Valeur partagée : l’impact social à travers les activités économiques

24 décembre 2020

À mesure que se rapprochent les échéances mondiales de 2025 et 2030 des cibles mondiales en matière de MNT et de développement durable, il devient clair, et c’est préoccupant, que la grande majorité des pays sont en mauvaise voie pour les atteindre. Les maladies non transmissibles (MNT) telles que les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, les maladies respiratoires et les troubles mentaux et neurologiques sont désormais responsables de 71% de la mortalité mondiale et font 41 millions de victimes chaque année ; et dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) cette charge ne fait qu’augmenter. Quatre personnes vivant avec des MNT sur cinq habitent actuellement dans un PRFI. 

L’accès pour les MNT doit être considérablement amélioré, de façon durable et équitable. Ceci exige une réponse collaborative et multi-sectorielle, incluant une nouvelle approche de la part du secteur privé. Pour être fructueux d’un point de vue commercial, tout en ayant un impact social durable, les modèles économiques pour les MNT devraient aller au-delà de la tarification, des autorisations et des initiatives philanthropiques afin de créer de la valeur pour les communautés, en s’adaptant aux besoins et contextes locaux en vue d’assurer l’accès à des services sanitaires de qualité pour tous.

L’enjeu : dépasser les limites des approches traditionnelles

« La COVID-19 a renforcé le besoin d’approches combinées, à la croisée de la philanthropie et des modèles économiques. La philanthropie ne peut pas à elle seule résoudre les principaux problèmes du monde. Les véritables changements systémiques viennent des politiques et du plaidoyer que l’impact social doit soutenir. Ce travail doit être réalisé en partenariat avec celles et ceux qui sont touchés par les MNT, c’est-à-dire les personnes vivant avec les MNT. » Courtney Roberts, Directrice des Partenariats philanthropiques de santé publique, Eli Lilly and Company

L’épidémie mondiale de MNT que nous connaissons aujourd’hui couve depuis des décennies. À présent, la situation a été aggravée par la pandémie de COVID-19 qui a mis en lumière les obstacles dévastateurs auxquels se heurtent les personnes vivant avec des MNT lorsqu’elles essayent d’accéder à une prise en charge médicale, à des médicaments vitaux et à des produits sanitaires tels qu’insuline, seringues, glucomètres et bandelettes réactives, nécessaires pour gérer leur maladie chronique. Bon nombre de dirigeants politiques et de médias, aux premiers stades de la crise de la COVID-19, ont évoqué la vulnérabilité des personnes ayant des « affections médicales sous-jacentes ». La grande majorité de ces personnes vivent avec des MNT. Globalement, la COVID-19 a révélé les dommages causés par la négligence des MNT et la réduction des dépenses publiques de santé, prévention et services sanitaires essentiels depuis de nombreuses années et dans de nombreux pays. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser cette négligence se poursuivre.

Les obstacles à la prise en charge des MNT sont complexes et pluridimensionnels, et s’y attaquer signifie aborder les difficultés liées au prix, aux infrastructures de santé inadéquates, aux chaînes d’approvisionnement insuffisantes et plus encore. Si ces obstacles ne sont pas nouveaux, les difficultés accrues auxquelles doivent faire face les communautés dans le monde entier montrent bien que les approches habituelles ne fonctionnent pas. Elles ont également montré les limites des modèles d’accès traditionnels pour offrir de meilleurs soins de santé aux personnes vivant avec des MNT, et notamment celles et ceux habitant dans les PRFI. Pour les entités du secteur privé qui souhaitent contribuer à la diminution de la charge des MNT, ceci implique de se tourner vers des modèles novateurs dont les modes de fonctionnement sortent des sentiers battus.

L’opportunité : l’impact social à travers la valeur partagée

La valeur partagée est un concept économique qui décrit la manière dont une entreprise « améliore [sa] compétitivité tout en faisant progresser les conditions économiques et sociales des communautés dans lesquelles elle opère[1] ». C’est un concept étroitement lié à l’idée d’investissement à impact social, ou « investissement destiné à générer un impact social et environnemental positif et mesurable en plus d’une rentabilité financière[2]». Alors que les MNT continuent à mettre à mal les systèmes sanitaires, ces concepts proposent une nouvelle façon de penser aux entreprises. En plus de fournir un cadre pour générer réellement de la valeur économique tout en répondant aux besoins des populations disposant de peu de ressources, le concept de valeur partagée offre également des opportunités aux entreprises de jouer un rôle crucial dans l’écosystème des soins de santé et de contribuer à surmonter les obstacles existants, notamment en termes d’accès.

Cependant, la valeur partagée a principalement été appréhendée sous l’angle des entreprises, sans donner l’occasion aux personnes vivant avec des MNT de définir les problèmes sociaux qui les affectent et qui empêchent un accès universel à la prise en charge des MNT. Or il est devenu manifeste que les changements les plus significatifs sont obtenus avec une approche axée sur l’humain qui met l’accent sur les besoins des communautés desservies. En outre, pour que la valeur partagée réalise son plein potentiel en termes d’accès durable pour les personnes vivant avec des MNT, un effort collaboratif sera nécessaire, ainsi qu’un objectif commun à l’ensemble des secteurs et parties prenantes. 

Un cadre pour la valeur partagée dans les initiatives liées aux MNT

Dans un esprit de partenariat et grâce aux contributions de son Groupe de soutien, l’Alliance sur les MNT a mené, début 2019, une réflexion sur le concept et le rôle des modèles d’impact social dans la riposte mondiale aux MNT. Il s’agissait de mieux comprendre la façon dont ces modèles fonctionnaient pour améliorer l’accès à la prise en charge des MNT dans les PRFI et d’identifier des approches pertinentes pour mesurer l’impact social de ces nouveaux modèles. Une publication est parue l’année suivante, intitulée « Rethinking social impact in the context of NCDs to advance a people-centred approach to access » (Repenser l’impact social dans le contexte des MNT afin de faire progresser une approche axée sur l’humain en matière d’accès), afin d’en présenter les résultats. Cette publication examine ces concepts en profondeur et illustre la manière dont ils pourraient être mis en œuvre à travers une série d’études de cas d’initiatives de valeur partagée menées par le secteur privé et des organisations à but non lucratif.

Sur la base des études de cas et de consultations menées auprès de personnes vivant avec des MNT, un cadre a également été mis au point en tant qu’outil conceptuel dans lequel une perspective axée sur l’humain est appliquée à l’impact social afin de guider la mise en œuvre et le déploiement à plus grande échelle des initiatives d’accès et des programmes liés aux MNT. Le cadre s’inspire des approches stratégiques figurant dans le Cadre pour des services de santé intégrés centrés sur la personne de l’OMS et examine différentes dimensions de l’accès du point de vue de celles et ceux qui en ont une expérience personnelle. Pour chaque dimension de l’accès, le cadre présente des perspectives complémentaires concernant des indicateurs qui devraient être pris en compte dans la programmation en matière de MNT afin de mieux répondre aux besoins des personnes vivant avec ces maladies, et ainsi avoir des initiatives liées à l’accès qui aient un véritable impact social. 

Alors que le monde s’efforce de reconstruire en mieux, des cadres tels que celui-ci peuvent être essentiels pour montrer la voie vers une prise en charge équitable des MNT pour tous. Nous lançons un appel à tous les secteurs afin qu’ils appliquent ce cadre aux initiatives visant à améliorer l’accès à la prise en charge des MNT et à générer une valeur durable tant pour l’organisation que pour les communautés.

 


Les auteures

Courtney Roberts est la Directrice des partenariats philanthropiques de santé publique chez Eli Lilly and Company. Elle dirige le portefeuille de santé mondiale de la société pour contribuer à atteindre Lilly 30x30 : un objectif ambitieux, impliquant toute la société, visant à améliorer l’accès à des soins de santé de qualité dans les communautés aux ressources limitées pour 30 millions de personnes d’ici 2030.

Katie Dain est la Directrice générale de l’Alliance sur les MNT. Elle jouit d’une grande reconnaissance en tant que défenseure et experte de premier plan en matière de MNT et son expérience s’étend à une large gamme de sujets de développement durable, tels que la santé mondiale, le diabète, l’égalité des sexes et la santé des femmes.

Access for NCDs needs to be dramatically increased, in a sustainable and equitable way. This will require a collaborative, multi-sectoral response, including a new approach from the private sector. To be successful from a commercial perspective whilst bringing lasting social impact, business models for NCDs should go beyond pricing, licensing and philanthropic initiatives to create value for communities, adapting to local needs and conditions with the aim of ensuring access to quality healthcare services for all.

 


[1] Peterson, K et al. Measuring Shared Value Innovation and Impact in Health. A Guide for Corporate Practitioners. 2014. Available at: https://www.fsg.org/tools-and-resources/measuring-shared-value-innovation-and-impact-health#download-area

[2] Global Impact Investing Network. What you need to know about impact investing. Available at: https://thegiin.org/impact-investing/need-to-know/#what-is-impact-investing