Reconstruire en mieux pour les maladies non transmissibles et la COVID-19
1 décembre 2021
1 décembre 2021
La pandémie de COVID-19 a plus que jamais démontré la nécessité d'un leadership mondial et national pour soutenir des systèmes de santé et autres systèmes résilients. Elle a mis en lumière les liens inextricables entre la santé, l'économie et de meilleures sociétés. Elle a montré que choisir entre la santé ou l'économie est une fausse dichotomie.
La pandémie a cruellement montré le prix de l'incapacité persistante à financer de manière adéquate et à maintenir une riposte mondiale efficace aux maladies non transmissibles (MNT), en révélant que les personnes vivant avec des MNT telles que le diabète et l'hypertension étaient considérablement plus à risque de tomber gravement malade et de mourir du nouveau coronavirus. Nombre d'entre elles portent en outre la charge supplémentaire d'être sans emploi ou de faire partie des travailleurs pauvres, travaillant dans les services essentiels ou dans l'économie souterraine.
La décision du gouvernement de l'État d'Oaxaca, au Mexique, d'interdire la vente de malbouffe et de boissons sucrées aux mineurs non accompagnés est devenue emblématique de cette tempête parfaite : les autorités ont été horrifiées, à juste titre, par le nombre de jeunes diabétiques ou obèses qui étaient hospitalisés ou mouraient à cause de la COVID-19.
«Il est clair que nous devons réparer ce qui est cassé, mais le réparer plus solidement. Pour reconstruire en mieux, il faudra investir dans des systèmes de santé solides, en reconnaissant que la prévention des MNT et la préparation aux pandémies sont les deux faces d'une même médaille.»
Renforcer l'engagement et le leadership politiques de haut niveau peut sembler une rengaine bien connue, mais cette demande n'a jamais été aussi opportune.
Le leadership gouvernemental en matière de soutien aux systèmes de santé résilients ne sera pas suffisant. Nous devrons assister à un nouveau niveau de mobilisation proactive des interventions non sanitaires qui engagent les acteurs à tous les niveaux - dans les domaines de la finance, de la logistique, de la communication publique, du secteur privé et de la société civile. La COVID-19 a révélé que les réseaux de transport et les capacités de stockage sont aussi vitaux que les médicaments.
Ce changement d'état d'esprit et de priorités doit toutefois être soutenu par des politiques transparentes, coordonnées, mais surtout, qui aient du mordant.
Les plans d'action nationaux pour la prévention et la maîtrise intégrées des MNT et de la COVID-19 constituent un point de départ. Il s’agit ni plus ni moins des résolutions (prévention et maîtrise des MNT, couverture sanitaire universelle (CSU) et COVID-19) que les États membres ont souscrites dans diverses enceintes ces dernières années.
Pour répondre efficacement à l'épidémie de COVID-19 et aux épidémies et urgences futures, ces plans d'action doivent être renforcés par des approches systémiques solides. La 74ème Assemblée mondiale de la Santé de 2021 a adopté la résolution 74.7, qui invite les États membres à œuvrer à la mise en place de systèmes de santé solides et résilients et de la couverture sanitaire universelle, en tant que fondement essentiel d’une préparation et d’une riposte efficaces aux urgences de santé publique.
Parmi les interventions fondées sur des données factuelles et d'un bon rapport coût-efficacité en matière de MNT qui complètent les plans d'action nationaux, on trouve un éventail de stratégies mondiales de l'OMS telles que les « Meilleurs choix » et autres interventions recommandées pour lutter contre les MNT, le Plan d'action mondial de l'OMS sur les MNT et des stratégies connexes telles que la Convention-cadre pour la lutte antitabac et le Plan d'action mondial pour promouvoir l'activité physique.
Mais comme nous l'avons vu avec la COVID-19, toutes les bonnes intentions du monde ne signifient pas grand-chose si nous ne parvenons pas à minimiser les dérèglements des services de santé existants en cas de pandémie ou d'urgence à grande échelle.
Les services des urgences et les soins intensifs ont été débordés à plusieurs reprises pendant la pandémie de COVID-19, tandis que d'autres services tels que la chirurgie et la réadaptation ont dû être reportés ou annulés pour « libérer » des ressources hospitalières. Cela a entraîné des retards dans le diagnostic et le traitement, y compris pour des interventions chirurgicales essentielles, et un accès limité aux services de réadaptation et de soins palliatifs pour les personnes vivant avec des MNT. Des orientations spécifiques et pratiques sont nécessaires pour garantir l'accès et la continuité des services sanitaires et communautaires essentiels pour les MNT.
Donc, les politiques étant en place, comment faire concrètement la transition vers ce nouvel ordre mondial audacieux de la santé publique ?
Il sera important d'identifier et d'allouer un financement durable qui soit en même temps novateur. Les nouveaux modèles de financement international, et notamment le Fonds fiduciaire multipartenaires qui catalyse l'action nationale en faveur des MNT, et les accords multilatéraux qui contribuent à garantir le soutien et l'engagement du PNUD et de l'UNICEF, en sont de bons exemples.
L'adoption d'une législation nationale qui met de côté le financement récurrent de la prévention et maîtrise des MNT pour le financement d'urgence des épidémies de maladies infectieuses est une autre possibilité.
Et nous assisterons sans doute à l’augmentation des taxes sur les produits nocifs (tabac, boissons sucrées, alcool, malbouffe et combustibles fossiles), ainsi qu’à la suppression des subventions. Ces taxes ne sont pas seulement une question économique : elles sont une déclaration d'intention. Mais leur force réside également dans le fait que les rentrées fiscales qu'elles occasionnent sont spécifiquement affectées à la prévention et maîtrise des MNT et aux programmes portant sur la COVID-19.
Un coup d'œil aux pays qui ont été les plus aptes à mobiliser et à communiquer avec le public sur la COVID-19 révèle qu'ils ont été unanimement guidés et, dans de nombreux cas, dirigés par des institutions scientifiques et de santé publique respectées, telles que des centres de contrôle des maladies ou des agences de soins primaires.
Ces institutions doivent être consolidées dans les pays où elles existent et créées là où elles sont absentes. Mais pour fonctionner et être crédibles aux yeux du public, elles doivent être libres de toute politisation et dirigées par des professionnels de la santé publique de haut niveau.
«La confiance du public est primordiale en matière de santé publique.»
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l'énorme charge que doit assumer le personnel de santé en première ligne. Il est essentiel que les personnels de santé et de prévention disposent des ressources nécessaires pour faire leur travail efficacement et qu'ils soient également protégés contre les risques d'infection et de violence à leur encontre.
Les agents de santé doivent également bénéficier de la sécurité de l’emploi, de perspectives de carrière et d'une rémunération adéquate. En outre, des initiatives doivent être mises en œuvre afin que les personnels de santé soient soutenus pour ce qui est de leur propre santé, de leur bien-être et de leur santé mentale.
Pour attirer et retenir les professionnels de santé dont nous avons un besoin urgent, il faut un environnement de travail positif qui favorise l'excellence, offre des conditions de travail décentes, permette l’administration de soins de qualité aux patients et renforce le secteur de la santé dans son ensemble.
« Nous ne pouvons pas nous permettre de reproduire les niveaux de surmenage professionnel et le taux de mortalité des personnels de santé que nous avons observés pendant la pandémie. »
Nous ne pouvons pas non plus nous permettre de voir les populations touchées mises à l'écart comme elles l'ont été pendant cette pandémie.
Le directeur général de l'OMS, le Dr Tedros, a récemment fait remarquer que le manque de partage d'informations entre les pays, en ces temps où tout est interconnecté comme jamais auparavant, était devenu le plus grand symbole de la COVID-19. L'absence d'une voix et d'une présence de la communauté vient juste après.
L'OMS a soutenu un engagement fort avec la société civile par le biais de son Mécanisme mondial de coordination pour la lutte contre les MNT et de son Groupe de travail de la société civile sur les MNT. Pour être couronnée de succès, la mise en œuvre des politiques de lutte contre les MNT et des ripostes à la COVID-19 doit passer par la mobilisation d'un engagement fort et de partenariats communautaires solides, prévoyant notamment la participation des principales agences non gouvernementales en la matière. Il est tout aussi important de valoriser et de faciliter la participation des individus, des ménages, des communautés (urbaines et rurales) et des personnes vivant avec des MNT à l'élaboration et à la mise en œuvre des initiatives.
Le secteur privé joue un rôle important dans la promotion et le soutien de la santé et du bien-être par la prestation de services, le financement de la recherche et l'élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes de santé sur le lieu de travail. Du point de vue de la productivité et de la rentabilité, le secteur privé bénéficiera de mesures visant à améliorer la santé de la population active.
« Il est toutefois important de différencier les industries nocives et de les exclure explicitement du dialogue, du financement et des possibilités de peser sur la politique de santé publique, ses orientations ou sa mise en œuvre. »
Une approche solide de la prévention et la maîtrise des MNT et de la COVID-19 doit inclure la lutte contre les déterminants commerciaux de la santé et la responsabilisation des entreprises nocives. Les tactiques des industries qui tirent profit des produits mauvais pour la santé, notamment le tabac, l'alcool, les aliments ultra-transformés, les boissons sucrées, les substituts du lait maternel et les combustibles fossiles, sont en contradiction directe avec le droit fondamental de chaque être humain de jouir du meilleur état de santé possible.
Les voix appelant les gouvernements à mettre fin aux partenariats inappropriés avec l'industrie se sont multipliées au cours de la pandémie de COVID-19, et les gouvernements nationaux sont de plus en plus nombreux à demander des conseils à l'OMS à cet égard.
Enfin, si nous devons demander des comptes au secteur privé, nous devons également mettre de l'ordre dans nos propres affaires.
La COVID-19 a révélé de nombreuses failles dans la santé publique : l'absence de systèmes d'enregistrement, les fuites dans la recherche des cas contacts et la mauvaise saisie des données ont sérieusement entravé les ripostes à la COVID-19 dans de nombreux PRFI.
Sans données, nous ne disposons pas de toutes les preuves dont nous avons besoin pour améliorer les lignes directrices, évaluer les coûts et fixer des objectifs.
Mais surtout, cela signifie que nous ne pouvons pas demander des comptes aux gouvernements quant à leurs résultats.
Après les ravages causés par la COVID-19 vient le moment où les dirigeants peuvent choisir de construire un avenir plus sain, plus productif et plus durable pour le monde. Réussir à affronter les MNT et à reconstruire en mieux après la COVID-19 est une condition préalable à la réalisation de la vision des objectifs de développement durable à l'horizon 2030, pour un monde plus juste.
Cet article est basé sur les conclusions de la déclaration de position du Groupe de travail de la société civile de l'OMS sur les MNT, récemment publiée et intitulée « Resilient Systems for Building Back Better » [Des systèmes résilients pour reconstruire en mieux].
À propos de l’auteur:
Le professeur adjoint Trevor Shilton est directeur de la vie active à la National Heart Foundation australienne. Trevor est vice-président monde pour le plaidoyer auprès de l'Union internationale de promotion de la santé et d'éducation pour la santé (UIPES). Il est membre du comité de plaidoyer de la Fédération mondiale du cœur et fait partie du groupe de travail de la société civile de l'OMS sur les MNT. Trevor est professeur adjoint à l'école de santé publique de l'université Curtin, et professeur associé adjoint en santé de la population à l'université d'Australie-Occidentale. Trevor possède une vaste expérience dans la pratique, la recherche, les politiques et le plaidoyer en faveur de la promotion de la santé à l'échelle communautaire. Il s'intéresse principalement à la prévention des MNT, aux politiques et aux programmes relatifs à l'activité physique et à l'obésité, à la formation des personnels, à la santé des autochtones et au marketing social. Sa première passion est le plaidoyer.