S’attaquer à l’obésité au Mexique : le cas des étiquettes de mise en garde

1 avril 2020

Mexico fait face à la crise de l’obésité la plus grave de toute son histoire. Selon la dernière enquête nationale sur la santé et la nutrition (2018), 35,6% des enfants, 38,4% des adolescents et 75,2% des adultes ont déjà atteint un certain degré de surpoids ou d’obésité. After a long struggle, Mexican legislature approved a series of reforms to the General Health Law supported by the public, academics and civil society.

Au terme d’un long combat, le législateur mexicain a adopté une série de réformes de la Loi générale sur la santé, avec le soutien du monde universitaire et de la société civile. En octobre 2019, La Chambre des députés et le Sénat de la République ont procédé à un vote historique qui a établi que l’étiquetage à l’avant des emballages devait être clair, véridique et facile à comprendre. Il a été précisé, en outre, que des systèmes de mise en garde devaient être appliqués pour les produits ayant une teneur excessive en sel, graisses (y compris, pour la première fois au Mexique, une déclaration obligatoire des acides gras trans), sucres et calories, ainsi que tout autre élément que les autorités sanitaires estiment devoir être signalé. Ainsi, les produits contenant de la caféine ou des édulcorants non caloriques devront également présenter une mise en garde particulière concernant les enfants.

Ce résultat a été obtenu en dépit de la forte opposition exercée par les groupes de pression des industries des aliments ultra-transformés et des boissons. Par la suite, en janvier 2020, les ministères de l’Économie et de la Santé ont adopté la norme officielle mexicaine 051, chargée d’assurer la conformité aux dispositions des réformes législatives. Mais ces industries aux intérêts économiques puissants sont résolues à freiner l’application de cette mesure et font valoir toutes sortes de mensonges devant les tribunaux. 

Des propositions scientifiquement fondées au bénéfice de la population

Les nouvelles propositions d’étiquetage des aliments et boissons incluent l’utilisation de données scientifiques fiables et exemptes d’intérêts commerciaux. Dans le cadre des groupes de travail, des organisations telles que l’UNICEF, l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), l’Institut national de santé publique, l’office de protection des consommateurs, le ministère de la Santé, l’Institut national de la nutrition et l’Université nationale autonome du Mexique, ainsi que la société civile, se sont accordés sur les modifications nécessaires afin de clarifier les informations destinées aux consommateurs.

Par ailleurs, à l’annonce de l’adoption de cet étiquetage au plan international, le gouvernement mexicain a reçu une multitude de lettres de soutien et de félicitations, envoyées par des organisations d’experts du secteur de la santé, dont l’Alliance sur les MNT NCD AllianceWorld Obesity FederationWorld Cancer Research FundWorld Association of Nutrition and Public Health and the Healthy Latin American Coalition.

La norme propose l’utilisation d’étiquettes octogonales de mise en garde, un modèle similaire à celui en vigueur au Chili, en Uruguay et au Pérou, et prévoit certains éléments novateurs qui la rendent unique.

En plus de réglementer l’utilisation de personnages ciblant les enfants, des symboles de mise en garde devront être apposés sur les produits contenant de la caféine, car la plupart des enfants du pays consomment des sodas en contenant de grandes quantités. La consommation de caféine chez les enfants n’est recommandée par aucune société médicale ni ligne directrice diététique ; bien au contraire, car cette substance a un effet stimulateur du système nerveux. Il est également devenu obligatoire d’apposer une mise en garde pour les édulcorants non caloriques, car les données prouvent clairement une accoutumance au goût sucré pendant l’enfance si ces saveurs sont consommées fréquemment et en grandes quantités.

Voilà qui change la donne pour ces industries, car lorsqu’elles modifieront la formulation de leurs produits, elles devront bien réfléchir à fabriquer des aliments et des boissons moins transformés et plus sains – au lieu de se contenter de remplacer le sucre par des édulcorants artificiels. Ces symboles seront accompagnés des mentions « contient des édulcorants / contient de la caféine / non recommandé pour les enfants ». 

En outre, les nouvelles étiquettes de mise en garde utiliseront le modèle de profil nutritionnel de l’OPS. Ce dernier point a été largement applaudi car il fait du Mexique le premier pays des Amériques à employer ce profil nutritionnel dans sa réglementation d’étiquetage.

Tous ces accords ont été obtenus grâce aux importants efforts déployés et en dépit de la forte opposition des industries de l’alimentation et des boissons, qui se sont clairement distinguées par leur participation agressive, constante et abondante aux groupes de travail. Cependant, suite à l’adoption de la norme, ces acteurs, porteurs d’intérêts économiques puissants, ont intensifié leurs attaques contre ces réglementations.

L’attaque des industries : organisations et chercheurs pris pour cibles

À la suite du vote de la norme, les chambres de l’industrie alimentaire et des boissons (représentées par la Confédération des chambres de l’Industrie et le Conseil de coordination du commerce) ont intenté un recours de protection des droits (appeal). Cette action judiciaire a réussi à suspendre temporairement la publication de la norme.

Vivement critiquée par la société, elle est considérée comme une tentative évidente de violation de son droit d’accès à l’information. L’indignation a été telle que même des représentants du pouvoir législatif ont exprimé leur désaccord dans les médias et intenté à leur tour une action judiciaire (appeal) pour que la norme soit publiée dans les meilleurs délais.

Devant les tribunaux, les industries ont fait valoir que « des données scientifiques n’avaient pas été utilisées pour la rédaction de la norme », « elles n’avaient pas été entendues au cours de la procédure » et que « la procédure appropriée n’avait pas été suivie ». Elles ont également menacé d’ « utiliser tous les moyens juridiques à leur disposition » pour empêcher la publication de la norme.

La suspension a heureusement été révoquée par un tribunal collégial, ce qui a permis la poursuite du processus de publication de la norme. Malgré les pressions exercées par l’industrie, le gouvernement mexicain a publié cette nouvelle norme au Bulletin officiel de la Fédération mexicaine le 27 mars, concluant ainsi la dernière étape pour que la mise en œuvre de l’étiquetage devienne réalité.

Toutes ces affirmations de l’industrie sont bien entendu fausses et les autorités sanitaires et économiques ont déclaré publiquement que ces acteurs avaient bien participé aux groupes de travail dans lesquels de nombreux accords avaient été atteints. À présent, tous les yeux sont tournés vers les juges qui doivent rendre leur décision définitive sur le recours de protection des droits présenté par les groupes industriels. 

Toutefois, en analysant les attaques de l’industrie, il est aisé d’identifier le type de techniques auquel elle a recours. Selon la classification du Fonds mondial de recherche contre le cancer (World Cancer Research Fund), ces acteurs essayent par tous les moyens de Différer (suspendre la publication de la norme, demander à recommencer la procédure depuis le début et prétendre qu’il est nécessaire de mener davantage de recherches sur la question), Diviser (prétendre qu’ils ont une proposition d’étiquetage alternatif), Démentir (prétendre qu’aucune preuve scientifique n’a été apportée), et Déformer (prétendre que l’étiquetage ne servira à rien et que la solution réside dans l’éducation ou le renforcement de l’activité physique, prétendre que les étiquettes de mise en garde n’informent pas, etc.).

Outre ces stratagèmes, l’industrie a tenté de diffamer et de lancer des attaques personnelles contre des chercheurs, des fonctionnaires et des militants ayant apporté leur soutien à cette mesure.

Ce comportement n’est pas nouveau. L’histoire de la santé publique et de l’alimentation est la même que celle de la lutte antitabac. Les industries cherchent à protéger leurs intérêts économiques et non la santé de la population ou le respect des droits humains, et il est essentiel d’en être conscient dès le départ.

Les implications: notre santé et de nos droits sont bafoués

La balle est à présent dans le camp du pouvoir judiciaire. Bien que la suspension ait été révoquée, le recours de protection des droits suit toujours son cours et est en attente d’une décision finale ; étant donné le comportement et les menaces des industries, nous pouvons nous attendre à d’autres actions sur le terrain juridique. Il appartient aux tribunaux d’examiner attentivement la procédure et de vérifier que les industries ont bien participé à toutes les réunions.

Il leur appartient d’écouter les preuves scientifiques. Il leur appartient de faire primer les droits des consommateurs, les droits des enfants et les droits humains à l’information et à la protection de la santé sur les droits commerciaux des marques. 

Dans le cadre de la Journée mondiale contre l’obésité, le représentant de l’UNICEF au Mexique, Christian Skoog, a déclaré « chaque journée qui passe sans un étiquetage clair est une journée où les droits de millions d’enfants et d’adolescents sont bafoués. »

Voici le point de vue que nous devons garder à l’esprit chaque fois que les industries discréditent les données scientifiques et le processus d’adoption d’un étiquetage au Mexique, et c’est très certainement le moteur qui doit nous pousser à continuer d’œuvrer en faveur d’étiquettes plus claires et de nombreuses autres mesures qui ensemble pourront permettre de construire un paysage différent du secteur alimentaire pour les générations futures. Dans la société civile, nous continuerons à être les fervents gardiens de la procédure, et dénoncerons à chaque étape les ingérences d’intérêts opposés à la santé de notre population.

 

A propos de l'auteur

Ana Larrañaga a fait des études de nutrition et s’est spécialisée dans des sujets tels qu’environnement et développement durable, allaitement et déterminants sociaux de la santé. Elle travaille avec des organisations de la société civile sur la prévention et la maîtrise de l’obésité et des maladies non transmissibles depuis 2013.

Depuis la ville de Mexico, où elle habite, elle a porté des réformes de la Loi générale sur la santé en vue de modifier l’étiquetage alimentaire et a participé aux groupes de travail de rédaction de la norme officielle d’étiquetage.

Elle dirige actuellement l’organisation Salud Crítica (@saludcriticamx) et assure la coordination de la coalition ContraPESO (@Contrapesomx). Elle est également représentante de la branche Alimentación Saludable [Alimentation saine] de la coalition Mexico Salud-Hable.