S'attaquer aux troubles thyroïdiens avec des agendas des MNT inclusifs
12 juillet 2022
12 juillet 2022
Depuis 2010, l’agenda des maladies non transmissibles suscite un intérêt politique et une volonté d'agir sur ces maladies en tant que principale cause de décès prématuré et d'incapacité dans le monde. Cela a permis à l’agenda des MNT de s’étoffer depuis son approche 4x4 initiale, axée sur quatre facteurs de risque modifiables (tabagisme, sédentarité, consommation nocive d'alcool, mauvaise alimentation) et quatre MNT majeures (maladies cardiovasculaires, cancer, diabète et maladies respiratoires chroniques). Depuis 2018, nous sommes passés à un programme « 5x5 » plus vaste, qui inclut la pollution de l'air en tant que facteur de risque et les troubles mentaux et neurologiques en tant que groupe de maladies majeur. Il est désormais temps d'élargir à nouveau l'agenda des MNT afin de veiller à ne laisser personne de côté.
Le principe de « ne laisser personne de côté » sous-tend intrinsèquement le Programme de développement durable à l'horizon 2030 et le concept même de couverture sanitaire universelle. Cependant, même avec le cadre actuel « 5x5 » sur les MNT, l'absence de diverses MNT importantes fait craindre que de nombreuses personnes vivant avec des MNT ne passent entre les mailles du filet.
La thyroïde est le « contrôleur principal » du métabolisme et joue un rôle clé dans la santé et le bien-être. Les troubles thyroïdiens tels que l'hypothyroïdie (trop peu d'hormones thyroïdiennes) ou l'hyperthyroïdie (trop d'hormones thyroïdiennes) peuvent entraîner des problèmes de santé tels que le diabète, l'obésité, l'athérosclérose, des troubles de la croissance, l'hypertension, l'ostéoporose, l'infertilité, les troubles sexuels et des cancers endocriniens. On estime que 1,6 milliard de personnes sont exposées à un risque de troubles thyroïdiens, mais ces maladies ne figurent pas officiellement sur la liste des maladies non transmissibles. Cela signifie que les personnes atteintes de troubles thyroïdiens sont confrontées à des obstacles sur plusieurs fronts : inclusion dans les agendas politiques ; sensibilisation des professionnels de la santé ; prévention des maladies et des complications ; accès au dépistage, diagnostic et prise en charge à temps ; collecte de données ; recherche ; et financement.
De nombreux troubles thyroïdiens sont courants et faciles à traiter, mais ces maladies ne sont souvent pas diagnostiquées. La reconnaissance des troubles thyroïdiens en tant que MNT pourrait contribuer à améliorer le diagnostic et la prise en charge. Malgré cela, il n'existe aucune politique de l'OMS, autre que celle relative à la carence en iode (l'une des principales causes d'hypothyroïdie qui touche plus de 2 milliards de personnes dans le monde), pour faire face à la prévalence croissante des maladies thyroïdiennes. S'attaquer aux maladies thyroïdiennes, c'est aussi s'attaquer aux inégalités femmes-hommes en matière de santé. Le sexe est le principal facteur de risque des troubles thyroïdiens, car ils sont 10 fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes et qu'une femme sur huit développera un trouble thyroïdien au cours de sa vie. Avoir plus de 60 ans, avoir été enceinte récemment et souffrir de diabète de type 1 augmentent également le risque. Bien que ces facteurs de risque échappent largement à notre contrôle, il y en a d'autres contre lesquels nous pouvons agir, comme le tabagisme et une mauvaise alimentation, deux facteurs de risque clés des « cinq grandes » MNT.
Les gouvernements doivent intensifier leurs politiques de sensibilisation aux troubles thyroïdiens, car ces derniers peuvent avoir un impact sur l'issue de plusieurs autres MNT, alourdissant la charge de morbidité pour les patients et l'issue des comorbidités, ainsi que le fardeau économique pour les pays. Les maladies thyroïdiennes doivent donc être reconnues comme des MNT.
Pour mettre en œuvre des politiques inclusives sur les MNT et soutenir la santé thyroïdienne, les gouvernements doivent adopter une approche fondée sur les droits et créer des synergies avec d'autres domaines politiques, tels que ceux qui s'attaquent aux inégalités de santé. Cela comprend la collecte de preuves et de données spécifiques à chaque pays pour éclairer les plans nationaux et l'élaboration d'un récit clair et convaincant pour les défenseurs, les gouvernements et les décideurs politiques, ainsi que la garantie que nos systèmes de santé s’attaquent à un large éventail de MNT.
Il existe également des politiques fondées sur des données probantes pour s'attaquer aux causes des MNT. Les meilleurs choix de l'OMS en matière de MNT font partie des plus efficaces, avec une liste d'options politiques pour les facteurs de risque de MNT. Ils comprennent des recommandations sur le prix, la publicité, l'étiquetage, la disponibilité et la sensibilisation du public qui peuvent être mises en œuvre par les gouvernements pour créer des environnements plus sains pour leurs populations.
Il est urgent d'agir si nous voulons parvenir à un agenda plus inclusif. Nous approchons de la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur les MNT de 2025, un moment critique pour que les gouvernements atteignent leurs objectifs mondiaux en matière de MNT, ainsi que les ODD. Il existe des actions et des mesures impératives sur lesquelles nous pouvons tous travailler pour garantir des progrès. La promotion de la santé thyroïdienne, l'éducation à cette maladie et l'inclusion en font partie.
Pour que l’agenda sur les MNT soit plus inclusif et aborde les inégalités femmes-hommes en matière de santé, les personnes atteintes de troubles thyroïdiens ne doivent pas être laissées de côté.
*Ce blog s'appuie sur les conclusions du rapport « Ne laisser personne de côté : garantir des ripostes inclusives aux MNT » et de l'événement en ligne organisé en avril 2022 avec le soutien de Merck KGaA (enregistrement disponible ici).
Le professeur Leonidas H. Duntas, M.D. est professeur de médecine interne et d'endocrinologie à l'université d'Ulm, en Allemagne, et à l'hôpital Evgenideion, unité d'endocrinologie, du diabète et du métabolisme de l'université d'Athènes, en Grèce. Son principal intérêt clinique et de recherche est la thyroïdologie, avec un accent particulier sur l'impact des facteurs environnementaux et nutritionnels. Le professeur Duntas est actuellement secrétaire de l'Association européenne de la thyroïde et coprésident de son conseil de santé publique. Il est auteur ou coauteur de 156 articles et critiques originaux évalués par des pairs.