Prendre en compte les MNT sur le lieu de travail : c’est l’affaire de tous

6 décembre 2017

Chaque jour, 3,45 milliards d’entre nous se lèvent et vont travailler. [1] Collectivement, nous passons une énorme partie de notre temps sur nos lieux de travail. Avec 55 millions de personnes supplémentaires qui devraient commencer à travailler d’ici 2030, [2] rien d’étonnant à ce que l’Organisation mondiale de la santé ait identifié les lieux de travail comme étant des milieux déterminants pour traiter la montée constante des maladies non transmissibles (MNT). [3]

Les villes sont des pôles d’emploi dans le monde entier, mais l’urbanisation est aussi de plus en plus associée à des difficultés sanitaires, donnant lieu à des problèmes de nutrition, à de faibles niveaux d’activité physique, au stress, et à une exposition à de l’air de mauvaise qualité, tout autant de facteurs de risque pour le développement de MNT. Le besoin de lieux de travail sains est donc un élément clé pour créer des villes en bonne santé.

Les raisons de l’importance des lieux de travail

La recherche montre qu’une main d’œuvre en bonne santé, vivant dans des villes saines, contribue à avoir des entreprises saines. [4] Les employeurs portent une part de responsabilité dans le bien-être de leurs salariés, dans l’immédiat et à long-terme, et ils peuvent jouer un rôle déterminant pour promouvoir, encourager et atteindre de meilleurs résultats en matière de santé. Par exemple, au cours de l’épidémie de VIH, les employeurs des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI) ont joué un rôle clé dans la prévention d’infections, la prise en charge et la lutte contre la stigmatisation et la discrimination, en complément d’autres interventions du secteur public, des organisations multilatérales et de la société civile. Toutefois, jusqu’à récemment, les PRITI n’avaient que peu de capacités pour lutter contre les MNT.

Qu’est-ce qui a déjà été fait ?

En 2011, les Nations Unies ont lancé un appel au secteur privé en vue de « promouvoir et créer un environnement favorable aux comportements sains parmi les travailleurs », et notamment d’élaborer des plans pour améliorer le sevrage tabagique, mettre en œuvre des pratiques de santé et sécurité et créer des programmes de bien-être au travail. [5]

Cependant, en dépit du fait que le soutien d’une main d’œuvre en bonne santé représente une valeur mutuelle pour les employeurs, les gouvernements et les communautés, seules 29% des organisations dans le monde ont mis en œuvre des stratégies globales de promotion de la santé et du bien-être. [6] Plusieurs motifs expliquent cette piètre participation, surtout dans des milieux pauvres en ressources, et notamment un manque de priorisation dans les plans nationaux en matière de MNT, un manque de compréhension du monde de l’entreprise, un suivi ou une coordination difficiles avec les systèmes sanitaires nationaux, et des preuves limitées sur ce qui cause un impact et ce qui n’en cause pas.

Par exemple, dans de nombreux PRITI, les politiques exigent des employeurs qu’ils offrent aux salariés un bilan de santé annuel, mais il n’y a aucune obligation de suivi ou de disposition pour soutenir les traitements de base. En outre, les efforts déployés par les employeurs pour promouvoir et favoriser les comportements plus sains (tels que se rendre au travail en vélo et avoir un régime alimentaire riche en fruits et légumes) sont limités, malgré le fait que les PRITI connaissent souvent des taux élevés de mortalité due aux maladies cardiovasculaires.[7]

Qu’est-ce qui peut être fait ?

Nous croyons que les employeurs ont un rôle clé à jouer pour faire face à la crise émergente des MNT dans les PRITI.

Les programmes de bien-être au travail mis en œuvre dans les pays à revenu élevé sont traditionnellement axés sur la prévention de la maladie et la promotion de comportements salutaires. Si ces aspects sont importants, pour que les employeurs des PRITI obtiennent un impact maximal sur le fardeau des MNT, nous croyons que le bien-être des salariés doit être envisagé de façon holistique, en complétant la prise en charge avec des prestataires publics et privés, par exemple, en encourageant et en incitant les salariés à gérer leur propre santé ; en s’assurant que les flux de renvoi de patients sont mis en place pour la prise en charge ; et en préconisant et facilitant une prise en charge abordable et durable pour les salariés et leurs familles.

Pour ce faire, les employeurs doivent prendre conscience de leur rôle et des avantages potentiels d’investir dans la santé de leurs salariés, et les décideurs politiques et autorités sanitaires locales doivent reconnaître les employeurs en tant que partenaires clé pour avoir une population en bonne santé.

Associer de façon holistique le bien-être des salariés et la rentabilité des entreprises au Ghana

Au Ghana, des avancées ont été réalisées en associant le bien-être des salariés avec la rentabilité des entreprises à travers le Programme de bien-être des salariés (EWP) de la Coopération au développement allemande. L’initiative met au défi les employeurs et les gouvernements pour qu’ils encouragent les bons comportements de leurs salariés, de leurs familles et de leurs communautés, en plus de s’occuper de préoccupations plus traditionnelles de santé et sécurité au travail. À la différence des partenariats de développement traditionnels qui sont axés sur les personnes défavorisées sur le plan économique, EWP porte sur des personnes qui ont des revenus réguliers mais sont plus susceptibles d’être atteintes de MNT, à cause des régimes alimentaires plus riches et de la sédentarité qui vont souvent de pair avec un travail de bureau. Le programme offre aux salariés des soins de santé préventifs ; une protection sociale et des conseils financiers ; une assurance santé et un traitement. Cette approche holistique a permis d’améliorer les standards sanitaires en injectant davantage de ressources dans le système de santé et protection sociale ghanéen.

En plus de cibler les individus sur le lieu de travail, il est nécessaire de soutenir les personnes vivant avec une MNT ou en convalescence, et leurs partenaires de soins, dans leur reprise du travail. Avec le temps, ceci peut être obtenu avec l’amélioration de l’accès aux services de rééducation (probablement fournis par le gouvernement), des politiques de reprise du travail souples mises en place par les employeurs, et des règlementations et législations renforcées pour lutter contre la discrimination.

Innovation. Données probantes. Collaboration.

Il existe de nombreuses données qui attestent de ce qui fonctionne dans la lutte contre les MNT ; il faut les transformer en actions généralisées, particulièrement sur le lieu de travail.

Les meilleures pratiques doivent être partagées, ainsi que les expériences directes, les modèles innovants et les données pertinentes. Un leadership et une collaboration solides sur le terrain entre le secteur public et le secteur privé seront la clé du succès pour relever ce défi.

C’est pourquoi la Fondation Novartis collabore avec l’Alliance sur les MNT en vue de créer une plateforme de plaidoyer pour faire en sorte que les employeurs des PRITI jouent un rôle plus important dans la lutte contre les MNT, et afin de catalyser les actions à grande échelle. Notre partenariat entend rassembler les meilleures pratiques et expériences, et identifier les principaux obstacles aux programmes sur les lieux de travail dans les PRITI. À cet égard, il est prévu de produire un guide pratique destiné aux décideurs politiques et aux employeurs, pour accompagner la mise en œuvre générale des programmes de santé sur le lieu de travail, devant être lancée en décembre 2017. Les leçons et les enseignements tirés seront également utilisés pour alimenter l’initiative de santé urbaine Better Hearts Better Cities (De meilleurs cœurs pour de meilleures villes), qui entend améliorer les résultats cardiovasculaires des populations urbaines par le biais d’une approche intégrée, multisectorielle de l’hypertension et de ses facteurs de risque sous-jacents, de façon durable à grande échelle.

Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous pouvons faire des villes saines une réalité. Et une ville saine, cela signifie des personnes en bonne santé ; des communautés saines, cela signifie une société en bonne santé ; et une société en bonne santé donne des entreprises saines.

 

À propos des auteures :

Roberta Bosurgi (@RBosurgi) est responsable de l’Initiative Urban Health (santé urbaine) à la Fondation Novartis (@NovartisFDN), et chargée de créer une nouvelle initiative collective pluridisciplinaire pour l’hypertension dans les milieux urbains défavorisés.

Katie Dain (@KatieDain1) est Directrice générale de l’Alliance sur les MNT (@ncdalliance), un réseau mondial de plus de 2000 organisations de la société civile dans plus de 170 pays, consacré à transformer la lutte contre les maladies non transmissibles dans le monde entier.

 

 
Références :

[1]  Données de la Banque mondiale, Population active, total. Disponible ici : https://data.worldbank.org/indicator/SL.TLF.TOTL.IN?end=2016&start=2015 Consulté le 10 octobre.

[2] McKinsey Global Institute. The world at work: Jobs, pay and skills for 3.5 billion people, 2012 [p. 9]

[3]  OMS, Healthy workplaces: a WHO global model for action http://www.who.int/occupational_health/healthy_workplaces/en/ (lien externe) Consulté le 10 octobre.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Buck Consultants. Working Well: A global survey of health promotion, workplace wellness, and productivity strategies, 2014.

[7]  Organisation mondiale de la santé, Rapport sur la situation mondiale des maladies non transmissibles, 2014 [p.11].