Alcohol taxes to protect people from NCDs

Nous sommes ce que nous buvons : les ressources de l’OMS en matière de politique fiscale entendent réduire la consommation d’alcool et de boissons sucrées

5 décembre 2023

La consommation d’alcool est l’un des principaux facteurs de risque de décès et d’incapacité dans le monde. On estime que la consommation d’alcool tue chaque année 3 millions de personnes dans le monde, soit une personne toutes les 10 secondes. La majorité de ces décès (1,7 million) sont dus à des maladies non transmissibles (MNT), telles que l’AVC, le cancer et les maladies cardiaques et hépatiques. Les méfaits sociaux de la consommation d’alcool sont également considérables : violence domestique, maltraitance et négligence à l’égard des enfants, suicides et accidents de la route, entre autres. La consommation d’alcool et ses conséquences sont plus importantes dans les populations à faible revenu, perpétuant ainsi les inégalités existantes en matière de santé. 

En bref, l’alcool est une substance toxique, psychoactive, cancérigène et addictive, capable de provoquer des dégâts importants sur la santé et la société. L’alcool n’est pas une marchandise comme les autres, il nécessite donc une réglementation gouvernementale.

L’un des moyens les plus efficaces de réduire la consommation d’alcool est d’appliquer des taxes sur les boissons alcoolisées. Des prix plus élevés signifient que de nombreuses personnes vont réduire leur consommation, ce qui rend les sociétés plus saines et plus résilientes, tout en générant des recettes publiques. La taxation de l’alcool peut également contribuer à réduire les inégalités, y compris en matière de santé, car handicaps sociaux et consommation d’alcool ont tendance à s’exacerber mutuellement.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a récemment  lancé le Manuel technique sur la politique et l’administration des taxes sur l’alcool dans le but d’aider les décideurs et autres personnes impliquées dans la politique fiscale des boissons alcoolisées à élaborer des systèmes de taxation de l’alcool et des politiques de tarification qui tiennent compte de la structure unique du marché, de l’administration fiscale et de l’économie politique de chaque pays. Il fournit clairement toutes les informations nécessaires à la conception et la mise en œuvre de politiques fiscales efficaces.

S’appuyant sur des résumés et des études de cas sur la taxation de l’alcool à l’échelle mondiale, le manuel aborde également les préoccupations des gouvernements concernant l’opposition de l’industrie aux politiques fiscales et tarifaires, principal obstacle à la mise en œuvre effective de la taxation et d’autres politiques visant à réduire la consommation de produits nocifs pour la santé comme l’alcool. Il identifie et démonte plusieurs arguments que l’industrie a tendance à utiliser pour dissuader les gouvernements de mettre en œuvre ces politiques efficaces et rentables.

Le manuel technique a été présenté en même temps qu’un Rapport mondial 2023 sur l’utilisation des taxes sur l’alcool, qui fournit une évaluation mondiale des taxes appliquées aux boissons alcoolisées, avec au moins 148 pays appliquant des droits d’accise sur l’alcool au niveau national. Le rapport compare qualitativement la conception de ces taxes et fournit pour la première fois des indicateurs standardisés à l’échelle mondiale pour comparer les niveaux d’imposition entre les pays. Cette évaluation peut permettre d’étayer les décisions politiques sur la taxation de l’alcool et de soutenir d’autres recherches.

Reprenant la même méthode pour cibler une autre catégorie de boissons mauvaises pour la santé, le Rapport mondial 2023 sur l’utilisation des taxes sur les boissons sucrées a également été présenté cette semaine, pour accompagner le Manuel sur les politiques de taxation des boissons sucrées destiné à promouvoir une alimentation saine, publié en décembre 2022. Les boissons sucrées, ou BS, ont été désignées par de nombreux experts comme un facteur clé des épidémies d’obésité et de diabète, contribuant également à de nombreux autres problèmes de santé, notamment les maladies cardiovasculaires, les caries dentaires et l’ostéoporose. Comme pour l’alcool, la consommation de BS est plus élevée dans les populations à faible revenu, entretenant ainsi le cycle de la pauvreté et de la mauvaise santé. Cependant, le rapport souligne que la part moyenne des droits d’accise dans le prix d’une même marque internationale de BS est de 6,6%, ce qui signifie que les droits d’accise sur ces boissons sont souvent appliqués à des taux faibles, étant donné que de nombreuses études ont montré que 20% est le taux de taxe sur les BS le plus efficace pour en réduire la consommation.

Les manuels fiscaux pour l’alcool et les BS appliquent le Manuel technique 2021 sur la politique et l’administration des taxes prélevées sur le tabac. Le succès des taxes sur le tabac pour réduire la consommation et augmenter les recettes publiques rend la taxation de l’alcool et des BS encore plus intéressante pour les gouvernements. Ces « taxes de santé » sont souvent décrites comme une stratégie gagnant-gagnant-gagnant : une solution gagnante pour la santé en raison de la réduction de la consommation ; une victoire pour le gouvernement grâce à l’augmentation des recettes ; et une victoire pour la société car elles réduisent les inégalités en matière de santé. Les pays peuvent également allouer tout ou partie des recettes publiques générées à des programmes de santé publique, comme l’ont fait les Philippines pour aider à financer la couverture sanitaire universelle dans le pays, par exemple.

Cependant, le rapport mondial sur l’alcool montre que sur les 148 pays qui prélèvent des droits d’accise sur les boissons alcoolisées ici étudiées, seuls 21 allouent ces recettes à des programmes de santé. S’agissant des boissons sucrées, neuf pays sur 108 ont affecté ces recettes à des programmes de santé. Ces résultats montrent que les gouvernements commencent à peine à récolter les fruits de la fiscalité pour le financement de la santé. Les bénéfices sont encore plus importants lorsque la fiscalité est mise en œuvre dans le cadre d’un ensemble de politiques de promotion de la santé. Ainsi, la taxation de l’alcool peut s’accompagner du suivi de la consommation d’alcool au sein d’une population, de la mise à disposition de programmes gratuits pour aider les gens à cesser de boire de l’alcool ou à réduire leur consommation, et de la réglementation de la vente et du marketing de l’alcool.

Des approches politiques complètes de ce type ont été mises en œuvre plus largement pour les BS et d’autres aliments et boissons riches en graisses, en sucre et en sel, en particulier au Mexique et dans d’autres pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes. Il en va de même pour le tabac, de nombreux pays mettant en œuvre des politiques fiscales accompagnées d’étiquettes de mise en garde obligatoires sur les produits du tabac et de réglementations strictes sur le marketing. Pourtant, malgré les effets destructeurs de l’alcool sur la santé et la société, sa réglementation est en retard au regard de celles d’autres produits nocifs. Le nouveau manuel technique de l’OMS sert de guide, mais il lance aussi un appel à l’action pour que les gouvernements s’opposent fermement à l’industrie de l’alcool et protègent leurs populations de cette substance toxique.