dans la réalité, les engagements politiques sont inadéquats pour répondre aux voix des personnes vivant avec des MNT.

Malgré des défis politiques et liés au système, les jeunes et les réseaux constituent un potentiel

Malgré de nombreux défis, nous voyons un potentiel important dans la construction d'un réseau national solide des MNT, pour le bien des patients et de la population en général, à travers une alliance camerounaise de la société civile sur les MNT. Il s'agit pour nous d'une formidable occasion de mobiliser les jeunes, et en tant que membre du Réseau des jeunes professionnels des maladies chroniques (YP-CDN), des débats sont en cours en vue d'augmenter leur engagement au Cameroun. Nous voyons également des opportunités pour engager davantage la société civile à s'occuper de la question des MNT, et à travailler avec le gouvernement et les parties prenantes, en tant que partenaire clé, pour finaliser le MAP, élaborer des façons de progresser dans ce domaine primordial de la santé et mettre en œuvre les meilleurs choix de l'OMS pour la prévention et la maîtrise des MNT.

La situation dans laquelle nous nous trouvons au Cameroun est très certainement difficile, mais personnellement, je trouve une nouvelle énergie lorsque je rejoins d'autres personnes engagées dans ce domaine. Ensemble, les opportunités de collaboration nous éclairent et j'ai bon espoir qu'ensemble, nous trouverons davantage de façons d'avancer et d'obtenir ce que nous appelons tous de nos vœux : moins de décès et d'épreuves dus aux MNT.

 

About the Author

Ferdinant Mbiydzenyuy (@ferdinantmbiy) a 28 ans et est actuellement le coordinateur du Programme de prévention et maîtrise des MNT des Services sanitaires de la Convention baptiste du Cameroun (CBCHS), l'une des initiatives les plus significatives et exhaustives du pays en matière de MNT. CBCHS est une organisation confessionnelle reconnue de prestation de services de santé, à but non lucratif, dont la vision consiste à dispenser des soins de santé de qualité à tous ceux qui en ont besoin, en tant qu'expression de l'amour chrétien. A l'heure actuelle, CBCHS dirige un réseau de 78 structures sanitaires dans 7 des 10 régions du Cameroun et des services de promotion de la santé et de rééducation dans les 10 régions du pays.