Une réunion est le premier pas vers la fin du partenariat peu judicieux du Fonds mondial avec Heineken, bien que des préoccupations subsistent

19 Mars 2018

Le partenariat inapproprié entre le Fonds mondial et Heineken était le sujet de la discussion entre Marijke Wijnroks, Directrice exécutive par intérim du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et des représentants de l’Organisation internationale des bons templiers (IOGT International), de la Global Alcohol Policy Alliance et de l’Alliance sur les MNT vendredi dernier à Genève. Lors de la réunion, les représentants de la société civile ont réitéré leurs préoccupations sur ce partenariat, qu’ils avaient exprimées dans une lettre publique le 1er février.

Quelques 100 organisations approuvant la lettre, des experts de premier plan de santé mondiale et développement et des représentants des gouvernements de la Norvège et de la Suède, bailleurs de fonds du Fonds mondial, sont convaincus qu’un partenariat entre l’industrie de l’alcool et un fonds mondial pour la santé est entièrement incompatible avec notre vision commune de la santé pour tous et du développement durable.

Cependant, les commentaires formulés par le nouveau Directeur exécutif, Peter Sands, les jours suivants la réunion avivent des préoccupations persistantes selon lesquelles le Fonds mondial ne voit pas ce partenariat avec Heineken comme étant incompatible avec la santé publique et les objectifs de développement durable.

S’il est vrai que les partenariats peuvent être positifs, les derniers commentaires de Sand au Lancet indiquent qu’il ne tient pas suffisamment compte des préoccupations exprimées dans le secteur de la santé et du développement quant à la conclusion de partenariats avec une industrie de produits nocifs, notamment en ce qui concerne les avantages obtenus par ces entreprises, en termes d’approbation implicite et d’accès à des décideurs de haut niveau.

À ce jour aucune décision n’a été prise quant à savoir si oui ou non, le Fonds mondial mettra un terme à son partenariat avec le brasseur hollandais, mais la société civile a bon espoir que le Conseil du Fonds examinera la question et acceptera d’y mettre fin.

« Lors de la réunion, nous avons abordé une foule de questions cruciales que le Fonds mondial avait clairement manquées lors de son processus de diligence raisonnable et d’examen d’un partenariat avec un producteur d’alcool. Par conséquent, la décision d’interrompre ce partenariat est impérative. Nous nous sommes engagés à soutenir le Fonds mondial à deux égards : formuler de meilleures lignes directrices d’évaluation des risques, d’une part, et considérer l’alcool comme un facteur de risque majeur pour les personnes et les communautés affectées par la tuberculose et le VIH/SIDA », a expliqué Kristina Sperkova, Présidente internationale de l’Organisation internationale des bons templiers (IOGT International).

Oystein Bakke, secrétaire de la Global Alcohol Policy Alliance, a réaffirmé, à cette occasion, que le partenariat aidait Heineken à se construire une image de marque, de même qu’il facilitait indirectement l’augmentation de ses ventes et faisait obstacle à une politique efficace de lutte contre l’alcool en Afrique, en allant à l’encontre des objectifs de santé publique et notamment de la propre mission du Fonds mondial en matière de VIH/SIDA et de tuberculose.

Promouvoir la santé et le développement durable est fondamentalement en contradiction avec l’objectif de l’industrie de l’alcool : augmenter les ventes d’un produit qui est reconnu comme étant un facteur de risque de maladie et de blessures, pour accroître les marges bénéficiaires. L’industrie de l’alcool a recours à ces types de partenariat en vue d’accéder au processus d’élaboration de politiques de santé publique afin d’entraver ou bloquer des politiques sur l’alcool à fort impact, fondées sur des données factuelles, ce qui est une stratégie bien connue par l’industrie du tabac, à laquelle les producteurs d’alcool sont étroitement liés.

Les représentants de la société civile présents à la réunion se sont félicités de la nature franche et constructive de la discussion et de l’ouverture affichée par le Fonds mondial pour revoir ses critères et processus de diligence raisonnable en matière de partenariats, à la lumière des préoccupations et des éléments de preuve soulevés. Le Fonds mondial a également manifesté son intérêt à participer à un dialogue sur les déterminants commerciaux et les partenariats (in)compatibles entre les organismes mondiaux de santé et développement et les organisations internationales.

Le défi posé par les déterminants commerciaux est immense, et la question de savoir ce qui constitue ou non un partenariat de santé acceptable à l’ère des ODD est une question cruciale qui appelle, de toute urgence, un dialogue dans la communauté de la santé et du développement. Nous demandons à l’Organisation mondiale de la santé et à L’Équipe spéciale interorganisations pour la prévention et la maîtrise des MNT des Nations Unies d’organiser un dialogue de haut niveau entre les entités de l’ONU en vue de formuler des recommandations concrètes portant sur les ingérences de l’industrie qui entravent les avancées et l’amélioration de la santé mondiale », a déclaré Katie Dain, Présidente-directrice générale de l’Alliance sur les MNT.

Paru avant la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur les MNT qui se tiendra plus tard cette année, le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la prévention et la maîtrise des MNT [1] publié la semaine dernière fait état de préoccupations autour des ingérences de l’industrie dans l’élaboration des politiques, et ajoute que si les partenariats multi parties prenantes sont importants pour atteindre les ambitieux Objectifs de développement durable, il est nécessaire de prendre des mesures pour s’attaquer aux déterminants commerciaux des MNT, et notamment se protéger contre l’ingérence de l’industrie.

Les éléments communs aux tactiques des secteurs fabricant des produits mauvais pour la santé tels que l’industrie du tabac et de l’alcool, et aux stratégies cohérentes de santé publique en vue d’aborder les déterminants commerciaux de la santé font partie des questions débattues lors de la Conférence mondiale sur le tabac ou la santé (lien externe) qui s’est tenue au Cape Town la semaine dernière.

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À PROPOS DE

L’Organisation internationale des bons templiers (IOGT International) (lien externe) est le premier réseau mondial alliant des solutions politiques fondées sur des preuves et des interventions axées sur la communauté en vue de prévenir et réduire les méfaits de l’alcool.

La Global Alcohol Policy Alliance (lien externe) est un réseau d’organisations non gouvernementales et de personnes travaillant dans des organismes de santé publique qui partagent des informations sur les problèmes liés à l’alcool et préconisent des politiques sur l’alcool fondées sur des données factuelles, et « libres d’intérêts commerciaux ».  

L'Alliance sur les MNT est un réseau unique de la société civile, réunissant 2.000 organisations de la société civile dans plus de 170 pays, consacré à l’amélioration de la prévention et de la maîtrise des maladies non transmissibles (MNT) dans le monde.


[1] UN SG’s Report on prevention & control of NCDs: http://bit.ly/UNSGreportNCDsEN