Genre, COVID-19 et MNT – coup de projecteur sur la vulnérabilité ignorée des hommes
27 avril 2020
27 avril 2020
Le risque de décéder de la COVID-19 semble bien plus important chez les hommes que chez les femmes. L’un des principaux facteurs mis à jour pourrait être que les hommes sont plus susceptibles d’être atteints de l’une des MNT sous-jacentes dont on sait qu’elles augmentent la mortalité, telles que l’hypertension, le diabète, les maladies cardiovasculaires et la broncho-pneumopathie chronique obstructive.
Avant même l’apparition de la COVID-19, on savait déjà que toute tentative sérieuse de s’attaquer à la charge des MNT devait tenir compte de la santé masculine. Selon les chiffres de l’OMS, en 2016 à travers le monde, le risque pour un trentenaire de décéder de l’une des quatre principales MNT avant l’âge de 70 ans était de 22% pour les hommes et de 15% pour les femmes,.
La physiologie masculine joue certes un rôle, mais les comportements constituent un facteur plus significatif. Environ un tiers des hommes fument dans le monde, soit presque six fois plus que les femmes. En moyenne, les hommes consomment plus de trois fois plus d’alcool chaque année, et le taux de mortalité masculine par suicide est deux fois plus élevé. Les hommes ont également tendance à sous-utiliser les services de santé et à moins souvent chercher de l’aide.
Ces comportements sont quant à eux fortement influencés par les stéréotypes masculins. Bien que la masculinité adopte des formes différentes selon les époques et les lieux, elle présente malgré tout de grandes caractéristiques largement partagées, que l’on appelle parfois la « Man Box » [Boîte de masculinité]. Les hommes sont généralement censés être indépendants, autonomes, forts physiquement et hétérosexuels ; ils doivent accomplir des prouesses sexuelles, agir d’une main de fer et recourir à l’agressivité pour résoudre les conflits. Les hommes qui se situent le plus clairement dans la « Boîte » sont bien plus susceptibles de mettre leur santé en péril.
La nature sexospécifique des MNT nécessite une réponse sexospécifique. Certaines solutions majeures universelles qui ne prennent pas en considération la dimension de genre (les mesures antitabac par exemple) ont un effet bénéfique disproportionné sur les hommes, parce que ce sont eux qui présentent le plus les comportements ciblés. Mais il est également nécessaire d’avoir des interventions qui tiennent compte des normes typiquement masculines.
De nombreuses données viennent désormais souligner l’efficacité des interventions sexospécifiques visant les hommes, qu’elles soient menées en ligne, sur le lieu de travail, dans les communautés locales ou dans les enceintes sportives. Football Fans in Training est un bon exemple de programme « mode de vie », portant en l’occurrence sur la gestion du poids, qui passe par le football pour cibler spécifiquement les hommes. Mis en place dans les clubs de football professionnels écossais, il a suscité une forte participation et a produit de nombreux effets positifs.
Au plan structurel, des actions sont nécessaires en vue d’améliorer les connaissances des hommes en matière de santé dans les programmes scolaires, dans les médias et par le biais de campagnes d’information ciblées. Il est possible d’améliorer l’utilisation que les hommes font des services de santé en les adaptant mieux à leur style de vie, par exemple en adoptant des horaires d’ouverture plus flexibles pour les centres de soins primaires afin que les salariés à temps plein puissent plus facilement s’y rendre. Une formation professionnelle aux questions de genre est également essentielle.
Les politiques de santé masculine peuvent par ailleurs attirer l’attention et avoir des effets démultiplicateurs sur le développement des services de santé masculine. Quatre pays (l’Australie, le Brésil, l’Iran et l’Irlande) ont jusqu’à présent adopté des politiques nationales de santé masculine et le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe a publié une stratégie pour la santé de l’homme destinée à ses 53 États membres. Les politiques ne sont pas une panacée, mais les données indiquent qu’elles ont des effets positifs. Une analyse de la politique mise en œuvre au Brésil montre que la promotion de la paternité et les consultations prénatales se sont avérées particulièrement efficaces en tant que modalités de mobilisation des hommes.
Pour l’instant, les initiatives destinées à améliorer la santé des hommes, au regard des MNT et de façon plus générale, sont loin d’être la norme. Une analyse récente des politiques et pratiques sexospécifiques menées par environ 200 organisations de santé à travers le monde a révélé qu’aucune d’entre elles ne s’intéresse spécifiquement aux hommes. Pour atteindre l’Objectif de développement durable relatif à la santé et au bien-être, la communauté internationale de santé publique doit accorder davantage d’attention aux hommes, et notamment aux sous-groupes d’hommes qui en raison de leur situation géographique, de leur niveau de revenus, de leur race, de leur sexualité ou de tout autre indicateur de désavantage, ont les plus mauvais résultats sanitaires.
La COVID-19 a révélé au grand jour des inégalités flagrantes dans le domaine de la santé, et notamment dans la manière dont les MNT touchent les hommes. Nous ne pouvons plus ignorer les problèmes de santé dont souffrent les hommes. Toutefois, le besoin d’agir en matière de santé masculine ne doit rien enlever aux efforts menés pour améliorer la santé des femmes, ni faire oublier le besoin persistant d’identifier et de lutter contre les nombreux aspects de la vie publique et privée où les hommes restent privilégiés et occupent une position dominante. Les hommes comme les femmes ont un droit inaliénable à la meilleure santé possible et à l’égalité entre les sexes.
Peter Baker est directeur de Global Action on Men’s Health, une organisation caritative internationale qui traite de la santé masculine. Peter est également directeur de campagne de HPV Action, une organisation qui a milité avec succès en faveur de la vaccination contre le VPH tant des jeunes filles que des jeunes garçons aux Royaume-Uni. Il est membre de la Royal Society for Public Health et fait partie de l’équipe de rédaction de l’International Journal of Men’s Social and Community Health. Vous pouvez suivre Global Action on Men's Health sur Twitter @Globalmenhealth et en savoir plus sur www.gamh.org.