Combler l’écart de prise en charge du cancer chez les femmes au Rwanda
17 mai 2023
17 mai 2023
En raison des normes de genre, les femmes sont souvent confrontées à un accès limité à des services de santé de qualité et plus exposées aux MNT et à leurs facteurs de risque, ce qui a des répercussions au plan sanitaire, économique et social, en particulier dans les contextes à faibles ressources. L’initiative Patient Navigation (Navigation des patients) récemment lancée au Rwanda tente de changer la donne en améliorant l’accès au dépistage, au diagnostic et à la prise en charge du cancer.
À l’instar d’autres MNT, la charge du cancer au Rwanda est en augmentation. Cependant, selon les données 2007-2018 du registre du cancer récemment créé dans le pays, tout laisse à penser que la plupart des cas de cancer au Rwanda ne sont jamais diagnostiqués ni traités. Ainsi, l’Observatoire mondial du cancer de l’OMS estime que les nouveaux cas de cancer du sein au Rwanda se montent à 1 131 par an, or le registre n’en compte que 217. Cela signifie que seuls 20 % des nouveaux cas sont pris en charge.
L’initiative Patient Navigation vise à sauver la vie des femmes en comblant cet écart. Elle est mise en œuvre par l’Alliance rwandaise sur les MNT dans la ville de Kigali, en étroite collaboration avec le ministère rwandais de la Santé, le Centre biomédical du Rwanda (RBC), l’Institut international du cancer (ICI), l’hôpital militaire du Rwanda et l’hôpital du district de Masaka.
L’objectif est de réduire la morbidité et la mortalité dues au cancer du sein et du col de l’utérus grâce à un meilleur accès au dépistage et à la détection précoce, ainsi qu’à l’amélioration du diagnostic et du traitement des affections bénignes et malignes.
« Des initiatives comme celle-ci, qui rassemblent la société civile et les autorités de santé publique, sont la voie à suivre pour aller au-devant des femmes vulnérables dès le début et les accompagner tout au long du processus de traitement », a déclaré Cary Adams, Directeur général de l’Union internationale contre le cancer (UICC).
Les agents de santé communautaire (ASC) jouent un rôle important dans la mobilisation des femmes de leurs communautés en les encourageant à passer des dépistages du cancer du col de l’utérus et du sein et en les orientant vers des centres de dépistage. Le dépistage est effectué dans tous les centres médicaux du district de Kicukiro et les patientes dont les résultats sont anormaux sont orientées vers l’hôpital du district de Masaka pour des examens plus approfondis, notamment la biopsie mammaire échoguidée et la résection à l’anse. Les patientes présentant des résultats très suspects de cancer du sein ou du col de l’utérus, sur la base des échantillons de biopsie mammaire prélevés à l’hôpital du district de Masaka, sont ensuite orientées pour confirmation et traitement du cancer au Centre rwandais du cancer, inauguré en 2020 par Son Excellence le Président Paul Kagame à l’hôpital militaire rwandais de Kanombe, première étape pour finalement recevoir un traitement oncologique complet.
Auparavant, le gouvernement rwandais devait envoyer à l’étranger les patientes ayant besoin de radiothérapie, à des prix exorbitants. Ce centre de radiothérapie vient compléter les services existants de prévention, de diagnostic et de traitement, dont un service de chimiothérapie.
En outre, le Centre rwandais du cancer permet d’intensifier pleinement le dépistage et la détection précoce des cancers du col de l’utérus et du sein. Ce centre de cancérologie a progressivement ajouté des services de diagnostic et d’hospitalisation afin d’offrir un traitement complet du cancer et des soins palliatifs en cas de stade avancé.
« Cette initiative a obtenu des résultats impressionnants en très peu de temps depuis son lancement. La rapidité d’orientation entre l’hôpital du district de Masaka et le Centre rwandais du cancer est également remarquable », a déclaré Saunthari Somasundaram, présidente de la Société nationale de Malaisie contre le cancer.
Les chiffres ont démontré que l’approche fonctionne. Entre le lancement de l’initiative Patient Navigation en septembre 2022 et mars 2023, 14 435 femmes au total ont été dépistées : 5 014 pour le cancer du col de l’utérus et 9 421 pour le cancer du sein. 302 patientes ont été diagnostiquées et traitées, bénéficiant également d’un accompagnement social et de traitements et contrôles de suivi.
Outre l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge, la formation des professionnels de santé est un élément central de l’initiative. En mars 2023, 761 agents de santé communautaire avaient été formés à la sensibilisation au cancer du sein et du col de l’utérus. 61 prestataires de soins de santé ont été formés à la détection précoce du cancer chez les femmes (WCED) et 20 professionnels de santé, dont des médecins, des infirmiers, des sages-femmes, des responsables cliniques et des techniciens en imagerie médicale, ont été formés à l’échographie mammaire et à la biopsie mammaire échoguidée.
L’initiative applique le Guide de l’OMS pour le diagnostic précoce du cancer et aborde des défis tels que le manque de connaissances en matière de santé, les idées reçues et la stigmatisation, la pauvreté et le recours aux guérisseurs traditionnels.
Le Rwanda fait figure de leader régional en matière de soins de santé et de CSU. Le pourcentage de la population disposant d’une assurance maladie est passé de 43,3 % en 2005 à 90,5 % en 2020. L’assurance, également connue sous le nom d’assurance maladie communautaire (CBHI), a également réduit les dépenses directes, en particulier pour les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables.
Le Rwanda a également ouvert la voie avec ses services décentralisés de lutte contre les MNT et la mise en œuvre de la stratégie PEN-Plus de l’OMS pour lutter contre les MNT telles que le cancer, le diabète de type 1, la drépanocytose et le rhumatisme articulaire aigu dans les établissements de soins de santé primaires des zones rurales et périurbaines.
Outre le diagnostic précoce et de la formation, l’Alliance rwandaise sur les MNT prévoit d’ajouter une démarche plus holistique à l’initiative, avec notamment un tutorat autour du dépistage du cancer chez les femmes et de la réponse aux résultats du VPH ; le suivi, l’évaluation et la gestion des données ; l’information des pouvoirs publics en vue de réduire la charge financière du diagnostic pour les personnes vivant avec le cancer ; et la création d’un centre de soins palliatifs et d’éducation à la santé pour faciliter l’autoréadaptation.
La société civile a été fondamentale pour l’engagement souscrit par les gouvernements lors des RHN-ONU de poursuivre une approche pansociétale pour les MNT, notamment en 2018, lorsque la Déclaration politique de l’ONU a prévu un engagement en faveur de la participation significative de la société civile en vue de soutenir les plans nationaux de lutte contre les MNT et d’amplifier les voix des personnes vivant avec des MNT.
Les organisations de la société civile, les personnes vivant avec des MNT, les femmes, les jeunes et autres populations vulnérables devraient être impliqués de façon significative et jouer un rôle actif dans la riposte aux MNT. La proximité des organisations de la société civile vis-à-vis des communautés et des personnes vivant avec des MNT et touchées par ces maladies, les appelle à jouer un rôle important dans la prise de décisions liées aux MNT, la formulation de demandes de politiques émanant de la population et la garantie que les communautés bénéficient des services.
Naasson Nduwamungu est titulaire d’un diplôme d’infirmerie et travaille depuis 4 ans auprès d’établissements publics et privés. Actuellement coordinateur en charge de la sensibilisation communautaire à l’Alliance rwandaise sur les MNT, Naasson a développé une solide expertise des cancers féminins et d’autres maladies non transmissibles. Cette expérience a nourri sa passion pour la santé mondiale, et lui a permis de s’épanouir professionnellement et d’acquérir de précieuses connaissances et compétences en matière de MNT.
Louis Ngabonzima est un pharmacien rwandais doté d’une expertise considérable en matière de communication et de plaidoyer dans le domaine de la santé, en particulier s’agissant de mettre à profit les dernières tendances technologiques. À l’Alliance rwandaise sur les MNT, Louis a joué un rôle déterminant dans la défense des besoins et des priorités des personnes vivant avec des MNT dans le pays, afin de porter un changement politique. En 2021, il a piloté l’élaboration de l’Agenda rwandais du plaidoyer des personnes vivant avec des MNT, ainsi que du rapport politique 2022 sur les MNT et la prestation de services intégrés de lutte contre le VIH/sida au Rwanda.
Jimena Márquez Donaher pilote le développement et la mise en œuvre de la stratégie et des activités de communication et médias à la NCDA. Jimena a plus de 20 ans d’expérience dans la création de contenus dans des contextes internationaux et multilingues, avec un accent particulier sur la santé mondiale, le développement et les droits de la personne humaine.