A person living with HIV talks to a friend in Nairobi

Une prise en charge intégrée pour les personnes vivant avec le VIH, le diabète et l'hypertension en Afrique subsaharienne

16 octobre 2023

En Afrique, les services de soins de santé pour les maladies non transmissibles (MNT) sont fragmentés et leur prestation est souvent moins accessible et de qualité inférieure que les services de soins chroniques pour le VIH. Seule la moitié environ des personnes qui entament un traitement contre le diabète ou l'hypertension dans de bonnes structures de soins cliniques sur le continent sont encore soignées un an plus tard, et quelques deux millions de décès prématurés sont attribués chaque année aux effets de ces maladies. En revanche, la grande majorité des personnes vivant avec le VIH bénéficient de soins réguliers et d'une suppression de la charge virale, et les taux de mortalité ont été divisés par cinq depuis le pic atteint au début des années 2000.

La création de cliniques de soins chroniques intégrés utilisant les plates-formes développées pour les programmes de lutte contre le VIH et les enseignements en ayant été tirés pour améliorer les résultats des personnes vivant avec des MNT, suscite un intérêt croissant. Toutefois, il n'existait pas de données probantes de qualité quant à la faisabilité de ces centres, leur effet potentiel sur les résultats en matière de VIH et leur coût.

Afin d'enrichir le corpus de données factuelles, nous avons mené un vaste essai randomisé par grappes en partenariat avec des décideurs politiques, des prestataires de soins de santé, des représentants des patients et des membres de la société civile, afin de comparer la prise en charge intégrée pour le VIH, le diabète ou l'hypertension avec les soins verticaux standard et autonomes de chacune de ces pathologies.

Une étude menée dans deux pays et 32 établissements de santé

Trente-deux établissements de santé en Ouganda et en Tanzanie fournissant des soins primaires ont été randomisés entre la prise en charge intégrée et les soins verticaux standard. Environ 7 000 participants ont été inscrits et suivis pendant 12 mois. Dans les centres de prise en charge intégrée, les participants étaient pris en charge par les mêmes professionnels de la santé, partageaient la même zone d'enregistrement et d'attente, utilisaient la même pharmacie, avaient des dossiers médicaux conçus de manière similaire et avaient recours à un service de laboratoire intégré. Les soins standard impliquaient une séparation verticale des soins pour le VIH et l'hypertension ou le diabète.

Les services ont été fournis par des agents de santé qualifiés, à tous les participants à l'essai. Bon nombre des procédures prévues pour les participants séropositifs ont été mises en œuvre pour celles et ceux atteints de diabète ou d’hypertension, comme par exemple l’encadrement en matière d'observance thérapeutique et le suivi des personnes ayant manqué un rendez-vous afin de les encourager à se rendre au centre médical.

Les participants étaient libres de refuser de participer à l'essai ou de se retirer à tout moment, mais très peu d'entre eux n’ont pas accepté ou ont abandonné au cours des 12 mois de l’étude. Une sous-étude en sciences sociales a montré que l'intégration des services était, dans l'ensemble, bien accueillie par les participants grâce à la réduction de la stigmatisation.

Conclusions : économies et meilleur contrôle grâce à la prise en charge intégrée

À la fin de l'essai, les taux de maintien des soins, tant pour le modèle de prise en charge intégrée que pour celui des soins verticaux, avoisinaient les 90%, soit le taux le plus élevé jamais enregistré dans des établissements de soins primaires en Afrique. L'intégration n'a pas eu d'effet négatif sur les taux de suppression de la charge virale chez les personnes séropositives : dans les deux groupes ils ont dépassé 90%. Les soins intégrés ont permis aux services de santé de réaliser des économies grâce à la réduction des doublons dans la prise en charge des personnes souffrant de pathologies multiples.

Bien que nous ayons renforcé la prise en charge de l'hypertension et du diabète de la même manière dans les deux groupes, certains marqueurs de la tension artérielle et du contrôle de la glycémie étaient supérieurs dans le groupe de la prise en charge intégrée par rapport à celui des soins verticaux. Cependant, la proportion de personnes bénéficiant d’un contrôle adéquat était faible, ce qui est cohérent avec le défi général que représente la gestion de ces maladies dans le monde entier.

Notre recherche montre que la prise en charge intégrée est réalisable et rentable pour les services de santé africains et permet de fournir des services de haute qualité, comparé à l'approche actuelle fondée sur les soins verticaux.

À propos des auteurs : 

Shabbar Jaffar est professeur d'épidémiologie et directeur de l'Institut de santé mondiale de l'UCL.

Moffat Nyirenda est professeur de médecine (MNT mondiales) à la LSHTM et en charge de la thématique des MNT à l'unité de recherche MRC/UVRI/LSHTM en Ouganda.

Kaushik Ramaiya est professeur de médecine, secrétaire de l'Alliance sur les MNT et Directeur général de l'hôpital Shree Hindu-Mandal en Tanzanie.

La Dre Josephine Birungi est chercheuse principale à l'unité de recherche MRC/UVRI/LSHTM en Ouganda et l'un des principaux auteurs du rapport de recherche.

Sayoki Mfinanga est professeur de santé mondiale et chercheur scientifique en chef à l'Institut national de recherche médicale de Tanzanie.

Nelson Sewankambo est professeur émérite à l'université de Makerere, en Ouganda. Il est chercheur dans le domaine du VIH et des MNT et se passionne pour l'utilisation des données probantes afin d'éclairer les politiques et la pratique.