La santé cardiovasculaire doit s’améliorer à l’ère du numérique

4 octobre 2021

Notre monde virtuel est révélateur. Et pas uniquement à cause de ce que nous publions, likons et partageons. « Le tout numérique » met à jour des disparités et des inégalités criantes, et l’univers de la santé ne fait pas exception. Il a fallu une pandémie pour rappeler que la connectivité numérique, l’accès et la télémédecine sont d’excellents outils, mais également que leur absence peut parfois faire la différence entre la vie et la mort. Et que l’on parle de santé mobile, de e-santé, de télémédecine ou plus globalement de santé numérique, la possibilité de se faire examiner, diagnostiquer et traiter sans qu’une consultation en personne ne soit nécessaire est, plus que jamais, en jeu. En effet, l’efficacité de la « distanciation du médecin » s’est accrue en cette époque sans précédent, mais pas encore pour tout le monde.  

La santé numérique augmente, de même que l’incidence des maladies cardiovasculaires ou cardiaques et des AVC, qui provoquent désormais plus de 18 millions de décès chaque année, pour la plupart dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) Bon nombre d’outils non-invasifs étant disponibles en santé cardiovasculaire, le cœur sera probablement l’un des premiers domaines de développement de la santé numérique. Grâce à la santé numérique, il est possible de surveiller des patients à distance et de manière non-invasive. Les plateformes numériques peuvent connecter les pharmacies et permettre aux pharmaciens de se perfectionner dans les conseils qu’ils apportent aux personnes vivant avec des maladies cardiovasculaires ou ayant subi un AVC. Outre les consultations à distance, il existe également des dispositifs portables, notamment des montres connectées et des appareils plus sophistiqués qui lisent les données de la personne qui les porte, grâce à des puces et des capteurs intégrés. Entre autres exemples, citons les électrocardiographes (ECG) portatifs ou appliqués sur la poitrine, reliés à des smartphones, qui peuvent enregistrer le rythme cardiaque et aider à diagnostiquer un battement de cœur irrégulier en cas de fibrillation auriculaire. 

Le développement doit prendre en compte l’inclusion

Nous devons nous demander où et au bénéfice de qui a lieu la révolution de la santé numérique, en tant qu’outil essentiel de notre arsenal de lutte contre les maladies cardiovasculaires. L’évolution des soins de santé représente une source d’opportunités, et cette technologie en plein essor s’accompagne d’une mise en garde. Si nous les manquons ou si nous les gérons mal, ces opportunités peuvent présager un creusement du fossé de l’accès, de l’accessibilité financière et de l’équité.  

Bon nombre de celles et ceux qui vivent avec des maladies cardiovasculaires et ont subi des AVC, et qui y succombent, habitent dans des milieux à faibles ressources et sont souvent exclus de l’accès numérique ou de la santé numérique. En outre, les personnes vivant en milieu rural, loin du premier dispensaire disponible, ne sont couverts par aucun instrument de santé numérique. Et les populations plus âgées peuvent être moins acquises à l’idée de solutions passant par des canaux numériques. 

La géographie, le genre et le niveau de revenus ne doivent pas influer sur un accès équitable aux soins de santé. L’avenir de la santé sera notamment jugé à l’aune de notre capacité à lever ces obstacles artificiels. Le Rapport 2020 sur les inégalités entre hommes et femmes dans la téléphonie mobile indique que les femmes des pays à revenu faible et intermédiaire sont 7% moins susceptibles de posséder un téléphone portable que les hommes, et que les femmes sont encore 234 millions de moins que les hommes à accéder à l’Internet mobile. La technologie du haut-débit mobile a offert une occasion unique aux pays et régions dans lesquels les réseaux fixes étaient inexistants. Et pourtant, selon des données récentes, les foyers connectés à Internet se trouvent principalement en milieu urbain, à 72%, par rapport aux zones rurales où ce pourcentage est de 37%. Dans les pays moins développés, 17% de la population rurale n’a pas de couverture, tandis que 19% ne dispose que d’un réseau 2G. Même aux Etats-Unis, près de 30 millions d’américains ne bénéficient pas pleinement de l’ère du numérique. 

Rattraper le temps perdu

Le secteur de la santé est parmi les premiers à avoir exploité les opportunités de la technologie numérique, bien qu’il soit encore devancé par le secteur bancaire et celui des transports. Le développement des dispositifs portables et l'utilisation avisée des données contribueront à améliorer la santé dans les pays plus riches. Dans toute l’Europe, le nombre de recherches en ligne d'informations de santé a plus que doublé en dix ans. La technologie numérique modifie déjà le paysage dans les PRFI et continue de se développer. Il est impératif que les communautés les plus vulnérables de ces pays aient, elles aussi, accès à des soins continus, en se connectant aux services médicaux. 

Quels sont les principaux piliers de la réussite dans le domaine des soins de santé numériques ? Le recours à la technologie doit s'accompagner d'investissements, d'infrastructures, d'une formation et d'une protection des données qui contribuent à donner confiance à l’opinion publique. L'intégration de la culture numérique dans les efforts d'éducation globaux augmentera le niveau de confort de nombreuses personnes qui ne sont pas habituées à la technologie en tant que ressource de santé, y compris parmi le personnel de santé.  

L'équité en matière de santé cardiaque est la pierre angulaire d'une société prospère, et l'optimisation des soins de santé est un défi multisectoriel. Décideurs politiques, économistes, société civile, monde universitaire et secteur privé doivent être au rendez-vous de la planification et de la mise en œuvre. Toutes les approches de la santé, numériques et traditionnelles, doivent être accessibles aux plus marginalisés.

À propos de l’auteur

Jean-Luc Eiselé (@jletwit, @worldheartfed) est le Directeur général de la Fédération mondiale du cœur (WHF) qui célèbre le 29 septembre la Journée mondiale du cœur. Biochimiste de formation, il a travaillé au Biocentre de l'Université de Bâle et à l’Institut Pasteur à Paris, et s’occupe de gestion des associations médicales depuis près de vingt ans. Il a rejoint la Fédération mondiale du cœur (WHF) en tant que Directeur général en mai 2017, s’attachant à renforcer le modèle économique, l’accent mis sur la communication et le plaidoyer, ainsi que la participation des membres. #WorldHeartDay #UseHeart 

Cet article est paru pour la première fois dans l’Agenda du Forum économique mondial Nous remercions la Fédération mondiale du cœur de nous avoir autorisé à le republier.