Les MNT dans les contextes humanitaires

Les crises humanitaires, provoquées par la multiplication des conflits, la crise climatique et l'aggravation des inégalités, sont de nature et d’ampleur variables.

 

À savoir 

  • Début 2024, quelques 300 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire et de protection, et plus d’un tiers d’entre elles sont déplacées de force. Ce chiffre devrait continuer à augmenter avec l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes et des conflits armés.
  • Les urgences humanitaires provoquent des perturbations dans les systèmes de santé, ce qui empêche les personnes vivant avec des MNT d’accéder aux soins et les expose à des complications potentiellement mortelles.
  • Plusieurs facteurs accentuent la vulnérabilité des personnes vivant avec des MNT lors d'une crise humanitaire, notamment les déplacements forcés, le manque de services et de fournitures médicales, l'exposition accrue aux facteurs de risque des MNT et la détresse psychologique.
  • Des étapes ont été franchies récemment en vue d’intégrer les MNT dans les programmes d’intervention d’urgence, telles que la publication de lignes directrices, l’apport d’une aide concrète et divers engagements de la part d’organisations internationales, mais il reste encore beaucoup à faire pour tenir la promesse de la santé pour tous.

Crises humanitaires : personne n’est à l’abri

Les crises humanitaires résultent de conflits armés, de catastrophes naturelles, d’épidémies, d’instabilité politique, sociale ou économique, ou d’une combinaison de ces facteurs. Elles peuvent être temporaires, en cas de tremblement de terre par exemple, ou permanentes, s’agissant par exemple d’une guerre civile de longue durée.

Plus d’un milliard de personnes vivent dans des situations de fragilité et de conflit [1], soit une personne sur huit dans le monde. En 2023, 299 millions de personnes avaient besoin d’aide humanitaire et de protection (soit environ 3% de la population mondiale). Nombre de ces personnes ont dû abandonner leur domicile : 71,1 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays et 36,4 millions de plus sont des réfugiés ayant besoin d’une aide humanitaire dans des pays d’accueil [2]. Ces chiffres ont augmenté au fil du temps et devraient continuer à le faire.

Plus des trois quarts des réfugiés sont accueillis dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, qui sont aussi les plus durement touchés par les crises humanitaires [3]. Bon nombre de celles et ceux qui vivent dans des contextes humanitaires ont besoin de soins. Dans ces situations, l'attention se concentre à juste titre sur les besoins aigus : parturientes et nouveau-nés vulnérables, blessés nécessitant une intervention chirurgicale et épidémies de maladies infectieuses. Mais parallèlement à ces urgences, des millions de personnes luttent pour parvenir à gérer différentes maladies non transmissibles (MNT) telles que le diabète, l’hypertension ou les maladies cardiovasculaires.

Les personnes vivant avec des MNT dans des contextes humanitaires

Une personne sur cinq dans le monde vit avec une ou plusieurs MNT, et celles qui vivent avec ces maladies dans un contexte humanitaire sont particulièrement vulnérables. Les MNT nécessitent une continuité des soins et toute interruption, aussi courte soit-elle, peut entraîner des complications, une incapacité et un décès prématuré. Ainsi, les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux sont deux à trois fois plus fréquents dans les situations d’urgence que dans des circonstances normales [4]. Le diabète et l’hypertension sont également répandus et constituent des facteurs de risque majeurs d’autres MNT telles que les maladies cardiovasculaires et l’insuffisance rénale chronique.

Cependant, le diagnostic et la prise en charge des MNT dans les contextes humanitaires restent problématiques, tant pour les personnes vivant avec ces maladies que pour celles qui tentent de les soigner, en particulier dans les pays à faibles ressources dont les systèmes de santé ne sont déjà pas en mesure de répondre aux besoins des populations résidentes. Les défis sont nombreux et difficiles à relever. En voici certains :

  • Les déplacements forcés peuvent entraîner des interruptions dans le continuum de soins à cause de la perte d’accès aux médicaments ou aux soins de santé, en particulier pour les réfugiés fuyant vers des pays à revenu faible ou intermédiaire où les ressources sont limitées et les systèmes de santé souvent surchargés.
  • Les systèmes et services de santé dans les contextes humanitaires sont fortement limités (voire complètement compromis) par la détérioration ou la destruction des établissements et des infrastructures de santé et le manque de personnel médical, ainsi que la pénurie et le coût des fournitures médicales, ce qui entraîne souvent des dépenses à la charge des patients catastrophiques.
  • Des obstacles plus vastes à la prévention des MNT, démultipliés par une exposition accrue à divers facteurs de risque, tels que le tabagisme, la consommation d’alcool, le manque d’activité physique ou la mauvaise alimentation et la malnutrition, ainsi que l’impact de certains déterminants sociaux de la santé tels que le genre, la pauvreté ou l’érosion des réseaux de soutien et des liens communautaires.
  • La détresse psychologique provoquée par les conditions de vie extrêmes lors des crises humanitaires non seulement augmente le risque de maladie mentale, mais contribue également à aggraver les résultats de santé d’autres MNT, car elles deviennent plus difficiles à gérer pour les personnes vivant avec ces troubles.

Alors que les pays s'efforcent collectivement de parvenir à la couverture sanitaire universelle, les personnes vivant avec des MNT dans des contextes humanitaires sont parmi celles qui risquent le plus d'être laissées de côté.

Vers la CSU : les MNT, une priorité dans les contextes humanitaires

Bien qu’il soit de plus en plus nécessaire et urgent d’agir, le chemin à parcourir pour faire des MNT une priorité dans les situations humanitaires et tenir la promesse de la santé pour tous est encore long. Les programmes humanitaires mondiaux restent sous-financés [5], et l’importance des MNT dans ces contextes est souvent négligée. Les choses n’ont commencé à bouger que récemment, car les décideurs sont désormais contraints d'adopter une « approche tous risques » de la planification et des interventions d'urgence, ainsi qu'une riposte sanitaire et humanitaire inclusive qui ne laisse personne de côté.

Il n'existe pas de solution miracle applicable à tous les contextes humanitaires, et la capacité des pays à répondre aux urgences sanitaires dépend de l'ampleur de la crise à laquelle ils sont confrontés, de leur situation économique, de leur préparation aux situations d'urgence et de la résilience de leur système de santé. Mais une intervention d'urgence a plus de chances de réussir si des modèles de soins éprouvés et des partenariats solides entre le gouvernement et la société civile sont déjà en place.

Des mesures sont prises à cet effet, comme l'établissement d'un cadre normalisé pour l'intégration de la prise en charge des MNT dans les contextes humanitaires, consolidé par des lignes directrices telles que le document du HCR et de l'IRC Integrating Non-communicable Disease Care in Humanitarian Settings: An Operational Guide [L’intégration des maladies non transmissibles dans des contextes humanitaires : guide opérationnel], publié en 2020. Une aide concrète a également été mise à disposition en 2016 avec l'introduction du kit MNT de l'OMS, qui fournit des médicaments contre les MNT pour une population de 10 000 personnes pendant trois mois en cas d'urgence, à titre de solution temporaire.

D'importants engagements ont également été pris au niveau mondial. Ainsi, en 2022, la 75ème Assemblée mondiale de la Santé a recommandé de donner la priorité aux MNT dans la préparation aux situations d’urgence et la planification des interventions. Le Pacte mondial de l’OMS sur les MNT (2022) prévoit quant à lui que d’ici 2030, les gouvernements devront protéger 1,7 milliard de personnes vivant avec ces maladies en garantissant l’accès aux soins dans les situations d’urgence humanitaire. L'élan se poursuit avec la deuxième réunion technique mondiale de l’OMS sur les MNT dans les situations d’urgence, qui se tiendra en 2024.

La participation significative des personnes vivant avec des MNT à la riposte, dans les contextes humanitaires, est essentielle pour garantir la prise en compte de leurs besoins réels. La société civile joue un rôle crucial en faisant entendre leurs voix dans le processus d’élaboration des programmes et des politiques qui placent les communautés touchées au cœur de l’action.

En vue d’étoffer les connaissances et les données sur la prise en charge des MNT dans les contextes humanitaires, l’Alliance sur les MNT a produit une note d’orientation et une série d’études de cas au Liban, au Kenya et en Ukraine.

Étude de cas : la gestion du diabète pour un réfugié

La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) a connu plusieurs crises humanitaires ces derniers temps qui ont entraîné le déplacement de populations de réfugiés et l’affaiblissement des systèmes de santé. L’un des pays les plus touchés de la région est le Liban, où une personne sur quatre est un réfugié, la plupart d’entre eux en provenance de la Syrie. Beaucoup vivent avec des maladies non transmissibles, ce qui ajoute une pression supplémentaire sur les services de santé déjà mis à rude épreuve par le Covid-19 et les crises socio-économiques.

La coalition Partnership for Change cherche à répondre à cette situation en mettant en œuvre des modèles de soins qui améliorent l’accès à la prévention, au diagnostic et à la prise en charge des maladies chroniques. Abdel, réfugié syrien vivant au Liban avec un diabète de type 2, est l’un des bénéficiaires de ses programmes axés sur le renforcement de la capacité des patients à gérer eux-mêmes leurs maladies grâce à l’éducation et au soutien par les pairs.