Les femmes vivant avec l’endométriose s’unissent pour faire entendre leur voix

11 mai 2018

Nous sommes dans une période de changement pour les millions de femmes atteintes d’endométriose dans le monde entier, rendu possible grâce à la force de leur engagement. Julie Prilling, la conceptrice et scientifique des données qui a fondé la plateforme EndoStats, partage ses vues sur la nécessité de sensibiliser de toute urgence sur l’endométriose et de lancer des actions significatives.

Des personnes différentes, une seule voix pour agir

La plupart des gens se battent pour obtenir des traitements et des financements pour des maladies. Les efforts de la communauté de l’endométriose vont au-delà : simplement faire savoir à la société que cette maladie existe. Que nous existons. Et nous sommes nombreuses. Le plaidoyer aujourd’hui touche des cultures, des personnes et des groupes variés qui élaborent des messages ensemble et veulent accélérer le rythme des actions, en parlant d’une seule voix. Depuis des décennies, les défendeurs ont œuvré afin d’éduquer la société sur le besoin d’avoir de meilleurs soins de santé. À présent, unis avec les jeunes de la prochaine génération, et grâce à la connectivité que nous offrent les réseaux sociaux mondiaux, nous sommes ici pour déclarer que nous ne nous arrêterons pas avant d’assister à un changement. Nous, les femmes et les filles, méritons mieux. Nous manifesterons, nous ferons des pétitions et nous frapperons aux portes des médias et de la politique jusqu’à ce que l’on nous entende.

La communauté de l’endométriose s’est unie pour faire entendre, de concert, la voix des patients afin d’entamer un changement systémique. À travers l’écoute et le partage, les uns avec les autres, nous, la société civile de l’endométriose, avons été amenés à trouver des moyens au sein du système pour unir nos voix et nous exprimer en tant que groupe sur les démarches de progrès. Chaque jour, des défendeurs se réveillent et recherchent le changement : ils écrivent des livres, ils développent des applications et ils documentent nos vies en vidéo. Nous changeons l’histoire en collectant nos propres données et en simplifiant la recherche afin de montrer la vraie dimension de la maladie. Le mouvement de l’endométriose s’empare de ce récit et veut sensibiliser, pour avoir un impact sur les politiques et actualiser nos normes de soins. Non, nous ne sommes pas médecins mais nous nous connaissons bien.

Seuls 20% du grand public a entendu parler de l’endométriose

Sensibiliser sur l’existence même d’une maladie exige des efforts qui dépassent la force et le dévouement. Nous voulons que nos médecins, nos enseignants, nos employeurs, nos amis et notre famille sachent que l’endométriose existe. Nous existons, nous vivons avec cette maladie, et nous avons besoin du soutien de nos communautés.

L’endométriose est une maladie complexe qui se manifeste dans tout le corps. Les symptômes peuvent varier des douleurs menstruelles à l’affaissement pulmonaire. Pendant la plus grande partie de la vie d’une femme, sa capacité à s’impliquer à l’école, au travail, avec ses amis et sa famille s’en trouve limitée, et ce, pendant 11 heures par semaine en moyenne. Il n’existe pas de traitement à l’heure actuelle. 1 femme sur 10 a reçu un diagnostic d’endométriose, soit 176 millions, mais des millions d’entre elles sont malades et ne le savent pas. Si le délai moyen pour poser un diagnostic est de 7 à 10 ans, cette période peut aller jusqu’à 20 ou 30 ans, car il n’existe pas de test diagnostique pour cette maladie, et les techniques d’imagerie sont limitées. La chirurgie exploratoire est à l’heure actuelle la seule option pour établir un diagnostic clair, et parfois, plusieurs interventions chirurgicales sont nécessaires pour le traitement.

C’est cette situation que nous voulons changer. La santé de toutes les femmes doit être modernisée de toute urgence.

Le mouvement doit se produire maintenant. Les patients ne devraient pas en savoir plus sur l’endométriose, ou toute autre maladie, que leurs médecins. Nous ne devrions pas avoir à informer nos prestataires de soins pour recevoir un traitement efficace. Il y a beaucoup de désinformation et les méthodes des praticiens ont besoin d’être actualisées. La plupart des médecins considèrent la douleur comme faisant normalement partie de la condition féminine. La douleur n’est pas normale. Pour le NHS (National Health Service) britannique, l’endométriose est l’une des douleurs les plus insoutenables que l’être humain puisse ressentir, du même ordre que la douleur causée par une crise cardiaque.

Imaginez arriver à l’hôpital avec une crise cardiaque et devoir expliquer aux médecins de quoi il s’agit, et que cela existe réellement. Imaginez passer par la même chose chaque mois. Et maintenant imaginez que vous avez 12 ans, ou même 8 ans. Voir nos enfants non seulement se battre contre cette maladie, mais défendre leurs droits reproductifs, est une source d’inspiration pour nous tous, pour faire en sorte que les générations futures bénéficient de meilleures normes de soins pour la santé des femmes.

Nous savons que la clé réside dans le changement axé sur les patients, et nous voulons collaborer avec des médecins et des décideurs politiques pour orienter le progrès. Le changement a déjà commencé. Grace au plaidoyer des patients, au cours de l’année qui vient de s’écouler, l’Australie a lancé sa première politique nationale sur l’endométriose et l’Alliance sur les MNT nous a fait participer au débat politique onusien. L’Organisation mondiale de la santé a mis nos histoires en lumière, et la définition de l’endométriose (en incluant l'endométriose thoracique) est en passe d’être actualisée dans la CIM-11. L’EndoMarch, marche mondiale pour l’endométriose, a démarré il y a cinq ans afin de sensibiliser la société à cette maladie, et elle existe à présent dans 56 pays, éclairant le monde en jaune depuis les chutes du Niagara jusqu’au Ghana.

Heureusement, nous vivons à une époque de technologie, collaboration et motivation

A l’instar de l’initiative des Objectifs de développement durable, une plateforme descendante, alimentée par une source unique, est un élément crucial pour atteindre nos objectifs de santé mondiale. Concevoir et transmettre une éducation, avec des missions communes pour les soins de santé, peut être simple. On peut y parvenir pour favoriser la créativité et la motivation à participer au progrès, que ce soit au plan personnel ou par l’éducation et la politique.

En tant que conceptrice et analyste de données, j’ai créé EndoStats il y a trois ans parce que les médecins ne m’écoutaient pas. Il en ressortait un besoin de simplifier la recherche et la création d’outils éducatifs universels. Je croyais être l’une des rares personnes à être atteinte d’endométriose thoracique jusqu’à ce que j’écoute de nombreuses autres personnes en ligne qui avaient les mêmes symptômes que moi. J’ai créé la plateforme pour simplifier la recherche, accélérer l’élaboration de statistiques sur les patients, et nous réunir pour demander d’une seule voix le changement. Les infographiques sont en cours de traduction par des défendeurs mondiaux dans toute la planète.

En tant que patients et défendeurs, une partie de notre travail consiste à partager des informations justes avec la société, les médias et nos médecins. Le film EndoWhat (lien externe) est une source d’informations précieuse sur l’endométriose pour tous les âges. Il s’agit d’un exemple de « communication claire » d’informations sur les soins de santé, qui est le fruit de la combinaison des points de vue des médecins, des patients et de la société. Il évoque également l’impact des aspects commerciaux, comme avec le sucre par exemple, ainsi que les préjudices environnementaux qui ont des répercussions sur la maladie.

Comme c’est le cas avec de nombreuses MNT, il y a des mesures à prendre

  • Il existe un marché de 2 milliards de dollars aux Etats-Unis uniquement pour les traitements qui contrôlent la douleur causée par l’endométriose, et pourtant le financement et la recherche pour un test diagnostique, des techniques d’imagerie, et en termes d’éducation sont limités. L’impact social de notre santé devrait primer sur le profit.
  • L’endométriose est une maladie inflammatoire qui exige un régime anti-inflammatoire. Les recherches actuelles sont centrées sur le microbiome, notre régime alimentaire et toutes les maladies chroniques. Ce sont les facteurs déterminants de la prévention, qui nécessitent recherche et financement.
  • Des recherches ultérieures sont nécessaires pour savoir de quelle façon les produits chimiques présents dans l’environnement affectent les MNT. Les données du centre médical Langone de l’Université de New York montrent que les effets sur la santé des perturbateurs endocriniens coûtent aux Etats-Unis 340 milliards de dollars. Le coût de l’endométriose et des fibromes s’élève à 43 milliards.

Pour progresser et améliorer les vies, un dialogue ouvert doit s’instaurer entre les patients, les médecins, les chercheurs et les décideurs politiques, sur la base de données scientifiques. Ensemble, avec les voix des patients, il est possible de créer des plateformes engagées dans les sciences citoyennes, qui soient motivantes et également bénéfiques pour toutes les personnes concernées.

À propos de l’auteur

Julie Prilling (website@EndoStats) a travaillé en tant que consultante sur des projets portant sur les progrès systémiques depuis 15 ans, faisant de la stratégie, de la recherche et de la conception. Elle est atteinte d’endométriose depuis ses 12 ans. Elle utilise ses compétences pour susciter un changement à travers de simples messages, et le plaidoyer pour le changement fait partie de sa vie. Son objectif est de s’assurer que les générations futures bénéficient de meilleurs soins au cours de leur vie. Julie a créé et entretient la plateforme EndoStats.