Le rapport « Marketing Exposed » montre comment le marketing nuit à la santé
24 janvier 2023
24 janvier 2023
En tant que conseillère juridique du GHAI en charge des politiques alimentaires et basée en Argentine, ma contribution à ce rapport s’est directement inspirée des travaux sur la défense des droits de la personne que j’ai effectués en Argentine, au Brésil et au Vietnam. Les aliments que nous consommons, produisons, fabriquons, distribuons et commercialisons ont un impact sur l’environnement et la société dans son ensemble. Ce que nous mangeons est profondément lié au pouvoir et aux structures politiques et sociales à tous les niveaux de gouvernance.
De nombreux acteurs différents interviennent dans la promotion de systèmes alimentaires véritablement équitables, durables et à la recherche de l’intérêt général. Cependant, le secteur privé s’interpose souvent en employant des stratégies axées sur le profit, telles que le marketing. Le rapport « Marketing Exposed « entend révéler au grand jour ces pratiques qui menacent les politiques alimentaires saines et mettent la santé publique en danger.
Dans le cadre de l’initiative Industry Watch du GHAI, nous analysons et recueillons des données sur les comportements des entreprises Big Food et Big Soda qui sabotent la formulation et la mise en œuvre de politiques de santé publique visant à promouvoir des environnements alimentaires sains. Ce travail est à la base de la rédaction de ce nouveau rapport (le troisième d’une même série) qui contient une synthèse de l’analyse qualitative de plus de 300 exemples obtenus à partir de sources publiques dans plus de 52 pays.
Le rapport met en évidence des pratiques mondiales inquiétantes de la part de l’industrie dans différents pays et régions. Il identifie également quatre manières essentielles dont le marketing d’aliments ultra-transformés menace la politique de santé publique et favorise une mauvaise alimentation qui a des conséquences mortelles pour le consommateur :
La commercialisation des AUT produit une cascade d’effets néfastes, contribue à créer des environnements mauvais pour la santé et entraîne, pour les États et les populations, des effets néfastes sur la santé et d’autres externalités négatives.
Outre des pratiques de publicité, de promotion et de parrainage, le marketing des AUT peut intégrer des actions de blanchiment d’image des entreprises (notamment en matière de responsabilité sociale des entreprises) qui permettent à l’industrie d’attirer et d’influencer de nouveaux publics vulnérables tout en obtenant des espaces privilégiés lors de l’élaboration des politiques.
Le marketing des produits ultra-transformés est agressif, insidieux et omniprésent. Il permet à l’industrie de dicter aux consommateurs ce qu’ils doivent manger, tout en remplaçant les éléments alimentaires traditionnels des différentes cultures.
Les enfants et les adolescents sont victimes d’exploitation commerciale de la part des entreprises qui saturent le marché alimentaire avec des produits mauvais pour la santé.
Pour toutes ces raisons, il est d’autant plus nécessaire de réglementer le marketing de la malbouffe et urgent de demander des comptes à l’industrie pour ses pratiques nuisibles. Même sil existe un droit humain à une alimentation et une nutrition adéquates, l’industrie des AUT a tenté de faire de la nourriture (et même de l’eau) une marchandise. Elle ne reconnaît pas non plus sa responsabilité quant aux impacts sur la santé, rejetant plutôt la faute uniquement sur les individus ou les encadrants des enfants.
Il s’agit d’une question profondément personnelle, car le système alimentaire actuel rend les populations du monde entier malades et diminue leur qualité de vie, tout en accélérant le rythme du changement climatique.
Les aliments ultra-transformés sont liés à des pratiques agricoles non durables, à la pollution plastique, aux émissions de CO2, à l’accaparement des terres et à de nombreux autres problèmes transversaux qui affectent les générations présentes et à venir. En outre, l’industrie cible les enfants et les adolescents dans son marketing afin de s’assurer des profits dans la durée.
Alors que le monde aspire à des restrictions complètes et obligatoires sur le marketing, les systèmes alimentaires actuels axés sur l’agro-industrie se détériorent et la santé humaine se voit menacée par des maladies et des décès évitables, avec des coûts économiques et sociaux élevés.
« Marketing Exposed » explique pourquoi l’industrie des AUT devrait cesser d’être à l’origine d’environnements mauvais pour la santé, d’écraser les populations, d’influencer les décideurs, d’exploiter les enfants et de détruire les cultures alimentaires.
Dans ce contexte mondial complexe, les OSC jouent un rôle clé dans le plaidoyer en faveur d’une politique de santé publique qui fasse passer l’intérêt général avant les intérêts de l’industrie. Le rapport propose des recommandations aux gouvernements et aux OSC, aux défenseurs et aux militants des droits de l’homme qui travaillent sur ces questions, afin qu’ils jouent un rôle clé dans la lutte contre l’opposition et l’influence de l’industrie à tous les niveaux de gouvernance. Ces mesures sont les suivantes :
Promulguer/préconiser des restrictions obligatoires et complètes du marketing d’entreprise fondées sur des observations indépendantes.
Protéger de l’exploitation commerciale les enfants et d’autres populations se trouvant dans des situations ou des conditions de vulnérabilité.
Rejeter les propositions politiques alternatives défendues par des acteurs privés qui garantissent l’autonomie des entreprises et le maintien des externalités négatives.
Exclure l’industrie des AUT et ses alliés des processus d’élaboration des politiques à tous les niveaux de gouvernance.
Les implications négatives du marketing des AUT sont évitables. Les gouvernements doivent répondre à cette menace et les OSC sont des acteurs clés pour progresser dans cette tâche.
Luján Abramo est la conseillère juridique du programme mondial sur les politiques alimentaires (Food Policy program). À ce titre, elle collabore avec des organisations partenaires du programme et les accompagne. Précédemment, Luján a analysé la législation sur la lutte antitabac et la sécurité routière pour le Consortium juridique de la Campagne pour des enfants sans tabac (Campaign for Tobacco-Free Kids) et l’équipe de sécurité routière du GHAI. Elle a également été conseillère juridique auprès du programme Politique alimentaire et a travaillé sur des questions de politique alimentaire pour l’Organisation panaméricaine de la santé. Elle possède une vaste expérience dans le domaine des droits humains en Argentine, au Brésil et au Vietnam.