La puissance, l’enthousiasme et l’indignation au service de notre avenir

5 Mars 2020

« Nous devrons vivre l’avenir que vous êtes en train de créer » – Pierre Cooke Jr, Conseiller technique en charge de la jeunesse, Healthy Caribbean Coalition ; Parlement national de la jeunesse de la Barbade

Réduire l’écart en matière de responsabilisation

La troisième et dernière thématique du Forum mondial était la responsabilisation, au menu de la plénière du matin. Brenda Killen a présenté l’approche du Groupe indépendant sur la responsabilité (IAP) de l’initiative Chaque femme, chaque enfant, chaque adolescent : suivi, contrôle, solution/action : « Il y a beaucoup de suivi et de données, mais cela n’implique pas en soi l’exercice d’une responsabilité. » Elle a également exhorté les délégués à identifier et soutenir « des gardiens de la responsabilisation », qu’il s’agisse de parlementaires, de décideurs politiques, de membres de la société civile, de médias indépendants (dont elle a salué la présence au Forum), de communautés ou de particuliers.

La table ronde a abordé la théorie et la pratique de la responsabilisation. Le professeur Adnan Hyder a présenté quatre principes directeurs à l’intention des théoriciens: l’indépendance, avec notamment l’établissement d’un « pare-feu » entre financement de la recherche et interprétation des données; des données de qualité adaptées aux besoins réels des pays ; soutenir le plaidoyer factuel; et produire la prochaine génération de leaders. 

Pierre Cooke est justement l’un de ces leaders, et il a évoqué l’importance d’être comptable envers les jeunes: « les décisions prises aujourd’hui auront un impact sur notre avenir – ce ne sont pas les décideurs politiques qui auront à les vivre !» Les décideurs politiques étaient pour leur part représentés par la Dre Somaya Al Jowder, médecin et diabétique. Son expérience en tant que l’une des premières femmes parlementaires de Bahreïn l’a confortée dans sa conviction que « si nous ne travaillons pas en équipe, nous n’arriverons jamais à réduire l’écart ». 

Comme l’a souligné Beatriz Champagne, garantir la responsabilisation du secteur privé est primordial, y compris en matière de droits humains. Les classements et les fiches de résultats peuvent également servir à enhardir des « acteurs de changement internes » au sein même des sociétés.

S’agissant d’évaluer et de contrôler l’industrie pharmaceutique afin d’améliorer l’accès aux médicaments, selon la Dre Jayasree Iyer, de la fondation Access to Medicine, « il existe une armée d’investisseurs extrêmement puissants ; il ne s’agit plus seulement d’investir dans les sociétés les plus rentables ».

Les ateliers ont permis de provoquer la discussion et de tracer la voie à suivre

Politiques en matière de MNT :

  • Le financement durable de la lutte contre les MNT est un motif d’inquiétude permanent, malgré les preuves éclatantes de son fort retour sur investissement. Canaliser les fonds alloués au développement vers les MNT revient à assurer l’avenir de la santé pour tous.

« Les interventions en matière de MNT doivent en priorité faire l’objet d’une augmentation des financements au plan international, car les finances nationales ne réussiront pas à elles seules à résoudre le problème. » – Bent Nielsen, Fédération mondiale du diabète

L’accès aux médicaments essentiels est indispensable pour atteindre la cible des ODD relative aux MNT. Disposer de données intégrées et précises peut y contribuer, tout comme le recours à des outils numériques et être à l’écoute des personnes vivant avec des MNT au sein de populations vulnérables, notamment dans des contextes d’aide humanitaire.

Mouvements sociaux et appels au changement :

  • L’atelier « Think like a broadcaster » a été organisé en coopération avec BBC StoryWorks, qui a lancé la nouvelle série phare de courts documentaires intitulée « Turning the tide » [Inverser la tendance]. Produite en partenariat avec l’Alliance sur les MNT, elle contient 26 courts-métrages décrivant l’impact de l’épidémie de MNT à l’échelle planétaire, et notamment le diabète au Mexique, la santé mentale en Afrique du Sud, les AVC en Roumanie, l’hypertension au Myanmar et le psoriasis aux Philippines. L’atelier a appelé les délégués à employer une narration audacieuse, à connaître leur public et à susciter l’émotion, pour ainsi mieux marteler les message et attirer davantage l’attention des médias.

« Nous vivons à une époque où il y a davantage de personnes qui meurent de MNT que de personnes qui vivent avec des MNT et pourtant cela ne frappe toujours pas les esprits ! » – Simon Shelley (BBC StoryWorks).

  • Les coalitions pour le plaidoyer autour des MNT peuvent être étendues à de nouveaux secteurs et acteurs, de façon novatrice. Compromis et créativité sont nécessaires à la solidité des coalitions et « nous avons besoin de transparence, même au sein de la coalition » (Labram Musah, Alliance ghanéenne sur les MNT).

Responsabilisation – coup de projecteur sur les secteurs public et privé :

  • Les conflits d’intérêts avec le secteur privé sont un souci récurrent et un peu l’histoire de David contre Goliath. Il existe une incompatibilité fondamentale entre produits mauvais pour la santé et objectifs de santé publique : « Peu importe qui vous êtes ; si vous dépassez la limite de nos principes et de notre travail, ne comptez pas sur nous » (Deborah Chen membre de la Healthy Caribbean Coalition et du Comité directeur de l’Alliance sur les MNT). Les normes fixées par la société civile doivent aller au-delà des engagements pris par l’industrie, afin que celle-ci réponde pleinement de ses actes. 

  • À l’heure actuelle, seul un tiers environ des alliances sur les MNT mènent des activités destinées à demander des comptes aux gouvernements. Le non-respect des politiques existantes de la part des gouvernements est une problématique majeure dans toutes les régions, et la société civile doit fortement inciter les gouvernements et les bailleurs de fonds à allouer les financements nécessaires à la lutte contre les MNT.

« Si vous réduisez l’écart en matière de responsabilisation, les écarts en matière d’investissement et de leadership se combleront automatiquement » – Nina Renshaw, Alliance sur les MNT

Espaces d’interaction 

Les côtés informels du Forum mondial sont particulièrement riches et agréables. À la fin du Forum, le « mur des aspirations » était couvert de suggestions formulées dans de nombreuses langues. Les affiches « Community in Action » ont donné un bon aperçu de la diversité des activités de plaidoyer et de recherche menées à travers le monde par les membres de l’Alliance sur les MNT, dont par exemple la lutte contre l’hypertension au Kenya et le droit à la santé en Colombie.

Et pour finir...

La plénière de clôture a demandé aux délégués quelles grandes leçons tirer de ce forum :

Nous sommes tellement plus forts et plus crédibles ensemble. La Dre Ibtihal Fadhil a cité un proverbe arabe, « on ne peut applaudir d’une seule main » : nous devons travailler de façon intersectorielle.

« La balle est dans notre camp ; si nous déployons la puissance des membres des alliances sur les MNT, des militants, des patients et des gouvernements, nous avons une bonne chance d’inverser la tendance » – Professeur Sani Malami, Alliance nigériane sur les MNT

Helen Seibel a suggéré de se pencher sur les réussites des alliances et de les déployer à l’échelle mondiale. « La solution se trouve probablement quelque part dans cette salle, et cela me donne vraiment espoir ! »

La Dre Marie Hauerslev de NCD Child a salué la manière dont la voix des jeunes a été prise en compte non seulement lors du Forum mondial en tant que tel, mais également dans sa préparation. Et lorsque Jyotsna Govil a demandé aux jeunes délégués « Êtes-vous prêts à reprendre le flambeau ? », ils ont répondu en cœur par un « oui ! » franc et massif.

Katie Dain, Directrice générale de la NCDA, a bien résumé le Forum, synonyme pour elle d’inspiration (témoignages et expertise), de détermination à combler les écarts et déficits dans la mise en œuvre, et d’optimisme. Elle a également annoncé que la Semaine mondiale 2020 d’action sur les MNT, mettra l’accent sur l’un des cinq écarts identifiés par la Boussole MNT : la responsabilisation

À la fin de la plénière, nous avons eu le plaisir de regarder une vidéo particulièrement sympathique : un rap de Chris Agbega, défenseur ghanéen Notre vision, notre voix. Cette vidéo est disponible ici, et nous vous garantissons que vous ne pourrez vous empêcher d’entonner en cœur « Enough NCDs, enough, enough! »

Lors de la cérémonie de clôture, Cajsa Lindberg, défenseuse suédoise Notre vision, notre voix, a encouragé les délégués à adopter une approche de principe dans leur plaidoyer : « Rien n’arrive sans passion, mais rien de bon n’arrive sans compassion ». SE Mme Sawsan Jafar (présidente du Conseil d’administration de Friends of Cancer Patients, EAU), a insisté sur le lancement lors du Forum du rapport de l’OMS Suivi des progrès dans la lutte contre les MNT 2020, qui offre de nombreuses informations et données sur les progrès accomplis par les pays. Elle a également pris acte de la Boussole de la société civile des MNT qui permet d’identifier les écarts dans la riposte aux MNT tout en proposant des actions de la société civile pour y remédier. Et enfin, elle a évoqué la coopération avec NCD Child et le soutien aux jeunes défenseurs. En reconnaissance du travail exceptionnel accompli pour combler les écarts et améliorer la riposte aux MNT, Son Excellence et Todd Harper, Président de la NCDA, ont décerné les Prix de Sharjah 2020 pour l’excellence des actions de la société civile des MNT à l’Alliance vietnamienne de lutte contre les MNT, à l’Alliance slovène sur les MNT et à la Healthy Caribbean Coalition. 

Lors de son allocution de clôture, Todd Harper a souligné le rôle crucial de la société civile pour stimuler des progrès équitables à l’horizon 2025 et 2030 : « Ici à Sharjah, notre mouvement a pris des décisions cruciales pour identifier de quelle manière accélérer la mise en œuvre de politiques salvatrices et transformatrices et renforcer notre mouvement afin d’insuffler le changement. »

Nous avons parcouru bien du chemin mais il reste encore beaucoup à faire ; il est temps de suivre le conseil de Katie Dain : « Mettons le paquet et fonçons! »  

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Nous tenons tout particulièrement à remercier les rapporteurs des ateliers, dont les précieuses contributions ont permis l’élaboration de ce blog et la rédaction du rapport final du Forum mondial : Margianta Surahman Juhanda Dinata, Apoorva Gomber, Daniel Hunt, Nimal Mohamed, Omnia el Omrani et Stephanie Whiteman.