Intégrer les MNT et investir dans la CSU afin de ne laisser personne de côté dans la santé bucco-dentaire
20 décembre 2021
20 décembre 2021
Les MNT sont la cause la plus fréquente de décès et d'incapacité dans le monde, puisqu'elles sont à l'origine de 74 % de l’ensemble des décès dans le monde. Elles existent souvent ensemble sous la forme de comorbidités, c'est-à-dire d'affections survenant en même temps chez la même personne, parce qu'elles partagent les mêmes facteurs de risque, ou parce que certaines maladies prédisposent les individus à en développer d'autres. L'expression « maladies non transmissibles » fait souvent référence aux cinq maladies sur lesquelles la lutte contre les MNT s'est concentrée jusqu'à récemment : le cancer, les maladies cardiovasculaires (MCV), les maladies respiratoires chroniques, le diabète et les troubles mentaux et neurologiques. Mais elle englobe également de nombreuses autres affections préoccupantes pour la santé publique, comme les maladies bucco-dentaires, qui sont très répandues et étroitement liées aux MNT les plus prioritaires.
Les maladies bucco-dentaires sont en réalité l’affection la plus répandue dans le monde ; et pourtant, la santé bucco-dentaire n'est souvent pas prise en compte (ni couverte) comme un élément à part entière des systèmes de santé. Pourquoi en est-il ainsi, alors qu'il existe de fortes synergies permettant de réduire les coûts globaux des systèmes de santé grâce à des efforts de prévention conjoints, des interventions de santé bucco-dentaire précoces et rentables, et l'orientation en cas d'autres MNT ? Sur une note positive, la récente résolution sur la santé bucco-dentaire approuvée par l'Assemblée mondiale de la santé en mai 2021 (WHA74.5) invite instamment les États membres à « renforcer la prestation de services de santé bucco-dentaire dans le cadre de l’ensemble de services de santé essentiels qui permettent d’assurer la couverture sanitaire universelle ».
A l’issue de la Journée de la CSU, nous souhaitons revenir sur la signification des termes universel, santé et couverture, en apportant un éclairage de santé bucco-dentaire au concept de CSU.
Comme le souligne la Vision 2030de la FDI : offrir à tous une santé bucco-dentaire optimale, les maladies bucco-dentaires ont un impact disproportionné sur les populations des pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) et sur les groupes marginalisés qui ont un accès limité à la promotion de la santé, aux soins bucco-dentaires et à d'autres services liés aux maladies non transmissibles. Cela exacerbe les inégalités sociales et sanitaires existantes, étant donné que les maladies bucco-dentaires entraînent des douleurs chroniques évitables et provoquent un nombre important de journées de travail et d'école perdues. 520 millions d’enfants souffrent de caries des dents primaires, et si la carie dentaire n'est pas traitée à temps, elle peut entraîner des abcès douloureux, voire une septicémie. Dans des pays comme l'Australie, Israël, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, l'une des raisons les plus fréquentes d'hospitalisation des enfants est l'extraction de dents en raison de caries dentaires.
Pour agir sur les déterminants sociaux de la santé, les services de santé essentiels, y compris les services de santé bucco-dentaire, doivent être accessibles universellement, en garantissant l'équité de l'accès à ces services. L'un des mécanismes pour y parvenir est la mise en œuvre d'interventions à l'échelle de la population qui favorisent la santé et s'attaquent aux facteurs de risque partagés par les maladies bucco-dentaires et d'autres MNT, tels que le sucre. Les interventions de santé publique visant à réduire la consommation de sucre peuvent inclure la taxation des boissons sucrées, la mise en œuvre d'un étiquetage clair à l’avant des emballages des aliments et boissons transformés, la réglementation de toutes les formes de marketing et de publicité pour les aliments et boissons à forte teneur en sucre destinés aux enfants et l'amélioration de l'environnement alimentaire dans les établissements publics, de la sensibilisation et de l'accès à l'eau potable.
Un autre aspect de la CSU à prendre en compte consiste à savoir ce que nous entendons par « santé ». Pourquoi exclure les services de santé bucco-dentaire des régimes de CSU alors que la santé bucco-dentaire est un élément essentiel de la santé générale ? Ainsi, la parodontite (gingivite) est la septième maladie la plus répandue dans le monde ; elle affecte l’os alvéolaire, entraînant la perte de dents, et se manifeste souvent comme une complication courante du diabète. Elle peut également affecter le contrôle de la glycémie, augmentant ainsi le risque de diabète. En outre, lorsque nous parlons de santé, nous faisons également référence à la qualité de vie. Les efforts en matière de CSU ne doivent pas seulement se concentrer sur l'arrêt et la réduction des taux de mortalité, mais doivent également garantir le droit des personnes à la vie, à la santé et au bien-être.
La FDI et l’Alliance sur les MNT ont récemment publié POURQUOI et COMMENT intégrer la santé bucco-dentaire dans les stratégies de lutte contre les MNT et les régimes de CSU, une note d’information destinée aux décideurs politiques qui comprend cinq messages clés avec des appels à l’action pour chaque message. (1) Le document plaide pour que la santé bucco-dentaire soit considérée comme un indicateur clé de la santé, du bien-être et de la qualité de vie en général ; (2) il appelle à des efforts de prévention conjoints compte tenu des facteurs de risque partagés ; (3) il identifie la mauvaise santé bucco-dentaire comme un facteur de risque de MNT, au-delà des maladies bucco-dentaires ; (4) il sensibilise à l'impact positif que peut avoir une bonne santé bucco-dentaire sur les résultats du traitement des MNT ; et (5) il aborde la nécessité d'impliquer les personnes vivant avec des maladies bucco-dentaires, les communautés et les professionnels de santé pour réussir les efforts d'intégration.
Pour ce qui est de la couverture, nous devons mentionner que la CSU comporte trois éléments essentiels : la garantie de la qualité, l'accès équitable et la protection financière pour un large éventail de services de santé (c'est-à-dire la promotion de la santé, la prévention, le traitement et la réadaptation). Ces trois éléments doivent être réunis afin de parvenir à une couverture réelle. Dans l'Union européenne, les maladies bucco-dentaires étaient le troisième facteur de dépenses de santé en 2015 pour les MNT, juste derrière le diabète et les MCV. Pourtant, moins d’un tiers des dépenses de soins bucco-dentaires sont couvertes par les assurances gouvernementales ou obligatoires dans les pays de l'UE (chiffres 2018).
Cela prouve à quel point la protection financière disponible pour les services de santé bucco-dentaire est limitée et l'exposition à des dépenses personnelles élevées pour les familles à faible revenu. Pour de nombreux PRFI, la disponibilité et la couverture des services de santé bucco-dentaire sont souvent très faibles, voire inexistantes, exposant ainsi les ménages à un risque plus élevé de dépenses de santé catastrophiques en cas de traitement dentaire, voire empêchant totalement l'accès aux services de santé bucco-dentaire.
Cette année, à l’occasion de la Journée de la CSU, nous avons souhaité reprendre les paroles de Stephen, un défenseur de santé basé au Kenya qui a vécu l’expérience de caries dentaires graves et qui a souffert pendant des années de douleurs affectant son alimentation, sa productivité et son sommeil, parce que le traitement était inaccessible et coûteux : « Je pense que les services de santé bucco-dentaire doivent être plus accessibles aux millions de personnes qui n'y ont actuellement pas accès, afin de préserver leur qualité de vie. »
Enzo Bondioni s’attache à faire en sorte que les meilleures pratiques en matière de science de la santé bucco-dentaire, d'éducation, de soins préventifs et de traitement soient largement partagées, contribuant ainsi à améliorer la santé bucco-dentaire et générale des populations dans le monde. Il est Directeur exécutif de la Fédération dentaire internationale (FDI) depuis 2015. Avant cela, il a notamment été directeur des opérations à la Fondation internationale de l'ostéoporose et à la Fédération mondiale du cœur.
Nina Renshaw a rejoint l’Alliance sur les MNT en juillet 2018 et est chargée de piloter, développer, mettre en œuvre et gérer le travail politique et de plaidoyer de la NCDA dans le monde entier. Nina a plus de douze ans d’expérience en politiques et plaidoyer internationaux dans différents domaines tels que l’environnement, les transports, la politique industrielle, la fiscalité et la santé. Avant de rejoindre l’Alliance sur les MNT, elle était, à Bruxelles, la Secrétaire générale de l’Alliance européenne de la santé publique (EPHA)