«Meilleure santé, meilleure vie»: la Norvège lance la première stratégie de développement sur les MNT au monde
13 janvier 2020
13 janvier 2020
Commençons par les chiffres, qui sont éloquents. Les MNT, dont notamment les cardiopathies, les AVC, le diabète, le cancer et les maladies respiratoires, sont désormais responsables de près de 70% des décès prématurés dans le monde. Il est communément admis que les MNT ont un effet préjudiciable sur de nombreux aspects du développement humain durable. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les MNT sont un problème de riches, ces maladies ont un impact plus marqué sur les PRFI, où elles sont responsables de plus de deux tiers des décès et coûteront 7 000 milliards de $ en pertes économiques au cours des deux prochaines décennies. Et pourtant, globalement, seul un misérable 1,7% de l’aide au développement pour la santé (soit 611 millions de $) est consacré à la principale cause de décès prématurés et d’incapacité dans le monde .
Tandis que les donateurs bilatéraux (par exemple les gouvernements nationaux ou leurs agences de développement) constituent la principale source de financement de la santé mondiale, en termes généraux, avec 52% de l’ensemble de l’aide au développement pour la santé, ils ont jusqu'à présent brillé par leur absence dans le domaine des MNT. Entre 2010 et 2015, les organisations non gouvernementales (ONG) ont collectivement fourni plus de deux fois plus d’aide au secteur des MNT que les donateurs bilatéraux, et largement davantage que des organisations multilatérales telles que la Banque mondiale et l'OMS.
Le panorama des ressources disponibles pour lutter contre les MNT n'a pas beaucoup évolué depuis 2015, malgré le passage des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) à l'ère des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, qui a enfin permis d’inclure les MNT en tant que priorité pour la santé mondiale et le développement durable. Après de nombreuses années de campagne, les défenseurs des MNT dans le monde entier auraient pu espérer que cet événement inciterait les pays donateurs à intégrer les MNT dans leurs politiques et stratégies de développement. Mais bien que de nombreuses agences de développement, notamment au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Suède et en Australie, soutiennent la lutte contre les MNT de différentes manières (par exemple, par des efforts de renforcement du système de santé, en intégrant les MNT dans les programmes de santé mondiale existants ou grâce à des programmes de lutte antitabac dans les PRFI), elles sont dans l'ensemble restées beaucoup trop silencieuses et passives à l'égard des MNT.
Les PRFI ont donc été livrés à eux-mêmes pour répondre au fardeau croissant des MNT dans la limite de leurs maigres ressources. Les gouvernements doivent jongler avec une accumulation de cas d'infections courantes, de dénutrition et de mortalité maternelle, à laquelle viennent s’ajouter la charge croissante des MNT, les pandémies et les effets alarmants de l’urgence climatique sur la santé. Les budgets et les systèmes de santé sont paralysés et peu de pays pauvres prévoient la prise en charge des maladies non transmissibles dans leurs régimes d’assurance maladie. Il en résulte un poids profondément injuste et injustifiable : dans les pays à revenu moyen de la tranche inférieure, les patients doivent payer de leur poche les soins et les traitements dont ils ont besoin. 56 % des dépenses de santé sont payées par les personnes qui ont besoin d'un traitement, au lieu de provenir des dépenses publiques ou d'autres sources. Pour les nombreuses personnes qui n'ont pas les moyens de se faire soigner, cela équivaut à un choix déchirant entre renoncer à des soins qui leur sauveraient la vie ou l'amélioreraient, et faire basculer leur famille dans la pauvreté. C'est une situation désespérée, notamment pour les populations les plus pauvres et les plus marginalisées, encore trop souvent laissées pour compte.
Ces statistiques et ces situations expliquent l’importance de la stratégie de développement international du gouvernement norvégien sur les MNT et en quoi elle constitue une étape dont nous pouvons nous réjouir. La Norvège est le premier pays de l'OCDE à appliquer l'inclusion des MNT dans les ODD à sa politique de développement, et à la soutenir à l’aide de ressources claires et nécessaires destinées à l’aide au développement. La Norvège a annoncé qu’elle triplait son aide aux MNT, en prévoyant plus de 20 millions de dollars pour soutenir la stratégie en 2020 et cet engagement devrait augmenter vers 2024. C'est un montant relativement modeste au regard des dons pour la santé dans le monde, mais il catapulte déjà la Norvège au rang des trois premiers partisans de la prévention et de la maîtrise des MNT, loin devant les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et le Canada.
L'exemple de la Norvège constitue un précédent important ainsi qu'un modèle à suivre pour les autres pays de l'OCDE, non seulement parce que c'est le premier, mais aussi en raison du fond et de la forme de cette initiative. Tout d’abord, bien que la stratégie soit pilotée par le ministère des Affaires étrangères, son lancement à Oslo a clairement montré qu'elle était le fruit d'une collaboration intergouvernementale : le ministre du Développement international, Dag-Inge Ulstein, et le ministre de la Santé, Bent Høie, se sont présentés ensemble, ce qui a envoyé un fort signal de leadership pangouvernemental. En deuxième lieu, la stratégie s’inspire du travail normatif de l'OMS sur les MNT en aidant les pays à faible revenu à mettre en œuvre les « Meilleurs choix » et en adoptant l'approche plus large « 5×5 » des MNT, l'accent étant mis sur la santé mentale et la pollution atmosphérique. Troisièmement, les piliers de la stratégie s'appuient sur le bilan de la Norvège en matière de MNT et de santé publique à l'échelle nationale et internationale, comme en témoigne la place réservée aux mesures de prévention ayant fait leurs preuves, la lutte antitabac et la CCLAT, la réglementation et la taxation des produits mauvais pour la santé et l'attention portée aux déterminants commerciaux des MNT, dont le besoin est si pressant dans de nombreux PRFI. Quatrièmement, elle présente clairement cette nouvelle orientation axée sur les MNT comme une occasion de développer et augmenter (plutôt que de réaffecter) les priorités et les investissements de développement et de santé mondiale actuels de la Norvège, tels que la santé des femmes et des enfants, le climat et l’environnement et les crises humanitaires. Et enfin, tant lors de l'événement que dans la stratégie, on constate une reconnaissance claire du rôle capital que la société civile et les communautés jouent dans la riposte aux MNT.
Cinq ingrédients d'une stratégie qui a fait de la Norvège un leader mondial de la lutte contre les MNT dans les pays à faible revenu et un sauveur de vies, ainsi qu’un modèle à suivre pour les autres pays de l'OCDE. Alors, à qui le tour?
À propos de l’auteure
Katie Dain (@katiedain1) est Directrice générale de l’Alliance sur les MNT. Elle travaille avec l’Alliance sur les MNT depuis sa création en 2009. Katie est largement reconnue en tant que défenseuse et experte de premier plan en matière de MNT. Elle est actuellement membre de la Commission indépendante de haut niveau de l'OMS sur les MNT, coprésidente du groupe de travail de la société civile de l'OMS sur la réunion de haut niveau des Nations Unies sur les MNT, et membre de la Commission de The Lancet sur les maladies et blessures non transmissibles du milliard de personnes les plus pauvres.
Ce blog a été publié pour la première fois sur Health Policy Watch. L’Alliance sur les MNT souhaite remercier Health Policy Watch de l’avoir autorisée à le publier ici.