Les femmes et les MNT

S’agissant des maladies chroniques, les femmes doivent faire face à de nombreux défis liés au genre, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

Les femmes sont confrontées à un accès limité aux soins de santé alors qu’elles sont souvent plus exposées aux facteurs de risque des MNT en raison des normes de genre et d’autres déterminants croisés tels que la pauvreté, l’éducation ou même le marketing. Il est essentiel d'adopter une approche sexospécifique à l’égard des MNT, si nous voulons garantir une réponse équitable conforme à la couverture sanitaire universelle (CSU) et au programme de développement durable.

 

À savoir

  • Les MNT tuent deux femmes sur trois. Il est nécessaire d’envisager les MNT sous le prisme du genre pour comprendre la charge que représentent ces maladies chez les femmes et lutter contre les inégalités.
  • Les femmes sont confrontées à un accès limité à des services de santé de qualité et sont souvent plus exposées aux MNT et à leurs facteurs de risque en raison des normes de genre, des inégalités qui en découlent et de plusieurs facteurs économiques et sociaux connexes, en particulier dans les contextes à faibles ressources.
  • L’intégration de la santé maternelle et infantile à la prise en charge des MNT offre une occasion de réduire les décès maternels évitables et d’améliorer la santé des femmes.
  • Certaines industries vendant des produits nocifs ciblent de plus en plus les femmes par le biais de tactiques de marketing agressives. Pour l’industrie du lait maternisé et d’autres industries « du mal » comme le tabac et l’alcool, les femmes sont considérées comme un débouché commercial, au détriment de leur santé.
  • La couverture sanitaire universelle (CSU), lorsqu’elle est conçue et mise en œuvre selon une perspective de genre, a la capacité de réduire bon nombre des désavantages que subissent les femmes en matière de MNT.

Inégalité des sexes et MNT

Deux femmes sur trois meurent d’une MNT, ce qui représente pas moins de 19 millions de décès chaque année, dont près de la moitié sont dus aux seules maladies cardiovasculaires (MCV). En raison des normes de genre, des inégalités qui en résultent et d’autres déterminants croisés, les femmes et les filles subissent certains désavantages qui les rendent particulièrement vulnérables aux MNT, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI).

C’est pourquoi il est essentiel d’adopter une approche sexospécifique pour assurer une riposte équitable aux MNT et faire avancer le programme de développement durable.

Partout dans le monde, les femmes se heurtent à des obstacles importants pour accéder à un dépistage et une prise en charge rapides, adéquats ou à un coût abordable. Cela se traduit souvent par des résultats sanitaires médiocres et des taux de mortalité élevés, en particulier dans les contextes à faibles ressources.

Dans ces contextes, les familles accordent parfois la priorité aux besoins sanitaires des enfants et des hommes plutôt qu’à ceux des femmes, qui sont généralement les seules à s’occuper du foyer. La durée et le coût des déplacements peuvent également inciter les femmes à ne pas se rendre dans des services de santé et à privilégier leurs responsabilités ménagères.

Les femmes ont également parfois un pouvoir décisionnel limité au sein du ménage, du point de vue financier ou en général, ce qui entrave considérablement leur capacité à gérer leur santé. En outre, de nombreuses maladies spécifiques aux femmes – telles que le cancer du sein et du col de l’utérus (qui tuent plus de 300 000 femmes chaque année) – s’accompagnent d’une stigmatisation qui fait obstacle au dépistage et au traitement. [1]

Les femmes ayant un faible statut socio-économique sont souvent plus exposées aux facteurs de risque de MNT en raison des normes de genre. Pour preuve, dans de nombreux PRFI, les femmes ont des niveaux d’activité physique inférieurs à ceux des hommes en raison de coutumes sociales et culturelles liées au genre et à la mobilité [2]. En outre, les femmes et les filles sont plus susceptibles d'être moins éduquées que les hommes, ce qui limite leur capacité à s'informer et à se protéger contre d'autres facteurs de risque de MNT, notamment la mauvaise alimentation, la pollution de l’air, le tabagisme et la consommation d'alcool.

Santé maternelle et infantile : utilité de l’intégration avec les MNT

Dans de nombreux pays, sous l'impulsion des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en vigueur de 2000 à 2015, les bases de services de santé maternelle et infantile solides ont été jetées. Mais depuis, la baisse du taux de mortalité maternelle s’est interrompue. Selon les projections, plus d'un million de femmes mourront d'ici à 2030, dont la quasi-totalité dans les PRFI, si l'on s'en tient au taux actuel de 223 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes.

 

Tendances de la mortalité maternelle de 2000 à 2020, OMS et al., 2023

Les progrès réalisés risquent d’être réduits à néant en raison de MNT non traitées liées à la maternité, comme les troubles hypertensifs de la grossesse, responsables de 10 à 15% des décès maternels dans les PRFI. [3] En outre, l’apparition d’autres MNT telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires (MCV) affecte considérablement la santé des femmes enceintes et de leurs enfants à naître.

La quasi-totalité des décès dus à des complications de la grossesse et de l'accouchement peuvent être évités. Il est nécessaire d'intégrer la prévention, le dépistage et le traitement des MNT dans les programmes de santé maternelle, infantile et adolescente existants, comme le reconnaît la Stratégie mondiale pour la santé de la femme, de l’enfant et de l’adolescent (2016-2030).

L’intégration contribuerait également à prévenir la transmission intergénérationnelle, car les enfants nés de mères atteintes de MNT non contrôlées risquent d'être en mauvaise santé plus tard dans leur vie. Alors que le diagnostic des MNT liées à la grossesse, dont le diabète gestationnel ou la prééclampsie (qui se manifeste par une tension artérielle élevée) peut contribuer à identifier les femmes qui présentent un risque accru de développer d’autres maladies chroniques sous-jacentes tout au long de leur vie. [4]

Les industries mauvaises pour la santé ciblent les femmes

Certaines industries vendant des produits nocifs considèrent les femmes comme un débouché commercial. C'est le cas de l'industrie des aliments pour bébés, connue pour recourir à des stratégies de marketing agressives afin de commercialiser à tort le lait maternisé comme un substitut sain du lait maternel, voire comme un produit nécessaire aux enfants.

L’allaitement maternel présente de nombreux avantages pour la santé, car il protège les enfants de la malnutrition et de l’obésité tout en réduisant le risque de diabète, d’obésité et de certaines formes de cancer chez les femmes. Cependant, alors que les taux d'allaitement ont très peu augmenté dans le monde ces vingt dernières années, les ventes de lait maternisé ont plus que doublé au cours de la même période.

Les industries dites « du mal » (sin industries en anglais) telles que l’industrie du tabac et celle de l’alcool cherchent également à accroître leur part de marché au détriment de la santé des femmes. Après avoir réduit l'écart de consommation entre les hommes et les femmes dans de nombreux pays à revenu élevé, Big Tobacco cible à présent les filles et les jeunes femmes dans les PRFI, où le tabagisme féminin est beaucoup moins répandu. Alors qu’à l’échelle planétaire la consommation de tabac reste plus faible chez les femmes que chez les hommes, dans de nombreux pays on enregistre des niveaux de consommation plus élevés chez les filles que chez les femmes adultes et les garçons. [5]

 

Atlas du Tabac, 2020

À l'instar de l'industrie du tabac, l'industrie de l'alcool oriente ses efforts de marketing vers les femmes qui, historiquement, boivent beaucoup moins que les hommes dans la plupart des pays. En conséquence, la consommation d’alcool chez les femmes a augmenté, en particulier chez les jeunes femmes. [6]

Dimension de genre et couverture sanitaire universelle

Bon nombre des désavantages liés à l’accès aux soins de santé, à la charge des MNT qui en résulte et aux facteurs de risque de ces maladies, découlent du fait que les filles et les femmes sont les plus durement touchées par la pauvreté. Un état de fait préoccupant étant donné que 85% des décès prématurés dus aux MNT (c'est-à-dire survenant entre 30 et 70 ans) se produisent dans les PRFI.

Toutefois, des facteurs sociaux tels que l'éducation, la race, l'appartenance ethnique, l'âge, le handicap, le pouvoir et l'autonomie empêchent également les femmes de se protéger contre les MNT et d'accéder à des soins de santé de qualité.

La couverture sanitaire universelle (CSU) peut potentiellement réduire les inégalités de santé auxquelles sont confrontées les femmes, mais les systèmes et les politiques de santé doivent être conçus et mis en œuvre de façon à les rendre abordables, accessibles aux femmes et en tenant compte de leur implication dans un contexte particulier.

Compte tenu des obstacles financiers à la santé auxquels se heurtent les femmes, la mise en œuvre d'un système de CSU leur serait dans l’ensemble bénéfique, en particulier dans les PRFI, favorisant ainsi leur potentiel économique et leur capacité à mener une vie saine.

Les régimes de CSU devraient inclure des soins de santé primaires de grande portée, disponibles dans le cadre d’un guichet unique. Parmi ces soins, des services de santé sexuelle et reproductive, des soins prénataux et anténataux, le dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus, ainsi que celui d'autres infections telles que le VIH et la tuberculose.

Une CSU sexospécifique garantira également qu’aucune femme ou fille ne soit laissée de coté, et que les obstacles non financiers à l’accès aux soins de santé soient également abordés.

Il s’agit notamment d’assurer la couverture de services culturellement sensibles et adaptés aux femmes, à l’aide de modèles de soins différenciés destinés aux personnes les plus vulnérables et marginalisées.

Une mauvaise conception des services peut perpétuer ou exacerber les inégalités structurelles. Cela est particulièrement vrai dans les pays où des disparités entre les sexes dans l’accès à la prise en charge sont apparues malgré la mise en place de systèmes de soins de santé financés par l’État. Ainsi, au Royaume-Uni on a constaté que les femmes avaient 13 % de moins de chances que les hommes du même âge d’obtenir une ordonnance pour les deux médicaments les plus importants dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque dans les trois mois suivant le diagnostic. [7]

Les politiques de couverture sanitaire universelle qui tiennent compte des déterminants sexospécifiques de la santé peuvent potentiellement inverser la tendance en matière de santé des femmes et nous aideront à atteindre les objectifs de développement durable liés au genre.

 

Dernière mise à jour de la page : 8/3/2023