Un outil pour favoriser le dialogue politique autour du psoriasis : l’Indice de riposte à la maladie psoriasique
11 novembre 2020
11 novembre 2020
Le psoriasis, une maladie qui touche plus de 60 millions de personnes à travers le monde, est bien plus que des plaques rouges et squameuses accompagnées de raideurs articulaires : cette maladie entraîne également une charge mentale considérable, elle augmente le risque de développer d’autres maladies non transmissibles (MNT) et représente une charge financière importante tant pour les individus que pour les systèmes de santé[i]. Et pourtant, la maladie psoriasique occupe rarement une place prioritaire dans les politiques sanitaires.
Conçu par la Fédération internationale des associations de patients atteints de psoriasis, et la Coalition mondiale contre le psoriasis, l’Indice de riposte à la maladie psoriasique est destiné à favoriser le dialogue politique autour de l’impact complexe de la prise en charge de cette maladie, tout en soulignant les avantages d’une riposte plus affirmée de la part des systèmes sanitaires. Il s’agit de la première tentative d’analyse des ripostes des systèmes de santé à la maladie psoriasique à l’échelle internationale : des obstacles et des facilitateurs de la riposte des systèmes de soins face à la maladie psoriasique ont été identifiés dans cinq pays : le Danemark, la France, l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni. Tout en soulignant les lacunes dans la prise en charge du psoriasis, l’Indice de riposte à la maladie psoriasique propose des solutions et des bonnes pratiques permettant d’améliorer la vie des personnes atteintes de psoriasis.
Les manifestations cliniques de la maladie psoriasique, à savoir des symptômes cutanés et une inflammation articulaire dans un tiers des cas, s’accompagnent d’un risque accru de développer d’autres MNT. Les comorbidités les plus fréquentes de la maladie psoriasique sont les maladies cardiovasculaires, le diabète et le syndrome métabolique[ii]. En outre, de nombreuses personnes vivant avec le psoriasis subissent une lourde charge mentale : honte, anxiété et une tendance plus marquée à la dépression chez celles et ceux dont la vie sociale et professionnelle peut être mise à mal par une maladie visible comme le psoriasis [iii].
Comme le signale l’Indice, « les besoins des patients autres que ceux liés à la peau ou aux articulations, ne font pas l’objet d’une prise en charge exhaustive ». Même lorsque des directives nationales prévoient le dépistage de comorbidités dans la gestion du psoriasis, une prise en charge globale de la maladie n’est généralement possible que dans des centres spécialisés et non de façon généralisée. De plus, l’absence de personnel spécialisé dans les comorbidités associées au psoriasis et la faible sensibilisation des généralistes à cette maladie (deux points identifiés dans tous les pays couverts par l’Indice), en compliquent encore davantage la prise en charge globale. Des experts nationaux interrogés dans le cadre de l’Indice ont indiqué que « les symptômes psychologiques [de la maladie psoriasique] sont en grande partie négligés ». Dans les cinq pays analysés, le temps consacré par les médecins aux patients est trop faible et donc insuffisant pour couvrir tous les problèmes liés à la maladie psoriasique.
Selon des entretiens menés auprès d’experts des cinq pays couverts par l’Indice, le parcours de soins des patients atteints de psoriasis démarre généralement au niveau des soins de santé primaires, avec une évaluation par le généraliste qui renvoie alors le patient vers un spécialiste. Une fois le diagnostic posé, la gestion courante de la maladie est essentiellement effectuée en soins primaires pour les patients atteints d’une forme légère, tandis que les cas modérés ou graves nécessitent l’intervention de spécialistes (dermatologues). Le premier obstacle aux soins pour les personnes vivant avec le psoriasis, est le nombre et la répartition des spécialistes dans leur région : l’Indice fait ressortir une faible densité de dermatologues par rapport à la population dans trois pays sur cinq (Suède, Danemark et Royaume-Uni). En outre, les spécialistes sont généralement concentrés dans les zones urbaines, au détriment des zones rurales. Par conséquent, une personne vivant avec le psoriasis doit parfois attendre entre quelques semaines et plusieurs mois avant de réussir à obtenir un rendez-vous chez un dermatologue et démarrer son traitement, et les personnes les plus gravement atteintes doivent parfois attendre plusieurs années pour avoir accès aux traitements les plus avancés (et les plus onéreux).
Le psoriasis est une maladie idéale pour évaluer la performance des systèmes de santé. Il s’agit d’une affection chronique complexe qui nécessite une prise en charge tout au long de la vie, des soins de santé primaires aux soins spécialisés. Elle est également associée à plusieurs comorbidités qui sont mieux gérées de façon globale, et nécessite une cohérence de soins, même en cas d’urgence sanitaire inédite.
Tout en soulignant les lacunes et les obstacles à la prise en charge du psoriasis, l’Indice de riposte à la maladie psoriasique propose des solutions et des bonnes pratiques destinées à améliorer la vie des personnes atteintes de psoriasis.
« La réussite du parcours de soins tient à la mobilisation des patients à tous les niveaux du système de santé ». En effet, l’implication significative des personnes vivant avec le psoriasis améliore chaque étape, que ce soit pour atteindre le meilleur niveau de prise en charge individuelle ou pour élaborer de meilleures directives au plan national.
Une sensibilisation accrue à la maladie psoriasique au niveau des soins primaires est une autre mesure jugée efficace et bénéfique pour les personnes vivant avec le psoriasis. Les généralistes avertis peuvent rapidement identifier la maladie et ses comorbidités, notamment celles relevant de la santé mentale, et donc éviter une progression de la maladie tout en allégeant sa charge. Une sensibilisation poussée serait possible si le psoriasis faisait l’objet d’une attention particulière au cours de la formation des médecins, et plus particulièrement des généralistes, et si des formations étaient dispensées aux professionnels de santé primaire dans le cadre de leur formation continue.
L’Indice de riposte à la maladie psoriasique constitue un outil précieux pour toutes celles et ceux qui défendent l’importance d’intégrer la gestion, la prévention et le traitement du psoriasis dans les politiques de santé nationales et mondiales. Mettre l’accent sur l’accès à un diagnostic adéquat, une prise en charge précoce, rapide et appropriée et des médicaments et traitements abordables et disponibles sur le long terme, permettrait d’alléger la charge de la maladie tout en favorisant l’inclusion sociale et économique, ce qui générerait un fort retour sur investissement pour l’ensemble de la société.
Elisa Martini est Responsable des programmes de plaidoyer et de politique à la Fédération internationale des associations de patients atteints de psoriasis (IFPA). Elle est chargée de la conception et de la mise en œuvre des stratégies de plaidoyer et d’élaboration de politiques de l’IFPA au plan mondial, sur les indications du Conseil d’administration et de la Directrice générale. Elle possède une expérience en plaidoyer local, en tant que secrétaire, puis présidente d’une antenne locale de l’Association italienne pour le don d’organes. Elle est titulaire d’un master en sciences pharmaceutiques et son doctorat en médecine portait sur le psoriasis. @PsoriasisIFPA; @PSOCoalition
[i] Al Sawah et al. (2017). Healthcare costs in psoriasis and psoriasis sub-groups over time following psoriasis diagnosis, J Med Econ ; 20(9):982-990
[ii] Takeshita et al (2017) Psoriasis and comorbid diseases: epidemiology, J Am Acad Dermatol ; 76(3):377-390
[iii] Organisation mondiale de la Santé. (2016). Rapport mondial sur le psoriasis. Organisation mondiale de la Santé. https://apps.who.int/iris/handle/10665/204417