Protéger l'allaitement maternel, mettre fin à l'ingérence de l'industrie

15 août 2022

Cette année, la Semaine mondiale de l’allaitement maternel a lieu du 1er au 7 août. Dans le cadre de la mise en place de systèmes d'éducation et de soutien à l'allaitement, faisons l'effort de nous attaquer au marketing et à l'ingérence de l'industrie, conformément au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel !

En tant que femme, l'allaitement est un sujet auquel je m'intéresse naturellement. Le fait que nous soyons capables de produire un aliment nutritif qui peut à la fois nous protéger en tant que mères et favoriser la croissance et le développement de nos enfants en bonne santé est fascinant. Les preuves sont solides : l'allaitement renforce le système immunitaire des enfants et les protège plus tard contre l'obésité, les caries dentaires et d'autres maladies non transmissibles (MNT) liées à l'alimentation, comme le cancer. L'allaitement réduit également le risque pour les femmes de développer un diabète, une obésité et certains types de cancer. De plus, l'allaitement maternel est une action doublement efficace pour lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes, y compris la dénutrition.

Les recommandations en matière d’allaitement maternel sont claires

L'OMS et l'UNICEF recommandent de commencer l'allaitement au sein dans l'heure qui suit la naissance, d'allaiter exclusivement les enfants pendant les six premiers mois de leur vie et d'introduire à partir de l’âge de six mois des aliments complémentaires sûrs et adaptés au plan nutritionnel, tout en poursuivant l'allaitement jusqu'à l'âge de deux ans ou plus. L'allaitement maternel constitue une option naturelle et saine, accessible à la plupart des enfants, rentable, durable et supérieure en termes de normes sanitaires à tout substitut du lait maternel, comme le stipule le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de 1981.

Cela étant, seuls 44% des bébés de moins de six mois sont exclusivement nourris au sein et, comme l'a indiqué l'Assemblée mondiale de la Santé cette année, seuls 35% des 96 pays sont en bonne voie d’atteindre l'objectif nutritionnel mondial de 2025 consistant à porter à au moins 50% le taux d'allaitement exclusif au cours des six premiers mois. Et la conformité nationale avec le Code international est toujours aussi faible, plus de 40 ans après son adoption.

Ingérence de l'industrie : une atteinte à l'éducation et au soutien de l'allaitement maternel

Le rapport 2022 de l’OMS et de l’UNICEF sur la commercialisation du lait maternisé a interrogé 8 500 parents et femmes enceintes et 300 agents de santé dans huit pays. Les conclusions sont choquantes, mais malheureusement pas surprenantes : l'industrie du lait en poudre exploite les angoisses des parents par des stratégies de marketing manipulatrices, en prétendant que le lait en poudre est équivalent ou supérieur au lait maternel, en ciblant les professionnels de santé (la principale source d'éducation sur l'alimentation des nourrissons) et en sapant la confiance des parents dans l'allaitement pour mettre leurs produits en avant. Et elle y parvient souvent.

L'an dernier, Lucy Westerman a révélé comment l'industrie du lait maternisé a profité de la pandémie de COVID-19, en suggérant faussement que le lait maternisé était « plus sûr » ou « nécessaire » pour protéger les enfants du COVID-19 dans certains pays, ou en incluant des substituts du lait maternel dans les dons - des pratiques qui enfreignent le Code international.

Le marketing numérique des substituts du lait maternel est également devenu un défi à la mise en œuvre du Code international, l'industrie ayant un contact direct et très ciblé avec les parents et les femmes enceintes. Certaines stratégies en ligne pourraient sembler ne pas être de la publicité, comme les clubs de bébés en ligne, les influenceurs sur les réseaux sociaux et les contenus générés par les utilisateurs, ce qui rend la réglementation difficile. De nouvelles approches juridiques sont nécessaires de toute urgence.

Deux mesures positives en faveur de la protection de l’allaitement maternel

Cette année, lors de l'Assemblée mondiale de la Santé, les pays ont reconnu les difficultés à réglementer la commercialisation numérique des substituts du lait maternel et ont demandé à l'OMS d'élaborer des orientations sur les mesures réglementaires permettant de mieux soutenir la mise en œuvre du Code international. Attendue en 2024, cette ressource sera cruciale pour aider les États membres à mettre à jour ou à appliquer des réglementations plus complètes sur les préparations pour nourrissons qui englobent la commercialisation numérique, car jusqu'à 80% de l'exposition aux publicités pour les substituts du lait maternel se fait en ligne.

L'OMS est également en train de mettre à jour l'annexe 3 du plan d'action mondial contre les maladies non transmissibles, également connu sous le nom de « meilleurs choix » de l'OMS et autres interventions recommandées. Pour cette mise à jour, elle a effectué une analyse coût-efficacité sur une intervention clé : la protection, l’encouragement et le soutien des pratiques optimales d'allaitement maternel. Les résultats de l'analyse ne sont pas surprenants : il s'agit de l'une des interventions les plus rentables dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. 

Nous sommes cependant confrontés à une industrie du lait maternisé dont les revenus sont estimés à 55 milliards de dollars et qui dispose d'un budget considerable à consacrer à ses stratégies de marketing agressives. Le marketing du lait maternisé est en effet omniprésent. Sa portée est énorme : parmi toutes les femmes interrogées dans le cadre de l'étude de l'OMS et de l'UNICEF, 84% au Royaume-Uni, 92% au Vietnam et 97% en Chine avaient été exposées au marketing du lait maternisé. Ces déterminants commerciaux ont une portée quasi-universelle, et pourtant les gouvernements ne font pas assez pour protéger tout le monde. Mais il y a de l'espoir - les travaux à venir de l'OMS devraient inciter les gouvernements à agir et à faire appliquer le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.

À propos de l’auteure :

Liz Arnanz (@lizarnanz) est responsable des politiques et du plaidoyer de la NCDA sur la prévention des MNT, en charge de la coordination de notre travail de politique et de plaidoyer sur les principaux facteurs de risque de MNT, les déterminants en amont et la promotion de la santé en général. Auparavant, elle a travaillé à la Fédération dentaire mondiale (FDI), où elle plaidait pour l’intégration de la promotion et des soins de santé bucco-dentaire dans les systèmes de santé, et elle a également travaillé pour l’équipe des partenariats et des membres de l’Alliance sur les MNT.