La santé mondiale n'est pas (encore) mondiale - Mon expérience de demandes de visa au Nigéria et au Royaume-Uni
26 juillet 2022
26 juillet 2022
En juillet 2018, j'ai fait ma première demande de visa. C'était au début de ma carrière. J'avais été invité à assister à une conférence en Suède. Il y avait de nombreuses implications, pour moi personnellement et pour le développement de l'organisation que je dirigeais, The Wellbeing Initiative (une communauté de jeunes faisant progresser la prévention des MNT au Nigeria), mais ma demande de visa a été refusée. Le consulat suédois a invoqué comme raison le « manque de liens avec le Nigéria ». À l'époque, j'étais étudiant de troisième cycle dans une université publique du Nigéria et responsable d'une organisation enregistrée auprès du gouvernement. J'ai ensuite obtenu une bourse d'études du Commonwealth britannique en septembre 2018, ce qui m'a évité des tracas d’obtention du visa, et j'ai vécu au Royaume-Uni pendant 16 mois. Entre cette époque et aujourd'hui, j'ai fait plusieurs demandes de visa, et j'ai habité et visité plusieurs pays.
Je suis de retour au Nigéria depuis plus d'un an et la dernière demande de visa que j'ai faite a été refusée. Cette fois, le motif était que « les informations présentées pour justifier le voyage et les conditions de séjour n'étaient pas suffisamment fiables ». Il s'agissait également d'un voyage professionnel entièrement financé, pour lequel j'avais fourni tous les documents requis. Cette fois, le consulat espagnol n'a pas pu dire que je n'avais pas « suffisamment de liens ». Après tout, je travaille maintenant avec une ONG internationale et j'ai fait de nombreux déplacements. Je venais également de rentrer d'Europe pour un autre déplacement professionnel deux jours avant mon rendez-vous pour le visa.
Mes amis et collègues étaient en colère et déçus, mais ce qui m'est arrivé représente la situation de nombreuses personnes comme moi, qui vivent dans des pays comme le Nigéria. C'était ma situation en 2018 et c'est encore ma situation aujourd'hui. Lorsque je vivais au Royaume-Uni, je n'ai jamais eu aucune raison de penser que l'une de mes demandes de visa pouvait être refusée : cinq demandes sur cinq ont été acceptées. En revanche, au Nigéria c'est complètement différent, et très difficile. Deux refus pour trois demandes, alors que je répondais aux critères requis. Au Royaume-Uni, le visa Schengen le plus court que j'ai obtenu était de deux mois. Au Nigéria, le seul visa Schengen que j'ai obtenu était d'une semaine (les dates exactes de mon voyage).
Je me demande si le monde, en dehors de pays comme le Nigéria, comprend notre situation. En tant que personne ayant fait des demandes de visas depuis le Nigéria et depuis d’autres pays, je sais que le problème ne concerne pas seulement le consulat espagnol. C'est un problème systémique qui marginalise et prive de leurs droits des personnes comme moi. Même lorsque nous obtenons un visa, nous devons surmonter de nombreux écueils. Ce n'était pas le cas au Royaume-Uni ; les conditions n'étaient pas aussi strictes et le processus était plus convivial. Le monde tel qu'il est ne reconnaît pas les obstacles et les défis qui se posent aux personnes comme moi pour accéder au reste du monde, que ce soit pour participer à des conférences, étudier ou même travailler.
Nous (toutes celles et ceux qui travaillons dans le domaine de la santé mondiale) devons faire mieux pour reconnaître ces différences et lutter contre ces restrictions. Même si j'ai eu le privilège de voyager, de visiter et de travailler dans différents endroits, cela n'aurait pas été possible sans visa, et les procédures n'ont pas été faciles, surtout au Nigéria. C'est la réalité, aujourd'hui. Dans un monde idéal, mon lieu d’origine et mon lieu de résidence ne devraient pas définir mon droit à participer et à accéder aux opportunités. Et tant que nous n’aurons pas ce monde idéal, nous devons repenser l'accès et l'inclusion : qui a accès et qui est laissé de côté.
Si j'ai obtenu un stage rémunéré à l'OMS, qui a été déterminant pour ma carrière, il y a d'autres emplois auxquels je n'ai pas pu postuler, car les organisations ne pouvaient pas parrainer le visa/permis de travail nécessaire. Dans le monde d'aujourd'hui, les personnes comme moi perdent des opportunités, et le reste du monde perd la représentation, les connaissances et la diversité qui sont importantes pour faire bouger les choses et susciter le changement. Nous devons éviter les situations où certains participants se connectent à distance, pour des problèmes de visa, tandis que d'autres se déplacent pour se rencontrer en personne et profiter des opportunités de réseautage.
Pour arriver à ce monde idéal, nous devons, en tant que communauté, être plus résolus, agir maintenant et faire mieux. Voici quelques idées :
Organiser des événements et des conférences dans des pays où les visas sont facilement délivrés
Fixer des délais réalistes pour les conférences et les événements afin de laisser du temps pour les procédures de visa.
Indiquer à l'avance la documentation nécessaire à l’obtention d’un visa et offrir un soutien si nécessaire.
Continuer à parrainer et à offrir des opportunités à des personnes diverses venant de différentes parties du monde.
Lorsque le voyage n'est pas possible, ne pas ignorer celles et ceux qui ne peuvent pas participer en présentiel, mais proposer une participation hybride aux conférences et aux événements.
Les témoignages de personnes comme moi sont nombreux. D'autres sont détaillés ici. J'espère qu'ils permettront d'entamer des discussions dans différentes parties du monde sur ce que nous pouvons faire différemment pour garantir non seulement l'égalité d'accès mais aussi une santé mondiale inclusive fondée sur les capacités de chacun, de Lagos à Melbourne en passant par Mumbai.
Toyyib Ọládiméjì Abdulkareem est consultant en politiques et campagnes pour la NCDA. Il soutient le travail de l’organisation en matière de politiques et de plaidoyer autour de la prévention des MNT et de la campagne de la Semaine d'action mondiale contre les MNT (www.actonncds.org). Toyyib a une formation en santé publique et en sciences médicales. Avant de rejoindre la NCDA, Toyyib a travaillé avec l'équipe chargée de l'activité physique au siège de l'OMS et il a par ailleurs accompagné un projet qui pilotait un système de couverture sanitaire universelle au niveau infranational au Nigéria.