Personnes, profits et santé

Une nouvelle série audacieuse du Lancet appelle de toute urgence à une action coordonnée pour faire passer la santé avant le profit

28 Mars 2023

La revue de santé mondiale The Lancet a publié le 23 mars une série de trois articles saluée par beaucoup comme étant historique : People, profits, and health jette une lumière crue sur l’impact de certaines pratiques commerciales sur la santé humaine et planétaire et appelle à une action urgente pour combattre les déterminants commerciaux qui sont à l’origine de l’épidémie mondiale de MNT, de la pauvreté et de la destruction environnementale et sociale.

Le troisième et dernier article livre au lecteur une conclusion troublante : « ... La question n’est pas tant de savoir si le monde a les ressources ou la volonté de prendre de telles mesures, mais si l’humanité peut survivre si nous ne faisons pas cet effort. »

Le professeur Rob Moodie, coordinateur de la série et professeur de santé publique à la Melbourne School of Population and Global Health de l’Université de Melbourne, affirme que nous sommes à un tournant de l'histoire et qu'il est temps d'opérer des changements transformateurs pour créer un monde plus sain et plus durable. Avec les autres auteurs de la série, il braque les projecteurs sur les pratiques néfastes auxquelles recourent certaines industries et entreprises - comme créer de fausses organisations de terrain et de faux groupes de réflexion pour les aider à faire avancer leurs programmes par le lobbying, ou menacer les opposants qui cherchent à réduire les profits pour défendre la santé de la population - mais il illustre également une alternative plus éthique dans laquelle les entreprises coexistent avec la santé, sans lui nuire.

« Cette série n’est pas anti-business, elle est pro-santé. Il est important de reconnaître que de nombreuses entreprises jouent un rôle vital dans la société, mais nous devons également admettre que les pratiques et les produits de certaines d’entre elles rendent les personnes et l’environnement malades », a déclaré M. Moodie. « Avec l’augmentation de maladies non transmissibles telles que les maladies cardiovasculaires, le cancer et le diabète, et l’aggravation de la crise climatique, il est urgent d’agir pour s’attaquer à la manière dont les entreprises contribuent à ces problèmes, en particulier les industries qui vendent des produits nocifs. »

La série développe un modèle conceptuel des déterminants commerciaux de la santé qui offre un moyen simple d’appréhender cette question complexe. Elle souligne que les industries qui produisent du tabac, de l’alcool, des aliments ultra-transformés et des combustibles fossiles sont responsables de plus d’un tiers des décès évitables dans le monde chaque année. Dans le même temps, elle reconnaît que ce ne sont pas les seules industries à contribuer négativement à la santé et à l’équité humaines et planétaires, et qu’il en existe bien d’autres qui sont souvent négligées, telles que l’immobilier et les réseaux sociaux.

Le modèle va au-delà de la définition et de l’explication et propose également un programme d’action qui marque la voie à suivre. Il appelle à un changement transformateur impliquant tous les secteurs de la société et une population mobilisée. Il appelle également à la mise en place d’un système de gouvernance qui fasse passer les intérêts publics avant le profit et remet en question le capitalisme contemporain pour qu'il soit davantage compatible avec la santé et l'équité.

« Les articles présentent les solutions, montrant que les gouvernements ont la responsabilité d’élaborer des politiques qui profitent à l’intérêt public de tous plutôt qu’aux intérêts commerciaux de quelques-uns. Ils montrent aussi clairement que la société civile doit appeler à ce changement », a déclaré Liz Arnanz, responsable des politiques et du plaidoyer à l’Alliance sur les MNT.

La série démontre que pour parvenir à un monde en meilleure santé et réduire les inégalités, les gouvernements du monde entier doivent accorder la priorité aux systèmes et aux politiques qui entraîneront un rééquilibrage des pouvoirs au plan mondial. Parmi ceux-ci :

  • L’adoption d’économies du bien-être et d’approches de gouvernance qui accordent la priorité à la santé des personnes et de la planète.
  • Des normes plus strictes sur la commercialisation des produits nocifs, telles que l’étiquetage impartial des produits et des mesures de protection contre les tactiques de marketing prédatrices, y compris sur les réseaux sociaux.
  • Des politiques qui assurent un financement garanti de la santé préventive et de l’ensemble du système de santé, découragent la consommation de produits nocifs, réduisent les inégalités de patrimoine et veillent à ce que les entreprises soient responsables de l’ensemble des coûts sanitaires, sociaux et environnementaux de leurs activités.

« Pour accomplir le changement que cette série appelle de ses vœux, il faudra réglementer les industries nuisibles à la santé en exerçant un contrôle et en empêchant leur ingérence dans l’élaboration des politiques, mais aussi en remodelant les forces systémiques plus larges telles que nos modèles économiques dans l’intérêt public », a déclaré Mme Arnanz.

La série People, profits, and health sera officiellement lancée lors d’un webinaire, mardi 28 mars. Inscrivez-vous pour vous joindre à Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, et Selina Namchee Lo, rédactrice consultante dans cette même revue, ainsi qu’à un panel d’auteurs et de représentants de la société civile et du monde des affaires, qui discuteront de l’impact du secteur commercial sur la santé et de son rôle futur dans la santé mondiale et l’équité en santé. Les discussions seront suivies d’une séance de questions-réponses en direct avec le public.

Vous pouvez accéder à la série complète ici ou consulter les infographies de la série ici.