Le plan de relance européen post COVID-19 entend mieux reconstruire pour la santé, l’environnement et le développement
15 juin 2020
15 juin 2020
La Commission européenne a proposé un Plan de relance pour l’Europe assorti d’un budget de 1 290 milliards d’euros pour la période 2020-2027, dans le but de soutenir la reprise économique suite à la crise de la COVID-19, d’accélérer les transitions écologique et numérique et de « rendre [l’Europe] plus équitable, plus résiliente et plus durable pour les générations futures ». La proposition (qui doit encore être débattue au Parlement européen et au Conseil européen par les dirigeants européens) prévoit des dépenses sans précédent en matière de santé en Europe et d’aide au développement dans les pays voisins et en Afrique.
L’annonce a été faite au lendemain de l’envoi d’une lettre ouverte adressée par 40 millions de professionnels de santé et organisations de la société civile dont l’Alliance sur les MNT, aux chefs d’État du G20 et appelant à une reprise viable #Healthy Recovery, et à la suite d’une pétition signée par plus d’1,6 millions d’Européens demandant aux leaders de l’Union européenne « une reprise viable, juste et verte ».
La proposition semble également tenir compte du récent « Manifeste pour un monde en meilleure santé » de l’OMS, qui appelle les gouvernements à privilégier la protection de l’environnement, la préparation aux situations d’urgence, les systèmes de santé et les filets de protection sociale.
S’il est adopté, le plan de relance, également présenté comme un Pacte vert européen, accorderait la priorité des dépenses à des infrastructures et des technologies respectueuses du climat, avec un accent sur la performance énergétique, les transports propres et l’application de critères sanitaires et environnementaux plus stricts dans l’octroi des subventions agricoles.
La Commission européenne propose une taxe européenne sur les emballages plastiques non recyclés et l’instauration d’un principe d’innocuité (Do No Harm principle) qui semblerait exclure le soutien aux combustibles fossiles. Les organisations environnementales européennes ont manifesté un soutien prudent, faisant valoir que la pollution atmosphérique, qui semble liée à la vulnérabilité à la COVID-19, mérite une attention accrue.
Le plan propose par ailleurs 9,4 milliards d’euros destinés à une intensification spectaculaire du programme Santé de l’UE. Bien que ce programme ne représente qu’une toute petite partie du plan de financement total, les dépenses de santé y ont néanmoins été multipliées par 20 par rapport à la dernière période budgétaire. À une époque où les ONG européennes de santé craignaient pour l’avenir du programme Santé, cela représente un changement politique majeur et le signe d’une volonté sans précédent de l’UE d’investir dans la santé.
La proposition du programme Santé n’a pas encore été publiée dans son intégralité et porte essentiellement sur une coordination plus étroite pour la riposte et la préparation aux situations d’urgence. La communication sur le budget de l’UE indique spécifiquement que le nouveau programme couvrira les MNT, et souligne qu’elles « se sont avérées être d’importants déterminants de la mortalité liée à la COVID-19 ». La Commission prévoit un soutien à l’élaboration des politiques nationales, en partageant des orientations techniques et en favorisant la diffusion de bonnes pratiques fondées sur des données probantes en matière de prévention et de gestion des maladies.
Le document indique en particulier que « des initiatives ambitieuses pourraient spécifiquement porter sur l’éradication de certaines maladies, et viser, par exemple, à réduire la prévalence des cancers du col de l’utérus ou de la grippe saisonnière. Ces initiatives contribueraient à prévenir des dommages et des coûts évitables, ainsi qu’à réduire les inégalités en matière de santé. » Il prévoit également une coordination internationale plus étroite, dont nous espérons qu’elle rejoindra la proposition d’augmentation du budget consacré à l’aide au développement.
La Commission européenne propose d’augmenter les dépenses extérieures pour les porter à 86 milliards d’euros. Cette hausse est vécue comme un soulagement par les ONG européennes de développement, qui avaient elles aussi craint des coupes sombres, mais qui voient le budget augmenter de 16 milliards par rapport à une proposition précédente. 5 milliards seraient affectés à l’aide humanitaire dans les pays les plus vulnérables, et 10,5 milliards à la coopération au développement.
L’aide vise particulièrement les pays voisins de l’Union européenne, dont les Balkans occidentaux et l’Afrique, afin de soutenir les efforts de lutte contre la pandémie et ses impacts, tout en prévoyant une coopération avec les Nations Unies, l’Organisation mondiale de la Santé et les institutions financières internationales.
Le Parlement et le Conseil européens vont à présent examiner les propositions de la Commission. Les négociations budgétaires seront vraisemblablement âpres, notamment s’agissant des 750 milliards d’euros du nouveau fonds, qui doivent provenir des marchés financiers. Des décisions sont attendues au cours des prochains mois et le diable se cachera dans les détails du programme définitif de chaque domaine d’intervention.
Bien qu’il soit regrettable qu’il ait fallu une pandémie pour repenser ces priorités, l’accent mis sur la reprise viable, équitable et verte constitue un changement de cap prometteur pour le principal bloc commercial du monde et groupe de donateurs d’aide au développement le plus vaste, et donne le ton aux autres gouvernements qui cherchent le chemin vers la reprise après la pandémie.
Nina Renshaw (@ninawren) est Directrice des politiques et du plaidoyer de l’Alliance sur les MNT, chargée de piloter, développer, mettre en œuvre et gérer le travail politique et de plaidoyer de la NCDA dans le monde entier. Avant de rejoindre l’Alliance sur les MNT, elle était la Secrétaire générale de l’Alliance européenne de la santé publique (EPHA) après avoir été Directrice adjointe du groupe d’action Transport & Environnement. Nina a été administratrice de plusieurs ONG, dont l’Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL), l’Organisation européenne des citoyens pour la normalisation (ECOS) et Green Budget Europe. Elle a également représenté la société civile au sein de groupes consultatifs auprès de la CEE-ONU, de l’OMS, de l’OCDE et de la Commission européenne. Nina a fait des études de commerce international et de langues vivantes (allemand et français) et possède un Master en politique européenne contemporaine et politiques publiques. En savoir plus sur Nina