Le Mexique ajoute sa voix au programme de plaidoyer sur les personnes vivant avec des MNT

13 septembre 2017

Dans le cadre de l’initiative de l’Alliance sur les MNT « Notre vision, notre voix », plusieurs conversations communautaires ont été organisées de par le monde, et un certain nombre ont eu lieu au mois d’Août dans la ville de Mexico. Leur objectif était de recueillir des témoignages directs permettant d’alimenter le Programme de plaidoyer des personnes souffrant de MNT, une initiative qui sera présentée lors du prochain forum de l’AMNT à Sharjah (EAU) en décembre prochain. Analía Lorenzo a suivis une de ces conversations et partage ses expériences. 

Parmi les principales recommandations et les enjeux majeurs évoqués pendant cette conversation communautaire sur l’obésité, le diabète et les maladies rénales, soulignons un appel à humaniser le système de santé face aux maladies chroniques ; la possibilité de demander à des nutritionnistes de venir dispenser des formations afin d’améliorer l’alimentation à l’école ; le besoin de faciliter l’accès à des aliments sains ; et un appel à intensifier la protection et l’inclusion professionnelle tant pour les personnes qui vivent avec une MNT que pour les donneurs d’organes, acteurs essentiels en cas de greffe. 

Des expériences différentes autour d’un même programme

La première surprise est venue du fort taux de réponse du groupe de patients diabétiques de l’Hôpital général de Mexico et de l’association rénale Venados, les deux co-organisateurs de l’événement. La conversation s’est déroulée dans les superbes jardins d’une ancienne demeure traditionnelle mexicaine appartenant à la Fondation interaméricaine du cœur au Mexique. Les plus de trente participants ont immédiatement commencé à partager leur expérience de la maladie, non seulement au plan personnel (de quelle manière leur vie a changé), mais également quant à l’accès au diagnostic et la prise en charge thérapeutique par le système de santé. 

Vingt-sept personnes vivant avec une MNT (20 femmes et 7 hommes), quatre soignants professionnels et une amie s’étaient donné rendez-vous pour alimenter par leurs réflexions le Programme de plaidoyer mondial que l’Alliance sur les MNT est actuellement en train d’élaborer. Il s’agissait en majorité de personnes souffrant de diabète et de différentes comorbidités, ainsi que six patients atteints de maladies rénales, dont quatre greffés.

 

« Je ne me suis pas soignée parce que je n’avais pas mal »

« Je ne me suis pas soignée parce que je n’avais pas mal ». C’est ainsi que s’est présentée Paula, 60 ans, au début de la conversation communautaire sur l’obésité, le diabète et les maladies rénales organisée dans la ville de Mexico. « J’ai eu une infection urinaire et c’est là que je suis allée chez le médecin, mais je ne savais pas que j’étais diabétique. Lorsque j’ai cherché de l’aide, on m’a proposé d’assister à des réunions et ça m’a énervée. Comment des réunions allaient-elles me guérir ? Mais j’y suis allée et j’ai énormément appris. J’ai appris à me nourrir correctement et à accepter de vivre avec le diabète, même si je n’arrive toujours pas à m’habituer à manger sans gras. » Le cas de Paula n’a rien d’exceptionnel ; malgré le caractère potentiellement grave du diabète, près de la moitié de ceux qui en sont atteints l’ignore.

Au fil de la conversation, plusieurs sujets ont été évoqués et en particulier les facteurs de risque, dont la mauvaise alimentation. La plupart des MNT sont liées à ce que nous mangeons. De plus, les aliments, le régime alimentaire et l’état nutritionnel, notamment le surpoids et l’obésité, sont liés à l’hypertension, le cholestérol et la résistance à l’insuline. Ces problèmes non seulement constituent des facteurs de risque de MNT, mais ils sont également les principales causes de ces maladies, qui peuvent donc être prévenues et évitées. La malnutrition, le surpoids et l’obésité font tous courir le risque de développer une MNT. 

 « Toutes les occasions sont bonnes pour modifier nos habitudes », affirme Ema, qui a subi deux greffes de rein. 

Au cours de la discussion, problèmes et propositions commencent à se faire jour. « Nous avons besoin de nutritionnistes dans les écoles, qui forment les élèves, les parents et les professeurs. Ce devrait même être une matière à part entière ». Le docteur María Eugenia Vargas, endocrinologue chargée de conseiller les personnes vivant avec une MNT, est favorable au concept d’éducation comme un outil majeur permettant de freiner l’épidémie d’obésité, de diabète et d’autres MNT : « Une population éduquée est une population en bonne santé » affirme-t-elle.

Cependant, nombreuses sont les entraves à l’accès à une alimentation saine : style de vie « sédentaire mais effréné » comme cela a été dit lors de la rencontre, prix et disponibilité des aliments sains dans les différentes communautés.

Éradiquer la discrimination dans tous les domaines

La question de la discrimination était au rendez-vous. Femmes et hommes présents se sont accordés à dire que l’obésité, le diabète et les greffes entraînent des discriminations à l’école, sur le lieu de travail, au sein du système de santé et à tout âge. “Mieux vaut ne pas dire que vous êtes malade ou greffé ». Tel est le conseil résigné donné par la majorité des participants.

On voit par ailleurs émerger la question de l’urgence d’une protection sociale qui garantisse la confidentialité de l’état de santé des personnes dans les différentes sphères de leur vie et l’inscription dans la loi d’articles interdisant la discrimination institutionnelle. 

Entre autres demandes formulées au cours de la discussion, le besoin de politiques plus larges permettant la protection économique des personnes vivant avec une MNT, mais également de celles qui les accompagnent et les soignent. « C’est ma cousine qui a été mon donneur. Il y a très peu de donneurs d’organes. Il faut stimuler la culture du don d’organes, tout en offrant des garanties. Ma cousine n’a pas pu toucher son salaire à 100% pendant notre convalescence. »

Humaniser la prise en charge afin de permettre des diagnostics précoces

S’agissant de la prise en charge, bonnes et mauvaises expériences ont été évoquées à propos du système de santé, mais dans l’ensemble, la grande majorité a été d’accord pour dire qu’il est indispensable d’humaniser le secteur médical, de sensibiliser les médecins et les professionnels généralistes, un pas essentiel pour permettre de détecter les MNT en amont et d’en assurer un suivi précoce.

L’une des demandes les plus concrètes adressées aux médecins a été de « cesser de tout mettre sur le dos de la maladie. On les consulte pour quelque chose et ils répondent « c’est à cause de votre diabète ». Je sais que c’est à cause du diabète, mais j’ai besoin qu’ils me disent ce qui m’arrive, pourquoi j’ai mal », déclare l’un des témoins. « Il faut former à l’humanisme l’ensemble du système de santé et inclure aussi les laboratoires pharmaceutiques, qui peuvent vite s’approprier et gérer la santé de tout un pays » ajoute-t-il.

La conversation a naturellement été limitée par le temps, mais elle a été riche de thématiques, de contributions et de propositions. L’une des participantes n’a pas hésité à haranguer l’assistance : « Nous pouvons êtres acteurs de changement, nous pouvons faire entendre notre voix », a-t-elle dit. Et il ne fait aucun doute que ces conversations sont un puissant outil de sensibilisation aux maladies chroniques du point de vue humain, car elles font entendre la voix incontestée de celles et ceux qui affrontent jour après jour l’une des épidémies les plus dures de ce siècle.

Nous sommes impatients d'entendre ce qui s'est produit lors des consultations dans d'autres pays et à « Notre vision, notre voix », discussions basées sur nos expériences contribuant à façonner le programme de plaidoyer concernant les personnes vivant avec des MNT.

 

A propos de l’auteure 

Analía Lorenzo est dotée d’un diplôme en Sciences de Communication de l’Université Nationale de Córdoba en Argentine. Elle a plus de 20 ans d’expérience en tant que photojournaliste. Elle vit actuellement à Mexico City où elle s’est spécialisée dans le domaine de la santé, du genre et des droits de l’homme. Son rôle de journaliste au sein des ONG lui a permis de s’investir dans les crises humanitaires (principalement en Amérique latine, ayant également étudié le contexte Africain) et a établi les stratégies de communication basées sur des analyses internationales. 

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