Pleins feux sur les MNT à la 71ème Assemblée mondiale de la Santé

3 juin 2018

La 71ème session de l’Assemblée mondiale de la Santé (WHA71) s’est tenue à Genève la semaine dernière, du 21 au 26 mai. Les États membres ont examiné de nombreux points à l’ordre du jour, notamment la santé de la femme et de l’enfant, la santé mobile, l’activité physique et la préparation des RHN-ONU sur la tuberculose et les MNT. La WHA71 a également accueilli de multiples événements parallèles, dont plus de 25 sur les MNT programmés tout au long de la semaine.

Bon nombre d’États membres et d’intervenants lors des événements parallèles ont mis en exergue l’importance des politiques de taxation des produits nocifs pour la santé, en tant que mesures de santé publique dont l’efficacité est démontrée pour enrayer la charge grandissante des MNT. Ils ont également souligné la nécessité de renforcer les systèmes de santé, en mettant l’accent sur les soins de santé primaires, et de faire preuve de prudence au moment de conclure des partenariats multisectoriels réunissant plusieurs parties prenantes.

Vous trouverez ci-dessous notre résumé des points de l’ordre du jour pertinents et le texte intégral des déclarations prononcées par l’Alliance sur les MNT et ses partenaires, ainsi qu’un récapitulatif de certains de nos événements parallèles lors de la WHA71.

11.7 Préparation de la troisième Réunion de haut niveau des Nations Unies sur les MNT – A71/14, A71/14 Add.1

Les États membres ont souligné la nécessité d’adopter une approche englobant l’ensemble de la société et prévoyant la mobilisation de secteurs tels que le personnel de santé, les communautés et les acteurs non étatiques par exemple. De nombreux intervenants ont lancé un appel pressant à investir pour faire face aux MNT, et certains pays ont mis en avant leur soutien particulier aux campagnes de sensibilisation.

La Malaisie a fait remarquer qu’il est toujours difficile d’assurer la cohérence des politiques économiques, commerciales, sanitaires et environnementales. Le Danemark a signalé l’importance de la CSU en tant que démarche pour atteindre l’ODD 3, et de la lutte contre les MNT dans les contextes humanitaires. Le Portugal s’est engagé à devenir un pays libre d’acides gras trans. La Russie a fait part de son espoir que la RHN-ONU permette d’identifier de « nouveaux mécanismes mondiaux en vue d’accélérer les progrès de la lutte contre les MNT par le biais de décisions politiques, réglementaires et techniques dans tous les secteurs et pour toutes les parties prenantes, afin d’améliorer la santé des générations actuelles et futures de notre planète ».

Particulièrement préoccupante et allant à l’encontre des propos du Mexique, l’intervention de l’Italie qui a déclaré que les politiques devaient se fonder sur « des mesures scientifiques » et une « efficacité prouvée », tout en contestant la valeur des politiques fiscales en faveur de la santé, malgré l’inclusion de la taxation du tabac, de l’alcool et du sucre dans les interventions recommandées par l’OMS pour la prévention et la maîtrise des MNT, suite à une analyse coût-efficacité rigoureuse. Les débats ont abouti à l’adoption d’une résolution appelant à la participation des chefs d’État et de gouvernement à la RHN-ONU. Lire notre déclaration.

11.1 Projet de programme général de travail – A71/14

Plusieurs États membres des régions Europe et Méditerranée orientale ont fait directement référence aux MNT dans leurs déclarations sur le point de l’ordre du jour concernant le programme général de travail. Le Qatar a exhorté l’OMS à « renforcer les mesures » pour surmonter les obstacles à la prévention et maîtrise des MNT. Le Pakistan a mis en exergue la nécessité d’avoir des « ressources prévisibles » pour les MNT et la santé mentale ainsi que les urgences sanitaires, tandis que les Pays Bas ont mentionné les MNT et la résistance aux antibiotiques comme étant tout particulièrement des priorités.

La Finlande a souligné à quel point une charge élevée de MNT et d’épidémies infectieuses menace la durabilité de systèmes sanitaires tout entiers. Sans lien particulier avec les MNT, le Royaume Uni a fait remarquer que le dossier d’investissement accompagnant le 13ème programme général de travail, demandé par le Conseil exécutif, n’était pas encore disponible.

Le Dr Tedros a évoqué le 13ème programme général de travail comme un « document évolutif », et s’est déclaré disposé à écouter les demandes concernant l’élaboration du nouveau modèle centré sur les pays et les préoccupations sur les indicateurs. Il a proclamé : « c’est notre partenariat qui transformera le plan en action. » Les États membres ont adopté la résolution WHA71.1, approuvant le 13ème programme général de travail et demandant au Directeur général de l’OMS de présenter un rapport lors de la 75ème AMS concernant une prorogation possible jusqu’en 2025 du 13ème programme général de travail afin de s’aligner sur le cycle plus général de planification de l’ONU. Lire notre déclaration.

11.4 Santé, environnement et changement climatique – A71/10, A71/10 Add.1, A71/11

De nombreux États membres ont souligné la nécessité d’une action spécifique de protection des populations vulnérables. La Bulgarie a déclaré que le changement climatique affectait tout et qu’il était nécessaire d’encourager des actions bénéfiques pour tous, tout en précisant que les coûts de l’action sur le changement climatique l’emportent largement sur le coût de l’inaction.  La Norvège a de nouveau appelé à agir au-delà du secteur de la santé, tandis que le Sri Lanka a évoqué la nécessité de promouvoir des résultats bénéficiant à toutes les parties, et la République dominicaine et les Bahamas ont appelé de leurs vœux une approche multisectorielle.

Les États-Unis ont souligné la nécessité de disposer de données supplémentaires et mis en garde contre des politiques « sans corpus solide de données factuelles », un sujet également mentionné avec préoccupation par certains États membres dans leurs interventions sur les politiques fiscales pour les MNT et la promotion de l’allaitement au sein des nourrissons. Le Secrétariat de l’OMS a fait remarquer qu’il sera nécessaire de trouver des moyens de dissocier la croissance économique de la détérioration de l’environnement et a également confirmé qu’il y avait eu une collaboration accrue entre les groupes Santé publique et environnement (PHE) et Maladies non transmissibles et santé mentale (NMH). Les États membres ont pris acte des trois rapports préparés sous ce point de l’ordre du jour. Lire notre déclaration.

11.8 Préparation de la première RHN pour mettre fin à la tuberculose – A71/15, A71/16

Cette année marque la première Réunion de haut niveau des Nations Unies pour mettre fin à la tuberculose (TB), qui se tiendra la veille de la RHN-ONU sur les MNT, mercredi 26 septembre. Les membres de l’Assemblée mondiale de la Santé ont exprimé leur soutien au rapport et lancé un appel à accélérer les actions de lutte contre la TB et la tuberculose multirésistante. Dans leurs déclarations, les États membres ont mis en évidence la nécessité d’adopter une réponse multisectorielle à la TB qui ne laisse personne au bord du chemin. L’Assemblée a approuvé le projet de résolution et le projet de cadre de responsabilisation multisectoriel qui seront présentés aux États membres lors de la RHN sur la TB de septembre, et appelé les chefs d’État et de gouvernement à assister à cette réunion. Lire notre déclaration.

12.2 Activité physique pour la santé – A71/18

En mai 2017, lors de la 70ème Assemblée mondiale de la Santé, la Thaïlande a été à l’initiative d’une demande d’élaboration par l’OMS d’un Plan d’action pour l’activité physique. Après 12 mois de consultations approfondies avec les gouvernements, la société civile, des acteurs non étatiques, le secteur privé, les milieux de la recherche et universitaires (auxquelles ont participé l’Alliance sur les MNT et son réseau), le premier Plan d’action mondial pour l’activité physique 2018-2030 : des personnes plus actives pour un monde plus sain a été approuvé par l’AMS le 24 mai.

Articulé autour d’une cible (qui figure également dans le 13ème programme général de travail) visant à réduire de 15%, en termes relatifs, la sédentarité d’ici 2030, le Plan d’action poursuit 4 objectifs : des environnements actifs, des personnes actives, des systèmes actifs et une société active, à travers 20 domaines d’action, assortis de politiques et recommandations spécifiques pour les différentes parties prenantes.

Le Plan d’action a été accueilli avec enthousiasme par les États membres, qui ont noté son potentiel pour faire progresser les ODD dans leur ensemble. Des personnes plus actives pour un monde plus sain sera lancé au Portugal le lundi 4 juin 2018. Il sera disponible, accompagné de documents de référence, sur le site Internet de l’OMS à partir du 4 juin 2018. Lire notre déclaration.

12.3 Stratégie mondiale pour la santé de la femme, de l’enfant et de l’adolescent – A71/19 Rev.1

Dans le cadre de l’examen de la Stratégie mondiale pour la santé des femmes, des enfants et des adolescents (2016-2030), l’Assemblée mondiale de la Santé est invitée à mettre chaque année l’accent sur un aspect spécifique de la stratégie. Cette année, l’accent a été mis sur le développement de la petite enfance, mais un examen de la mise en œuvre des politiques a également été mené, ainsi que de l’état actuel de la situation sur des questions telles que la santé sexuelle et reproductive et la violence interpersonnelle.

Les États-Unis ont déclaré que la santé sexuelle et reproductive ne couvre pas l’avortement, que ce pays ne reconnaît pas comme un droit humain, une déclaration reprise par plusieurs autres pays, dont le Niger. D’autres pays, dont la Norvège, ont déclaré que l’accès à l’interruption volontaire de grossesse dans des conditions de sécurité est une composante essentielle de la santé des femmes et des jeunes filles.

De nombreux États membres ont salué l’accent particulier mis sur le cancer du col de l’utérus et le Danemark a déclaré que « la vaccination ne devrait pas être un privilège ». Le caractère nécessaire de la prévention et l’importance d’une nutrition appropriée, particulièrement pendant les 1 000 premiers jours de développement, ont fait l’objet d’un point particulier, ainsi que le besoin de systèmes de santé robustes qui se concentrent sur la prévention et fournissent un traitement abordable et sûr à ceux qui en ont besoin. L’Assemblée a pris note du rapport et examinera un rapport sur le métier de sage-femme l’an prochain. Lire notre déclaration.

12.4 Santé mobile – A71/20

Témoignant du consensus autour de l’importance des interventions de santé numérique pour la santé publique, l’Inde a été le premier État membre à intervenir en déclarant être « prêt à passer d’une révolution de santé numérique à un mouvement de santé numérique ».

Les États membres ont souligné d’une part la valeur des programmes de santé numérique, dont la Santé mobile, pour renforcer les systèmes de santé souvent surchargés et permettre un accès généralisé aux soins de santé, y compris pour les populations éloignées, et d’autre part la possibilité offerte par ces programmes d’une assistance au quotidien pour les personnes vivant avec des maladies chroniques, y compris des maladies non transmissibles. Un soutien a été exprimé en faveur de l’initiative conjointe OMS-UIT « Be He@lthy, Be Mobile » (La mobilité c’est la santé).

L’Assemblée a adopté une résolution exhortant les États membres à étudier la manière dont les technologies numériques pourraient être intégrées dans les infrastructures existantes des systèmes de santé, et à développer une législation et des politiques de protection des données autour de problématiques telles que l’accès aux données, le partage des données, le consentement et la protection de la vie privée.  La résolution demandait également au DG de l’OMS de fournir une assistance technique et des orientations normatives aux États membres afin d’intensifier la mise en œuvre de la santé numérique, et de développer un référentiel regroupant les réglementations, les données factuelles sur les améliorations et les effets involontaires en matière de promotion de la santé, de prévention des maladies et d’accès aux services de santé. Lire notre déclaration.

12.6 La nutrition chez la mère, le nourrisson et le jeune enfant – A71/22, A71/23

Ce point portait initialement sur la présentation de 2 rapports biennaux, Nutrition maternelle, néonatale et infantile - plan d’application exhaustif concernant la nutrition chez la mère, le nourrisson et le jeune enfant : rapport biennal, et Protection contre les conflits d’intérêts possibles dans les programmes nutritionnels. Cependant, quelques jours avant l’Assemblée, il est apparu que 13 États membres (et d’autres pays ne figurant pas sur la liste des États membres) avaient développé et présenté un projet de résolution consensuel sur l’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants (22 mai), qui insistait sur l’importance de protéger et de promouvoir l’allaitement au sein, notamment en proposant un encadrement et en recommandant des mécanismes juridiques pour ce faire.

Outre des efforts en coulisses pour que la résolution ne soit pas présentée, puis retirée et enfin pas du tout soutenue, les États-Unis ont pris des mesures officielles pour contester cette résolution en proposant un point de décision alternatif plus faible. Cela a débouché sur la création d’un groupe de rédaction sur la résolution, qui s’est réuni pour 2 jours de négociations. La résolution finale sur l’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants (26 mai), a finalement été proposée quasiment à la clôture de l’AMS, tard le vendredi 25 mai, avec le soutien de 18 États membres. Elle a été adoptée samedi 26 mai, et bien que toujours en faveur de l’allaitement au sein qu’elle cherche à promouvoir, ce n’est qu’une pâle copie de l’original : les références à un soutien à la mise en œuvre du Code de l’OMS de commercialisation des substituts du lait maternel (le Code) et des Orientations de l’OMS en vue de mettre un terme aux formes inappropriées de promotion des aliments pour nourrissons et jeunes enfants ont été réduites ou entièrement éliminées.

Quoique la résolution adoptée soit positive en ce qu’elle protège et favorise l’allaitement au sein, et bien qu’un rapport de mise en œuvre soit prévu en 2020, les tentatives pour saper, négocier et affaiblir une résolution destinée à protéger la santé infantile et maternelle nous renvoient de façon inquiétante aux négociations de l’Annexe III et du plan de mise en œuvre du rapport de la Commission pour mettre fin à l’obésité de l’enfant (ECHO) en 2017. Lire notre déclaration.

12.8 Rhumatisme articulaire aigu et cardiopathies rhumatismales – A71/25

À la suite de discussions lors du CE 141 en mai 2017, l’AMS a adopté une résolution appelant les États membres à aborder les déterminants socio-économiques des cardiopathies rhumatismales, afin d’améliorer l’accès à une prise en charge et des technologies opportunes ; la communauté internationale à placer les cardiopathies rhumatismales au cœur des programmes de prévention et de maîtrise ; et le DG de l’OMS à faire rapport sur l’ampleur de la charge et la nature des cardiopathies rhumatismales et à présenter un rapport d’avancement lors de la 74ème Assemblée mondiale de la Santé

Événements parallèles

L’AMS a cette année accueilli un nombre record d’événements parallèles, dont au moins 27 sur cinq jours. Le principal événement de la NCDA, ASSEZ. Pour faire de 2018 une année d’action et d’impact sur les MNT, a eu lieu lundi soir.
    
300 personnes ont assisté à cet événement qui a démarré par une allocution d’ouverture de Mme le Dr Svetlana Axelrod, suivie de deux panels portant sur la Commission indépendante de haut niveau de l’OMS sur les MNT et les résultats prioritaires de la Réunion de haut niveau des Nations Unies de septembre. Lors de son allocution d’ouverture, Mme le Dr Axelrod a évoqué la manière dont, en tant que citoyens du monde, nous ne pouvons plus tolérer une telle lenteur des progrès en matière de MNT, et le fait que les États membres doivent participer à la discussion sur les MNT au plus haut niveau.

Le premier panel, auquel ont participé d’éminents intervenants tels que Mme le Dr Michelle Bachelet, ancienne présidente du Chili, le Dr Adolfo Rubinstein, ministre argentin de la Santé, et Mme le Dr Sania Nishtar, co-présidente de la Commission, a abordé des questions telles que les politiques fiscales, la mobilisation de l’industrie, le financement de démarrage et les déterminants commerciaux de la santé, ainsi que la manière dont ces priorités se reflètent dans les travaux de la Commission.

Le second panel, au cours duquel sont intervenus le Dr Christopher Tufton, ministre jamaïcain de la santé et Mme le Dr Agnes Binagwaho, vice-chancelière de l’Université de l’équité en santé mondiale, au Rwanda, a mis l’accent sur certains facteurs clés de réussite pour une nouvelle ère de réponse aux MNT : campagnes créatives, voire « tape-à-l’œil » de sensibilisation de l’opinion publique telles que « Jamaica Moves », besoin d’avoir des défenseurs pour porter le progrès ou encore besoin d’une approche centrée sur l’individu et les droits, qui couvre la santé mentale et soit intrinsèquement liée à la couverture sanitaire universelle.

Mais l’intervention peut-être la plus mémorable de la soirée a été celle de la paneliste Kwanele Asante, Présidente du Comité consultatif ministériel sur la prévention et la maîtrise du cancer au sein du ministère sud-africain de la Santé, qui a parlé de sa propre expérience : vivant avec plusieurs MNT, à la recherche d’un traitement et ayant été soignée pour une tuberculose étant enfant. Elle a appelé à mettre fin à la rhétorique de « l’investissement dans les personnes » et aux promesses politiques creuses, et à suivre l’exemple du mouvement de lutte contre le VIH/SIDA, « pas de décision nous concernant sans nous consulter ». Elle a conclu en exprimant le souhait de « savoir que d’autres personnes ont de bonnes chances d’être en bonne santé ».

L’événement parallèle a été enregistré et est disponible sur la page Facebook de l’Alliance sur les MNT (lien externe).

Parmi d’autres événements organisés au cours de la semaine et que la NCDA a eu le plaisir de coorganiser, une table ronde sur la prise en charge intégrée, lors de laquelle un nouveau rapport a été lancé, intitulé « Définir les futurs systèmes de santé : études de cas et recommandations pour une prise en charge intégrée des MNT ». La NCDA a également participé à des événements sur la santé numérique et le diabète gestationnel, et de nombreux autres événements passionnants organisés par la communauté des MNT tout au long de la semaine, dont plusieurs sur la manière de garantir que la voix des jeunes soit une composante clé de la réponse aux MNT.

  

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