COVID-19 et cancer du col de l’utérus – impact d’une pandémie et riposte mondiale
18 janvier 2021
18 janvier 2021
Les programmes sanitaires ont eu des difficultés à maintenir les services de santé essentiels, tout en mettant en œuvre des mesures de distanciation sociale afin d’enrayer la propagation de la COVID-19 et en réaffectant ressources et personnel à la gestion de la COVID-19. En août 2020, l’OMS signalait une réduction de 20% des taux d’immunité mondiale. Les vaccins du VPH, qui protègent contre le virus responsable du cancer du col de l’utérus, sont habituellement dispensés par différents biais : centres de santé, programmes scolaires et sensibilisation communautaire. Mais selon l’UNICEF, au moins 1,6 milliard d’étudiants dans 192 pays ont été renvoyés chez eux en 2020 à cause des stratégies d’endiguement, des fermetures d’écoles et des confinements dus à la COVID-19. Ceci a entraîné des retards considérables dans la vaccination, avec la conséquence potentielle que de nombreuses jeunes filles issues de milieux à faible revenu ne reviennent jamais, renonçant ainsi à une protection contre l’infection par le VPH.
Des données nationales provenant de toute l’Afrique confirment ces statistiques mondiales : en Tanzanie, seuls quelques 20% des objectifs du pays en matière de vaccination contre le VPH ont été atteints au cours des premiers mois de la pandémie. Au Sénégal, les programmes de vaccination contre le VPH ont été bien plus perturbés que les programmes de vaccination pentavalente, contre l’hépatite B ou antirotavirus. Des recherches ultérieures devraient étudier les raisons de cette baisse de manière plus approfondie, mais nous savons que le vaccin contre le VPH a été introduit il y relativement peu de temps et n’est pas bien ancré dans les calendriers habituels d’immunisation de la plupart des pays où la charge est élevée. La population cible étant relativement « plus âgée », des jeunes filles d’entre 9 et 15 ans, cela implique un impact disproportionné sur la vaccination à l’école, d’où la nécessité de revoir les stratégies de vaccination.
Dans la plupart des régions du monde, le dépistage du cancer du col de l’utérus exige que les femmes se rendent dans un centre médical. Les services de prévention du cancer du col de l’utérus de Zambie ont constaté une diminution de 40% du nombre de femmes ayant recours à ces services au cours du pic de la pandémie. De la même façon, les femmes qui éprouvent des symptômes cohérents avec une maladie du col de l’utérus choisissent parfois de ne pas consulter de peur d’être un poids pour les professionnels de la santé qui sont déjà à la limite de leurs capacités ou par crainte de voir augmenter leur risque de contracter la COVID-19. Chaque opportunité de dépistage retardée ou perdue s’ajoute à l’accumulation de futures vies perdues, car les diagnostics tardifs peuvent potentiellement faire rater le créneau du traitement curatif.
Les nouvelles modélisations prévoient que pour chaque année de retard dans l’intensification des trois cibles d’interventions d’élimination, jusqu’à 326 000 femmes de plus dans les pays à revenu faible et intermédiaire mourront. Rattraper le retard des programmes de vaccination et de dépistage en y associant une sensibilisation du public pour reconstruire la confiance dans les services de prévention et dépistage précoce est crucial pour maintenir le monde sur la voie des cibles 2030 pour l’élimination du cancer du col de l’utérus.
Malgré ces difficultés, l’engagement et l’esprit novateur des praticiens de la santé demeurent inébranlables. Des conversations avec les dirigeants de la prévention mondiale du cancer de l’utérus reflètent leur optimisme : les nouvelles approches ne permettent pas uniquement de dépasser les limitations dues à la COVID-19, elles peuvent véritablement permettre une amélioration de la prévention du cancer du col de l’utérus, alors que la trajectoire de la pandémie est inversée. De la même façon, les militants engagés autour du cancer du col de l’utérus mobilisent leurs gouvernements pour qu’ils agissent rapidement en vue de développer des plans nationaux d’intensification et de monter les financements correspondants pour mettre en œuvre la Stratégie mondiale de l’OMS visant à accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus. Un élément clé pour ce faire consistera à intégrer des capacités d’élimination dans les plans de relance post-COVID-19, œuvrant ainsi à des systèmes de santé plus résilients à l’avenir.
La lutte contre la COVID-19 a augmenté la capacité d’analyses moléculaires destinées à détecter le virus du SARS-CoV-2. Les tests viraux de la COVID-19 fournissent également l’occasion d’étendre les capacités de dépistage du VPH par l’ADN. En outre, nous savons que l’auto-prélèvement en matière de VPH est une innovation qui combat en grande partie la peur et la stigmatisation évoquées ci-dessus et qui permet d’éviter un examen gynécologique avec speculum, ce qui renforce l’autonomie des femmes.
Les ripostes à la COVID-19 ont instauré une confiance dans les consultations à distance et l’auto-administration des soins, en accélérant leur adoption et en permettant ainsi à l’auto-prélèvement de devenir une pratique répandue. De nombreux programmes sont passés à des plateformes virtuelles pour la formation des prestataires de soins communautaires et ont accru l’utilisation de la technologie mobile pour sensibiliser les femmes, ce qui a marqué un réel changement dans nos efforts en vue de toucher les femmes dans les zones rurales.
Le signe d’optimisme le plus important dans la bataille contre le cancer du col de l’utérus a eu lieu le 17 novembre, date à laquelle l’OMS a formellement lancé sa Stratégie mondiale, réunissant les voix de défenseurs des quatre coins du monde. Pour la première fois, le monde s’est uni pour éradiquer définitivement un cancer qui menace les vies dans tous les pays.
À mesure que les gouvernements prennent des mesures pour reconstruire en mieux, nous demandons une nouvelle réflexion pour tirer parti des synergies entre la COVID-19 et les plans d’élimination du cancer du col de l’utérus. L’alignement des stratégies nationales sur les cibles mondiales 90-70-90 et l’objectif ambitieux de l’élimination nous offrent l’occasion :
D’utiliser les infrastructures et services de vaccination et de dépistage de la COVID-19 avec plus d’efficacité
De mettre en place des mesure de rattrapage de vaccination et de dépistage du VPH en vue d’atténuer les interruptions de service
D’adopter couramment des services favorables aux femmes avec des innovations telles que les auto-prélèvements, les tests du VPH et des outils de navigation
D’entreprendre une révision de la planification du service afin d’optimiser l’intégration des services d’élimination à tous les niveaux de la prise en charge, en tant que pierre angulaire d’un déploiement progressif, afin d’atteindre les cibles de couverture 2030
Janvier est le mois de sensibilisation au cancer du col de l’utérus. Nous commençons une nouvelle année en saluant les praticiens, les décideurs politiques, les militants et les femmes pour leurs efforts soutenus afin de mettre un terme à cette maladie évitable. Le défi de la COVID-19 nous a montré à tous l’importance d’une bonne santé et nous a fait redoubler d’efforts et de détermination pour aller vers un monde sans cancer du col de l’utérus.
Heather White est la Directrice générale de TogetHER for Health, un partenariat d’opérationnels et de militants qui œuvrent pour mettre un terme aux décès provoqués par le cancer du col de l’utérus dans les milieux à faibles revenus.
Julie Torode est Directrice des projets spéciaux à l’UICC et co-présidente de Cervical Cancer Action for Elimination (CCAE), un réseau mondial d’organisations qui cherchent à accélérer les progrès vers un monde sans cancer du col de l’utérus #cervicalcancer. CCAE est actuellement co-présidé par la Société américaine du cancer, Cancer Research UK et l’Union internationale contre le cancer (UICC).
Ces deux réseaux œuvrent ensemble au même objectif : l’élimination du cancer du col de l’utérus.