Combler l’écart de responsabilisation entre engagements et actions sur les MNT

16 septembre 2020

La responsabilisation prévoit le suivi des engagements et de la manière dont les gouvernements emploient les ressources, ainsi que le fléchage des politiques et des actions du secteur public et du secteur privé pour identifier ce qui marche et pourquoi, ainsi que les points où il est nécessaire de renforcer l’action afin de répondre aux besoins de santé et de respecter les droits de chacun.

Dans le cadre des Nations unies, les gouvernements se sont engagés sur de nombreux objectifs en matière de lutte contre les MNT. Nous pouvons veiller à ce que ces engagements se traduisent par une réalisation des objectifs, afin d’inverser la tendance de l’épidémie de MNT. La société civile, le monde académique et le secteur privé ont tous un rôle à jouer. Des actions de responsabilisation plus fortes et intersectorielles peuvent contribuer à combler l’écart flagrant qui existe en matière de responsabilisation et progresser dans la lutte contre les MNT.

Dix ans d’engagements mondiaux sur les MNT 

Les maladies non transmissibles, ou MNT, sont responsables de 70% des décès dans le monde (bien souvent évitables ou prématurés) et font également peser une charge économique écrasante sur les pays, les communautés et les familles. Le fardeau des MNT, aussi bien sanitaire qu’économique, retombe avant tout sur les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), ce qui fait ainsi des MNT un problème majeur de développement. Par le passé, les MNT ont été négligées par les gouvernements, mais depuis 2015 et l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD), elles sont (enfin) reconnues comme un problème de santé mondial appelant une réponse urgente.

Les MNT se sont fait une place dans les agendas de développement internationaux, et les Nations Unies et l’Organisation mondiale de la Santé ont fixé des objectifs mondiaux, à commencer par la Déclaration politique des Nations Unies sur la prévention et la maîtrise des MNT, issue de la première réunion de haut niveau des Nations Unies (RHN-ONU) sur les MNT en 2011. Par ailleurs, le Plan d’action mondial pour la lutte contre les MNT 2013 - 2020 de l’OMS, a pour principal objectif de réduire de 25% le nombre de décès prématurés dus aux MNT d’ici 2025. En septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030, un document universel assorti de 17 Objectifs de développement durable (ODD). L’ODD 3.4 porte spécifiquement sur les MNT, et les dirigeants mondiaux se sont engagés à réduire d’un tiers d’ici 2030 le nombre de décès survenant chez les 30-70 ans, provoqués par quatre grandes MNT : le cancer, les maladies cardiovasculaires, les affections respiratoires chroniques et le diabète.

Ces dernières années, les chefs d’État se sont par ailleurs engagés à aborder les MNT et leurs facteurs de risque (tels que mauvaise alimentation, sédentarité et consommation d’alcool et de tabac) lors d’autres réunions des Nations Unies. Depuis 2018, la santé mentale a été ajoutée à la liste des MNT nécessitant une action mondiale urgente et la pollution atmosphérique a été identifiée comme cinquième grand facteur de risque mondial.

Des plans et des engagements de ce type ont permis de déboucher sur un programme mondial reposant sur des cibles concrètes de lutte contre les MNT. Malheureusement, plus de la moitié des pays dans le monde pourraient bien ne pas atteindre les cibles de l’ODD 3.4

Selon le dernier rapport du Compte à rebours pour les MNT, seuls 17 pays sont en bonne voie pour atteindre l’objectif pour les femmes et 15 pour les hommes. Dans le même temps, la mortalité due aux MNT stagne, voire augmente depuis 2010 pour les femmes dans 15 pays et les hommes dans 24. 

Dans le monde, les décès dus aux AVC, aux maladies cardiovasculaires et au cancer de l’estomac sont en baisse. Toutefois les décès dus au diabète, au cancer du poumon, au cancer du côlon et au cancer du foie, stagnent ou augmentent dans de nombreux pays.

Malgré cette situation critique, un nombre alarmant de pays ne dispose même pas des éléments fondamentaux d’une riposte nationale. Selon l’État des progrès accomplis dans la lutte contre les MNT de l’OMS, 26% des pays n’ont pas instauré de plan national multisectoriel de lutte contre les MNT, et un tiers ne disposent pas de cibles nationales assorties de délais permettant de piloter et de suivre les progrès en matière de lutte contre ces maladies. 

L’une des raisons principales de cette absence de progrès au niveau national est un manque de responsabilisation, qui s’entend comme un processus cyclique de suivi (collecte de données), analyse (examen) et action (plaidoyer et diffusion de messages). En d’autres termes, il s’agit de regarder ce que votre collectivité locale ou gouvernement national a promis de faire et de le comparer à ce qu’il a réellement fait et obtenu. Il s’agit également d’analyser les mesures prises afin de mieux comprendre ce qui marche, ce qui ne marche pas, et pourquoi. Bien que la responsabilisation soit souvent négligée ou ignorée, lorsque des mesures de responsabilisation sont correctement mises en œuvre, elles peuvent déboucher sur une action réelle et concrète. Le panel international sur la responsabilité de l’initiative Chaque femme, chaque enfant invite à utiliser ce cadre

Exemples de réussite en matière de responsabilisation

Un exemple nous vient des Caraïbes, où la Healthy Caribbean Coalition et ses membres ont effectué une analyse comparative des engagements souscrits par les gouvernements en matière de MNT, évalué les commissions nationales sur les MNT, élaboré des fiches d’évaluation de l’obésité et conçu un plan stratégique pour une responsabilisation interne et externe. Ces outils servent à développer des feuilles de route, identifier des priorités et préconiser des politiques et des systèmes au plan national et régional. Résultat : le tableau de bord de l’obésité et le rapport régional sur les commissions nationales des MNT ont déclenché des actions sur des sujets majeurs. 

De francs succès ont également été remportés dans la région, notamment l’imposition d’une taxe sur les boissons sucrées à la Barbade, l’adoption d’une législation antitabac au Guyana et le développement d’un projet de traitement standardisé de l’hypertension artérielle aujourd’hui déployé à la Barbade et peut-être ensuite dans toute la région. 

Autre exemple, l’Alliance d’Afrique de l’Est sur les MNT a entrepris une analyse comparative régionale en 2014, au cours de laquelle l’outil comparatif de la NCDA a été adapté au contexte de l’Afrique de l’Est pour permettre la collecte de données. Il s’agissait d’examiner le niveau de priorité accordé aux MNT dans les plans de développement et de santé ; la puissance de la capacité nationale, de l’action multisectorielle et des partenariats pour les MNT ; les progrès accomplis dans la réduction des facteurs de risque et des déterminants sociaux des MNT ; les progrès et la réorientation des systèmes de santé afin de traiter les MNT ; et les progrès accomplis dans l’établissement d’objectifs de suivi et d’évaluation des MNT. 

Les résultats ont servi à mettre au point une charte sur les MNT de la société civile, qui constitue un outil de plaidoyer basé sur des données factuelles pour réclamer une couverture sanitaire universelle, MNT incluses, l’intégration des MNT dans les plans de développement nationaux et des soins primaires intégrés pour les MNT.

Enfin, en Amérique latine, l’Alliance péruvienne sur les MNT a remarqué que les fabricants de tabac faisaient partie des parrains d’une série de colloques organisés par le Pacte mondial des Nations Unies (PMNU) dans la région, autour de la réalisation des ODD. Plusieurs actions ont été menées. L’alliance a ainsi envoyé des courriers aux organisateurs au Pérou, au PNUD et au Président du PMNU. Des réseaux internationaux de la société civile ont également envoyé des courriers et une conférence de presse a été organisée à ce sujet. Résultat : le Conseil du PMNU a annoncé l’exclusion des fabricants de tabac de ses travaux. Au plan international, l’initiative a favorisé une plus grande vigilance autour d’événements organisés dans les différents pays. 

L’action de la société civile peut stimuler le progrès en matière de MNT

Il apparaît clairement que la responsabilisation est déterminante pour mieux lutter contre les MNT. L’ensemble de la société civile peut participer et demander aux gouvernements de rendre des comptes sur les engagements pris en matière de MNT, sur les mesures prises pour éviter l’ingérence des industries produisant des produits mauvais pour la santé dans les politiques et sur la manière dont ils garantissent la santé et le bien-être de leurs populations. De nombreuses actions spécifiques en matière de responsabilisation sont disponibles dans le Guide pratique pour la responsabilisation de la NCDA ainsi que sur le site Internet de la Semaine d’action mondiale sur les MNT, qui aura lieu cette année du 7 au 13 septembre. Cette semaine d’action mondiale sur les MNT est une occasion unique de s’impliquer, car l’édition de cette année rassemblera le mouvement des MNT autour du thème de la responsabilisation.

Le site Internet de la campagne propose de nombreuses suggestions d’actions et ressources autour de la responsabilisation, pour tous les niveaux d’implication. Le but est d’unir nos forces vers un objectif commun : transformer les promesses en matière de MNT en progrès pour réduire la charge des MNT et améliorer la santé dans le monde entier. Ensemble nous sommes plus forts ! 

À propos de l’auteure

Lucy Westerman (@lewest) a rejoint la NCDA en 2015, en qualité de Responsable des politiques et des campagnes. Lucy pilote les activités liées aux politiques de prévention des MNT et de promotion de la santé de l’Alliance sur les MNT, et plus particulièrement celles qui portent sur l’alcool, l’alimentation, l’activité physique et des thématiques transversales telles que l’influence des déterminants sociaux, commerciaux et environnementaux sur la santé. Lucy coordonne également les campagnes mondiales de la NCDA, en regroupant plus particulièrement le travail des équipes plaidoyer et communication afin d’en maximiser l’impact, comme c’est le cas dans le cadre de la campagne pour la Semaine d’action mondiale sur les MNT.