NCD Alliance at World Health Assembly

Une Assemblée mondiale de la Santé tournée vers l’avenir – le moment de prendre soin est-il arrivé ?

26 juin 2023

Dans ce blog, Liz Arnanz et Marijke Kremin, responsables des politiques et du plaidoyer de l’Alliance sur les MNT, se penchent sur les résultats et les opportunités de l'Assemblée mondiale de la Santé de cette année.

L'ordre du jour chargé de la 76e Assemblée mondiale de la Santé (AMS76) a démontré l'engagement des professionnels de la santé publique mondiale à renforcer non seulement les systèmes de santé, mais aussi la collaboration multilatérale nécessaire pour y parvenir. L’Alliance sur les MNT s’est réjouie de constater que la prévention et la prise en charge des MNT ont souvent été mentionnées comme une composante essentielle de la CSU et des efforts de prévention et de riposte face aux pandémies.

Les MNT et la CSU – une occasion de renforcer les synergies

Les discussions sur les points 13.1 - Couverture sanitaire universelle et 13.2 - Prévention et maîtrise des MNT, et santé mentale ont été regroupées à la suite d'un ajustement de dernière minute. Cela a mis en évidence le lien indissociable entre MNT et CSU. L'intégration des MNT dans les régimes de CSU est l'une des principales revendications de la NCDA pour la prochaine réunion de haut niveau des Nations Unies sur la CSU qui se tiendra à New York en septembre, et plusieurs États membres ont souligné cette opportunité.

Le Bhoutan a déclaré que la CSU pouvait être atteinte si les politiques relatives aux MNT et à la santé mentale décrites dans l’Annexe 3 du plan d'action mondial de l'OMS pour la lutte contre les MNT (alias les « Meilleurs choix » et autres interventions recommandées pour lutter contre les MNT) étaient mises en œuvre. Singapour a pour sa part mis l’accent sur les enseignements à suivre afin de promouvoir la CSU et de lutter contre les MNT notamment en matière de capacité des soins primaires, de résilience des systèmes de santé et de santé numérique, afin d'accélérer l'action. Le double fardeau des maladies transmissibles et non transmissibles a des répercussions sur des pays comme la Tanzanie, qui a indiqué qu'elle préconisait des efforts de prévention à l'échelle nationale, avec des messages encourageant une bonne alimentation, l'exercice physique et la détection précoce, via un modèle de soins communautaire.

Ces interventions ont été prometteuses, mais elles ne peuvent se cantonner à Genève et doivent être prises en compte dans la Déclaration politique finale sur la CSU en septembre. Bien que l’avant-projet de Déclaration politique sur la CSU reconnaisse les MNT et le rôle essentiel de la prévention, il ne va pas jusqu’à inclure des mesures juridiques et réglementaires pour promouvoir les politiques intersectorielles nécessaires à l'intégration des MNT dans les régimes de CSU.

Parmi les délibérations politiques en cours à l'AMS, l'organe intergouvernemental de négociation (OIN) a publié une version actualisée du projet de traité sur les pandémies, qui a notamment, et malheureusement, supprimé la mention des personnes vivant avec des problèmes de santé parmi les groupes vulnérables. Or, 60 à 90% des personnes décédées du COVID vivaient avec des MNT, ce qui les rendait particulièrement vulnérables. Il est nécessaire que les personnes vivant avec des MNT et des maladies chroniques obtiennent une reconnaissance dans le traité sur les pandémies et au sein des multiples réunions de haut niveau qui se tiendront cette année, notamment sur la CSU et la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.

Les « Meilleurs choix » actualisés pour les MNT – un argumentaire d’investissement pour la riposte aux MNT

Comme évoqué lors de l'événement parallèle de l'AMS76, Décortiquer l’expansion des « Meilleurs choix » en matière de MNT et les arguments en leur faveur, organisé par Vital Strategies et l’Alliance sur les MNT, le principal point à l'ordre du jour concernant les MNT cette année était la mise à jour de l'Annexe 3 du Plan d'action mondial 2013-2030 de l'OMS de lutte contre les MNT. Cette Annexe 3 présente une liste d’interventions d’un bon rapport coût/efficacité pour accélérer la prévention et la prise en charge des MNT à l’échelle nationale. L’Annexe 3 mise à jour a été adoptée à l’unanimité et offre « davantage de moyens, pour sauver plus de vies, pour moins d’argent », avec 28 « Meilleurs choix » pour les MNT.

Autre mise à jour importante, la décision EB152(11) demande à l'OMS d'actualiser régulièrement les interventions de l'Annexe 3 sur la base des données les plus récentes. Il s'agit là d'un élément essentiel pour continuer à renforcer l'argumentaire d’investissement en faveur de ces recommandations politiques en matière de prévention et de prise en charge des MNT. Comme l’a mentionné la Norvège lors de l’AMS76, cela fait partie du rôle normatif et de l’intégrité scientifique de l’OMS, et le processus de mise à jour régulière devra donc être exempt d’influences commerciales et indues.

Surmonter les déterminants commerciaux de la santé pour accélérer la mise en œuvre

Les déclarations de la Suède et de l’Eswatini (au nom des régions Europe et Afrique, respectivement) étaient très favorables à la mise à jour de l’Annexe 3, soulignant la nécessité de s’attaquer aux déterminants commerciaux de la santé. Ce point a eu un grand retentissement. La Dre Nandita Murukutla de Vital Strategies a déclaré dans une interview accordée à Health Policy Watch que l’influence des entreprises était l’une des principales raisons du retard dans la mise en œuvre des « Meilleurs choix » contre les MNT. La professeure Anna Gilmore, auteure principale de la récente série du Lancet sur les déterminants commerciaux, a souligné la manière dont les acteurs commerciaux manipulent la science pour influencer les politiques.

Lors de la table ronde stratégique de l'OMS organisée à l'occasion du 20e anniversaire de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), Paula Johns, d'ACT Promoção da Saúde, a fait remarquer qu’il est possible de tirer de nombreux enseignements du mouvement de lutte antitabac pour nous attaquer à d'autres facteurs de risque des MNT, tels que l'alcool, la mauvaise alimentation et la pollution de l'air.

Une initiative phare de l’OMS – le Plan d’accélération pour mettre fin à l’obésité – a également été discutée, avec des déclarations de nombreux pays, dont la Barbade. Ce petit État insulaire en développement (PEID) a récemment augmenté sa taxe sur les boissons sucrées pour atteindre le niveau recommandé par l'OMS. Il a en outre mis en œuvre une nouvelle politique de santé scolaire et s'est engagé à renforcer l'étiquetage à l’avant des emballages afin d'améliorer les systèmes alimentaires nationaux.

Par ailleurs, la Barbade, pays défenseur des MNT, accueille la prochaine conférence ministérielle des PEID sur les MNT et la santé mentale (14-16 juin 2023), étape d’un processus au cours duquel les déterminants commerciaux de la santé et le changement climatique ont été identifiés comme les principaux moteurs de l'épidémie de MNT et d'obésité à laquelle les PEID sont actuellement confrontés.
 

Un ordre du jour structuré pour le troisième pilier, axé sur l'équité et la santé planétaire

Les discussions autour du troisième pilier de l'OMS (Un milliard de personnes supplémentaires bénéficiant d’un meilleur état de santé et d’un plus grand bien-être) ont également été extrêmement importantes pour accélérer l'action contre les MNT et parvenir à une cohérence politique, comme l'a souligné la Thaïlande au nom de la région de l'Asie du Sud-Est. Au titre du troisième pilier, l'AMS a adopté le tout premier cadre mondial de l'OMS pour atteindre le bien-être et a pris note d'un nouveau cadre opérationnel pour surveiller les déterminants sociaux de l'équité en santé.

Ces deux cadres sont novateurs : alors que le premier fournit des exemples d'interventions pouvant conduire à une économie du bien-être valorisant la santé planétaire et humaine, le second vise à contrôler les données afin de mesurer les déterminants sociaux (y compris des aspects tels que la qualité de l'eau et de l'air) et les mesures prises pour y remédier, telles que les politiques de protection sociale et d'éducation.

Les liens entre la santé planétaire et la santé humaine ont été très présents lors de l’AMS76. L'une des tables rondes stratégiques de l'OMS portait sur la santé et le climat, et annonçait l'inclusion d'une « Journée de la santé » dans l'ordre du jour de la COP28 de la CCNUCC, qui comprendra une réunion des ministres de la Santé et du Climat. Cette journée est cruciale, en particulier pour les populations les plus exposées, et elle mettra en évidence les cobénéfices de l'atténuation du changement climatique pour la santé. Les Pays-Bas ont exhorté les États membres de l'AMS76 à envisager une résolution sur le climat et la santé.

Parmi les autres avancées majeures, citons l'adoption d'une résolution sur la santé des populations autochtones, présentée par le Brésil avec le soutien de nombreux États membres, dont le Panama qui a souligné la nécessité d'impliquer et de protéger ces populations contre la charge croissante des MNT qui les touche de manière disproportionnée. La résolution sur l'incidence des produits chimiques, des déchets et de la pollution sur la santé humaine, présentée par le Pérou, a elle aussi reçu un très bon accueil ; toutefois, la communauté des MNT s'est inquiétée de l'absence de reconnaissance des combustibles fossiles en tant que polluants majeurs. La pollution de l'air constitue l'un des principaux risques environnementaux pour la santé et la deuxième cause de mortalité en Afrique, mais les mesures prises pour y remédier dans le cadre du Programme de santé mondiale restent insuffisantes.

Le leadership restera essentiel pour garantir les synergies dans le domaine de la santé publique

Disposer d’un leadership au plus haut niveau politique reste indispensable pour constater un réel changement avant les réunions de septembre. Il convient de souligner ici l'appel lancé par le Ghana lors de l’AMS76 pour que d'autres gouvernements rejoignent le Groupe mondial de chefs d'État et de gouvernement pour la prévention et la maîtrise des MNT.

L'Alliance sur les MNT restera à la disposition de la communauté des MNT pour veiller à concrétiser le moment de prendre soin et faire en sorte que les actions de prévention et prise en charge des MNT soient prioritaires, dans le cadre des efforts visant à accélérer la mise en place de la couverture sanitaire universelle et la promotion de la santé et du bien-être des milliards de personnes qui vivent avec des MNT, troubles de la santé mentale compris, ou qui risquent d'en développer.

Que vous soyez un représentant de la société civile, d’un gouvernement ou de l'ONU, nous vous invitons à nous faire part, via cette enquête, de l'utilité du travail de l’Alliance sur les MNT dans le cadre de la préparation de l’AMS76, en vue d’améliorer notre soutien lors des prochains processus onusiens et de l'OMS.

À propos des auteures :

Liz Arnanz (@lizarnanz) est responsable des politiques et du plaidoyer de la NCDA sur la prévention des MNT, en charge de la coordination de notre travail de politique et de plaidoyer sur les principaux facteurs de risque de MNT, les déterminants en amont et la promotion de la santé en général. Auparavant, Liz a travaillé à la Fédération dentaire mondiale FDI, où elle plaidait pour l’intégration de la promotion et des soins de santé bucco-dentaire dans les systèmes de santé, et elle a également travaillé pour l’équipe des partenariats et des membres de la NCDA.

Marijke Kremin (@MarijkeKremin) est responsable des politiques et du plaidoyer de la NCDA. Basée à New York, elle est chargée de la question des politiques de financement et du plaidoyer auprès des Nations Unies. Avant cela, Marijke a travaillé dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales et des droits humains, et plus particulièrement sur le genre et le programme FPS (pour les femmes, la paix et la sécurité), la prévention des atrocités de masse et la protection des civils dans les conflits armés. Elle a également travaillé dans l’assistance juridictionnelle et le plaidoyer en faveur des réfugiés et des demandeurs d’asile au Cap, en Afrique du Sud.