World Health Assembly 70 ©️ NCD Alliance

8 moments clés de la 74ème Assemblée mondiale de la Santé

28 juin 2021

Des ministres de la Santé du monde entier se sont réunis lors de la 74ème session de l’Assemblée mondiale de la Santé, fin mai 2021, à un moment où la santé n’a jamais occupé une place aussi importante à l’ordre du jour des dirigeants mondiaux. Plus d’un an après le début de la pandémie de COVID-19, entre l’échec à se préparer de manière satisfaisante à une menace prévisible et l’échec probablement encore plus flagrant à construire une riposte équitable, le contexte politique promettait une Assemblée tendue et très attendue.  

Le plus surprenant peut-être, à propos de la WHA74, est que la pandémie n’a pas dominé l’ensemble de l’ordre du jour. Les ministres et l’OMS ont compris qu’il était nécessaire d’agir sur tous les piliers de la mission de l’OMS, notamment pour des populations en meilleure santé et la couverture sanitaire universelle, ainsi que sur le front des urgences sanitaires. Les gouvernements nationaux ainsi que les panels indépendants de haut niveau établis en vue de conseiller l’OMS ont transmis des messages appuyés quant aux enseignements tirés concernant les investissements dans des systèmes sanitaires résilients, le renforcement des personnels de santé dans le monde et une prise en charge essentielle garantie pour les personnes vivant avec d’autres problèmes de santé.  

La WHA74 a également marqué des tournants importants pour la politique en matière de MNT. En voici les 8 principaux à nos yeux : 

1. Reconnaissance politique que les MNT demeurent la principale menace pour la santé et le développement  mondiaux, et appels à augmenter les investissements 

Les représentants des gouvernements de l’Éthiopie, des Fidji, de l’Indonésie et de la Norvège ont rappelé à leurs collègues que les MNT demeurent le principal enjeu de la santé mondiale et constituent un obstacle considérable au développement, alors que ces maladies ont été négligées par rapport à d’autres priorités de santé mondiale. La pandémie met en évidence de manière flagrante pour les dirigeants le coût de l’inaction en matière de MNT, et ils se rendent compte avec beaucoup de retard que la prévalence élevée de MNT évitables met leurs populations et leurs économies, plus à risque d’une épidémie de maladie infectieuse. 

De nombreux pays dont le Danemark, les Fidji, la Jamaïque et le Liban ont lancé un appel à l’action afin de réduire les lacunes d’investissement dans les MNT. Le délégué du Ghana a demandé un soutien en vue de mobiliser des ressources nationales et extérieures pour la prévention et la maîtrise des MNT, ainsi que pour une gestion améliorée des données relatives à ces maladies, semblable au soutien disponible pour le VIH, la tuberculose et le paludisme.  

2. Un futur traité sur les pandémies devrait reconnaitre que les personnes vivant avec des MNT se trouvent dans la ligne de mire de la syndémie entre COVID-19 et inégalités 

Des représentants de tous les continents ont lancé des appels forts et clairs visant à intensifier la lutte contre les MNT. Le délégué des Etats-Unis, Loyce Pace, a prononcé les paroles suivantes lors de l’Assemblée : « La COVID-19 a démontré l’importance de la lutte contre les MNT car vivre avec ces maladies accentue gravement les risques de tomber gravement malades, ainsi que le besoin de s’attaquer aux disparités en matière de santé.  Le ministre de la Santé du Bhoutan,  Lyonpo Dasho Dechen Wangmo, a quant à lui déclaré : « pendant la pandémie et les urgences sanitaires mondiales, ce sont bien souvent les plus vulnérables de nos sociétés qui sont les plus touchés, et notamment les personnes vivant avec des MNT. En concevant notre riposte et les systèmes sanitaires, nous devons prendre en considération leurs besoins urgents. »   

L’Assemblée est convenue de tenir une session spéciale du 29 novembre au 1er décembre 2021 afin de débattre des bénéfices potentiels de la mise au point d’un instrument international destiné à coordonner la préparation à une pandémie mondiale et sa riposte, qui a inévitablement pris le nom de « traité sur les pandémies » Les représentants à Genève entameront prochainement des discussions dans le cadre d’un groupe de travail. 

3. Une résolution révolutionnaire en vue d’accélérer l’action sur le diabète et l’obésité 

Suite à de longues négociations entre les représentants nationaux, la résolution Réduire la charge des maladies non transmissibles en renforçant la prévention et la maîtrise du diabète a été adoptée à l’unanimité avec le coparrainage de la Russie, du Belarus, du Botswana, de la Chine, de l’Équateur, de l’Eswatini, de l’Éthiopie, de la France, de l’Indonésie, de la Jamaïque, du Kenya, du Mozambique, de la Norvège, de la Fédération de Russie, de l’Afrique du Sud, du Soudan, des Emirats arabes unis, de l’Uruguay et du Vanuatu, et avec le soutien du Bahreïn, de la Bolivie, du Brésil, du Canada, du Chili et du Liban au cours de l’Assemblée. 

La résolution invite instamment à mener de toute urgence une action mondiale coordonnée sur le diabète, qui fait désormais partie des 10 principales causes de décès dans le monde et est l’une des principales causes d’AVC, de maladies cardiovasculaires et rénales, de cécité, de maladies bucco-dentaires et d’amputation des membres inférieurs. Elle fait référence tant au diabète de type 1 que de type 2 et reconnait qu’il est urgent d’assurer l’accès à l’insuline en tant que médicament vital, tout en s’engageant à intensifier l’action de prévention du diabète de type 2 : la surcharge pondérale et l’obésité.  

Avec son adoption, les gouvernements saluent le pacte mondial contre le diabète de l’OMS et invitent cette organisation à proposer à l’Assemblée mondiale de la Santé de 2022 des objectifs portant tant sur l’obésité que sur le diabète. Ces cibles doivent aborder les lacunes en matière de diagnostic, d’accès aux traitements vitaux (notamment l’insuline et le matériel et les technologies qui y sont associés) et de prévention du diabète de type 2 et de l’obésité, en agissant sur les aliments et boissons ultra-transformés qui sont des facteurs de risque majeurs. 

Lisez notre déclaration conjointe et notre rapport commun avec la Fédération internationale du diabète ! 

4. Et bien d’autres moments décisifs pour les MNT, la santé bucco-dentaire et les soins ophtalmologiques  

De nombreuses décisions politiques concernant les MNT ont reçu le feu vert officiel. Citons notamment la décision d’approuver des cibles mondiales des soins ophtalmologiques afin de prévenir la déficience visuelle et la cécité, ainsi qu’une résolution historique sur la santé bucco-dentaire. Ces deux recommandations ont recueilli un soutien unanime. 

La résolution sur la santé bucco-dentaire proposée par le Sri Lanka et soutenue par 40 pays coparrains invite l’OMS à mettre au point une stratégie mondiale, un plan d’action, des cibles à l’horizon 2030 et des « meilleurs choix » pour la santé bucco-dentaire. De nombreux délégués, dont les représentants de l’Union européenne et d’Israël ont fait remarquer les liens entre les maladies buccodentaires et les autres MNT, et souligné qu’il est urgent d’intégrer les soins dentaires aux soins de santé primaires et à la couverture sanitaire universelle. La résolution invite à mettre l’accent sur la prévention en abordant les facteurs de risque communs des MNT dont la consommation de sucre et d’alcool et le tabagisme, ainsi que les inégalités qui exacerbent les disparités sanitaires. 

À la lumière des nombreuses décisions concernant les MNT prises lors de la WHA74 et de la WHA73 en 2020, l’OMS a été chargée par les Etats membres de faire en sorte d’inclure de nouvelles cibles et indicateurs approuvés dans son approche générale de la couverture sanitaire universelle. L’OMS a également été chargée, par une décision formelle de la WHA74, de proposer une feuille de route de la mise en œuvre pour les MNT afin d’accélérer l’action sur le plan d’action mondial sur les MNT d’ici 2030. La poursuite du mandat du Mécanisme mondial de coordination des des MNT (GCM) a également été approuvée jusqu’en 2030. 

5. Un soutien ferme à la santé mentale  

De nombreux gouvernements se sont exprimés avec éloquence à propos de l’impact de la pandémie sur la santé mentale des populations et ont soutenu une décision visant à adopter une mise à jour du Plan d’action sur la santé mentale d’ici 2030. Le Mexique a reconnu que la COVID-19 a touché aussi bien la manière dont les services de santé mentale ont été fournis que la demande accrue en prise en charge des troubles mentaux liés aux difficultés et pertes subies pendant la pandémie. La Norvège a déclaré : « la santé mentale est l’un des domaines les plus négligés. Nous devons nous assurer que la santé mentale fasse partie des SSP. Il nous faut repenser des mesures afin de dispenser des services aux groupes les plus vulnérables. » La République dominicaine a décrit la santé mentale comme « une pandémie silencieuse ». 

6. Appels à augmenter la production locale de médicaments essentiels et leur accès 

Galvanisés par les négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce sur une dérogation aux droits de propriété intellectuelle (TRIPS) en vue de permettre la production à grande échelle de vaccins contre la COVID-19, de nombreux délégués ont mis en exergue la transparence des prix des médicaments et produits sanitaires dans leurs interventions. L’Argentine a pris la parole en tant qu’organisateur du dernier Forum pour une tarification équitable. La Norvège a mentionné le lancement de l'Initiative d'Oslo pour les médicaments, en partenariat avec la région Europe de l’OMS, qui entend accroitre la transparence et améliorer la confiance du public dans les systèmes sanitaires.  

L’Éthiopie a proposé une résolution qui a obtenu le soutien de plus de 100 pays sur le renforcement de la production locale de médicaments et d’autres technologies sanitaires pour en améliorer l’accès, qui entend soutenir le renforcement des capacités de production dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Ceci développerait une approche déjà suivie par les organisations de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et tirerait parti du travail fructueux de la Communauté de brevets sur les médicaments afin de promouvoir les licences volontaires pour les médicaments essentiels. 

7. Envie de s’attaquer aux inégalités sanitaires 

La COVID-19 a mis l’équité sous les projecteurs, en raison des disparités apparues grâce aux données collectées dans le monde entier. L’impact n’a pas été le même pour toutes les populations, les groupes les plus pauvres et marginalisés étant, comme toujours, particulièrement touchés et liés à une prévalence accrue des MNT. L’adoption d’une résolution sur les déterminants sociaux de la santé engage à accroitre la surveillance nationale et la collecte de données sur les déterminants sociaux, avec le soutien de l’OMS, en tant que base pour un processus décisionnel amélioré.

Les déterminants commerciaux de la santé ont également été mis à l’index en raison de leur impact et de l’influence indue des industries nocives pour la santé. La Slovénie a prononcé un discours enflammé sur les liens entre l’équité et les facteurs de risque des MNT, en pointant du doigt le rôle de l’alcool; et la Norvège est intervenue pour inviter l’OMS à maintenir son impartialité au moment d’accepter des donations du secteur privé à travers la fondation de l’OMS, faisant ainsi référence aux tentatives d’ingérence de la part de l’industrie des boissons alcoolisées et des producteurs d’aliments ultra-transformés, dont les substituts du lait maternel.  

8. Engagements à faire participer les personnes vivant avec des MNT à l’élaboration des politiques 

Tant la résolution sur le diabète que la résolution récemment adoptée sur le meilleur état de santé que les personnes handicapées sont capables d’atteindre s’engagent à impliquer les personnes vivant avec des MNT dans les processus décisionnels. La résolution sur les personnes handicapées affirme: Reconnaissant également la nécessité d’inclure dans tous les domaines les expériences et les points de vue des personnes handicapées et de leurs organisations représentatives, notamment en prenant des  mesures  pour  assurer  et  faciliter  activement  leur  participation  effective  à  la  définition  des programmes, des politiques générales et des décisions.   

Nous saluons ces nouveaux engagements, ainsi que les consultations récentes de l’OMS sur le diabète qui établissent de nouvelles bonnes pratiques en terme de mobilisation des opinions des personnes ayant une expérience directe. Nous nous réjouissons de voir ceci généralisé dans tous les processus décisionnels de l’OMS et des Nations Unies. 

 


 

À propos de l’auteure : 

Nina Renshaw (@ninawren) est Directrice des politiques et du plaidoyer de l’Alliance sur les MNT, chargée de piloter, développer, mettre en œuvre et gérer le travail politique et de plaidoyer de la NCDA dans le monde entier. Avant de rejoindre l’Alliance sur les MNT, elle était Secrétaire générale de l’Alliance européenne de la santé publique (EPHA) après avoir été Directrice adjointe du groupe d’action Transport & Environnement. Elle a fait partie du Conseil d’administration de plusieurs ONG, dont la Health and Environment Alliance (HEAL), la European Citizens' Organisation for Standardisation (ECOS) et Green Budget Europe, et a représenté la société civile au sein de groupes consultatifs auprès de la CEE-ONU, l’OMS, l’OCDE et la Commission européenne. Nina a fait des études de commerce international et de langues vivantes (allemand et français) et est titulaire d’un Master en politiques publiques européennes contemporaines. Pour en savoir plus sur Nina