La santé rénale des femmes : collaborations pour des politiques tenant compte des spécificités hommes-femmes
14 Mars 2018
14 Mars 2018
Les femmes doivent faire face à de graves difficultés en ce qui concerne leur santé rénale, notamment au cours de la grossesse. Dans ce blog, la directrice de campagne de la Journée mondiale du rein, Agnese Ruggiero, réfléchit aux besoins liés à ces difficultés et lance un appel pressant aux décideurs politiques afin qu’ils mettent en œuvre des politiques de prévention et traitement éprouvées qui tiennent compte des spécificités hommes-femmes, tout au long de la vie des filles et des femmes.
Environ 195 millions de femmes vivent avec une insuffisance rénale chronique dans le monde. Cette maladie est actuellement la huitième cause de mort chez les femmes, provoquant le décès de près de 600.000 femmes chaque année. Le risque de développer une insuffisance rénale chronique est au moins aussi élevé chez les femmes que chez les hommes, et pourrait même être plus élevé. En outre, la santé rénale est étroitement liée à la santé maternelle : les complications liées à la grossesse peuvent augmenter le risque de néphropathies et, réciproquement, les femmes qui sont déjà atteintes d’insuffisance rénale chronique courent un risque accru d’issue négative en cas de grossesse, à la fois pour la mère et pour l’enfant.
Dans les pays développés, les médecins feront tout leur possible pour permettre à une femme sous dialyse de réaliser son désir d’être mère. Cependant, les femmes habitant des endroits où la dialyse est moins disponible, ou qui ne peuvent pas se permettre le traitement pour des raisons économiques, peuvent simplement se voir conseiller de ne pas avoir d’enfants. Car sans traitement adéquat, la néphropathie peut empêcher qu’une grossesse arrive à terme, tout en causant la détérioration significative de la fonction rénale de la mère, jusqu’à un point potentiellement fatal. Un tel diagnostic peut être dévastateur pour une femme, surtout dans les pays où l’incapacité à avoir des enfants peut avoir des répercussions sociales graves.
Les femmes atteintes d’insuffisance rénale chronique qui essaient d’avoir des enfants sont très susceptibles de rencontrer des difficultés à procréer, l’incapacité à ovuler et les fausses couches étant des conséquences très communes de cette maladie chez les femmes.
Irrégularités menstruelles, ménopause précoce et dysfonctions sexuelles sont d’autres problèmes possibles. Les femmes sont également plus touchées par certains types de maladies des reins telles que la néphropathie lupique (une maladie rénale causée par une maladie auto-immune) et la pyélonéphrite aiguë (une infection rénale).
Les études ont montré que les femmes qui sont sous dialyse plus de 24 heures par semaine sont plus susceptibles d’avoir un accouchement réussi. Malheureusement, ceci ne constitue pas une alternative pour les nombreuses femmes dans le monde qui n’ont pas accès à la dialyse. De la même façon, une greffe de rein peut réduire certains des effets de la néphropathie sur la santé maternelle, mais ici encore, c’est souvent tout simplement impossible dû aux attentes très longues pour obtenir des organes de donneurs, et aux obstacles d’ordre économique.
Le tableau de la situation n’a pas à être aussi sombre. La plupart des cas d’insuffisance rénale chronique sont évitables et, s’ils sont détectés à temps surtout, il est possible de les traiter. Voilà pourquoi nous avons besoin de politiques ciblées et de mesures urgentes afin de soutenir les femmes en termes de prévention, traitement et prise en charge.
Ces problèmes ne recevant pas l’attention qu’ils méritent, différentes organisations mènent des actions de plaidoyer afin de mieux défendre la santé rénale des femmes, où qu’elles vivent.
Dans le cas du partenariat entre les fondateurs de la Journée mondiale du rein et la Taskforce sur les femmes et les MNT, la combinaison de connaissances et d’expertise dans les domaines que sont la santé rénale, la santé des femmes, et le plaidoyer et la sensibilisation en matière de MNT a eu pour résultat un pressant appel à l’action de la part des gouvernements sur une question négligée jusqu’à présent : le fait que les femmes doivent faire face à des défis uniques concernant leur santé rénale.
La Taskforce a fait de l’excellent travail en attirant l’attention sur le fardeau des MNT chez les femmes. Avec la charge croissante de néphropathies et l’essor de la santé des femmes dans l’agenda politique mondial, le partenariat que nous avons noué avec ce groupe de travail veut mettre en exergue certains des principaux problèmes rencontrés par les femmes concernant leur santé rénale, notamment au cours de la grossesse. Ces problèmes exigent des politiques ciblées et une attention pressante de la part des décideurs.
Nous avons besoin, de toute urgence, de prévention et traitement ciblés tenant compte des spécificités hommes-femmes, tout au long de la vie des jeunes filles et des femmes. C’est la raison pour laquelle le 8 mars, une déclaration conjointe sera lancée par les deux organisations partenaires afin de marquer à la fois la Journée mondiale du rein et la Journée internationale des femmes. Elle apportera des orientations claires aux dirigeants de la santé publique et aux décideurs politiques internationaux. La déclaration met l’accent sur les données actuelles et les principaux enjeux dans les domaines suivants : néphropathies et santé maternelle et des enfants, et accès à la prévention et à la prise en charge des néphropathies. Elle établit des recommandations politiques concrètes pour aborder ces questions.
Nous espérons que cette déclaration sera largement relayée par tous nos partenaires et militants dans leurs efforts de plaidoyer pour la santé rénale des femmes et des filles dans le monde entier. La déclaration conjointe sera disponible sur le site Internet de la Journée mondiale du rein, le 8 mars : http://www.worldkidneyday.org/2018-campaign/kidney-disease-women-call-action/.
Agnese Ruggiero est titulaire d’un master en santé et développement dans le monde de l’Université de Maastricht. Elle a rejoint la Société internationale de néphrologie en 2012 et est impliquée dans la campagne de la Journée mondiale du rein (@worldkidneyday) depuis 2013.
La Journée mondiale du rein est une campagne mondiale qui vise à accroître la sensibilisation à l’importance des reins sur la santé en général, et à réduire la fréquence et l’impact dans le monde des néphropathies et des problèmes de santé y étant associés. Lancée en 2006, cette journée est une initiative conjointe de la Société internationale de néphrologie (ISN) et la Fédération internationale des fondations du rein (IFKF).
La Taskforce sur les femmes et les MNT a été créée en 2011 en vue de répondre au fardeau unique et grandissant des maladies non transmissibles (MNT) sur les femmes dans les pays à revenu faible et intermédiaire. La Taskforce réunit quatorze organisations sanitaires mondiales venant des communautés de la santé des femmes et des MNT.
1- Global Prevalence of Chronic Kidney Disease – A Systematic Review and Meta-Analysis; (Prévalence mondiale de l’insuffisance rénale chronique – étude systématique et méta-analyse); Nathan R. Hill, Samuel T. Fatoba, Jason L. Oke, Jennifer A. Hirst, Christopher A. O’Callaghan, Daniel S. Lasserson, F. D. Richard Hobbs PLoS One. 2016; 11(7): e0158765. Publié en ligne le 6 juillet 2016. doi: 10.1371/journal.pone.0158765 PMCID: PMC4934905.