Protéger l’allaitement maternel. Simple en principe, plus difficile dans la pratique, essentiel pour tous
16 août 2021
16 août 2021
Protéger l’allaitement maternel. C’est si simple. Tellement fondamental. Je veux dire, pourquoi est-il nécessaire d’en faire le thème de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel 2021 ?
Les immenses avantages de l’allaitement maternel pour la santé physique et émotionnelle du bébé et de la mère sont bien connus. Le lait maternel fournit au bébé tous les nutriments dont il a besoin au cours de ses premiers mois de vie, favorisant ainsi le développement d’un système immunitaire solide et le protégeant contre la malnutrition infantile et une mauvaise santé tout au long de sa vie. En tant que source d’alimentation naturelle et durable, il présente également des avantages économiques et environnementaux et constitue un élément essentiel du système alimentaire qui n’est pas apprécié à sa juste valeur.
« Protéger et promouvoir l’allaitement maternel » semble donc aller de soi. Mais dans le monde entier, certains s’emploient activement à semer le doute dans l’esprit des parents quant à la façon de nourrir leurs bébés et leurs jeunes enfants, dans l’intention de les inciter à utiliser des substituts du lait maternel.
En mars 2020, je consultais mes réseaux sociaux lorsqu’une publicité est apparue avec une image d’un adorable nouveau-né porté dans des bras. La légende disait « Emma, née en pleine pandémie ». L’annonce concernait un service de « soutien maternel » proposé par la société de lait maternisé Aptamil, filiale de la multinationale Danone. En cliquant sur les liens, j’ai été invitée à adhérer à l’AptaClub pour parents, avec une mention en petits caractères indiquant que cela signifiait que j’acceptais de recevoir ponctuellement des supports promotionnels.
Non merci.
Cette stratégie n’est pas rare, comme nous l’avions déjà montré dans notre rapport rédigé en collaboration avec SPECTRUM Signaler les vertus, promouvoir les méfaits. Des activités similaires ont été signalées par Baby Milk Action et dans le rapport de situation 2020 de l’OMS, l’UNICEF et l’IBFAN : Marketing of breast milk substitutes: national implementation of the international code, status report 2020 (commercialisation de substituts de lait maternel : mise en œuvre nationale du code international, rapport de situation 2020).
En Chine, l’industrie laitière s’est efforcée de faire en sorte que ses préparations de lait maternisé soient perçues comme renforçant le système immunitaire et comme étant plus « sûres », dans le cadre de la réponse à la pandémie, avec des marques proposant des soins médicaux, une assistance à distance et la livraison à domicile de substituts de lait maternel aux mères isolées. Au Mexique, les marques de lait maternisé se sont associées à des pharmacies pour promouvoir leurs produits tout en faisant des distributions gratuites aux personnes en situation de pauvreté.
Ces pratiques constituent une violation directe du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, qui fixe un cadre politique pour réglementer la commercialisation de préparations pour nourrissons et de laits de suite destinés aux bébés et aux jeunes enfants. Publié en 1981, il a été mis en place afin de garantir que les substituts du lait maternel ne fassent jamais l’objet d’une promotion au détriment de l’allaitement maternel, suite à un déclin de l’allaitement maternel à cette époque.
Ce code mondialement reconnu entendait mettre fin à ce type de pratiques, et pourtant en Indonésie, au Cambodge et dans toute l’Asie du Sud-Est, les commerçants locaux ont relayé des messages répandus selon lesquels les immunoglobulines contenues dans les préparations pour nourrissons étaient identiques à celles du lait maternel et présentaient des qualités de renforcement de l’immunité essentielles pour les bébés, suggérant à tort que leurs produits étaient nécessaires pour protéger les nourrissons du coronavirus.
Ce type de propos alarmistes a exploité l’angoisse des parents pour les encourager à renforcer le système immunitaire de leurs bébés à l’aide d’un produit commercial. L’un d’entre eux a même eu l’audace d’utiliser une photo du Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros, dans l’une de ses promotions, suggérant qu’il approuvait ces produits. Tout au long de la pandémie, l’OMS et l’UNICEF ont clairement exposé les avantages de la poursuite de l’allaitement maternel, tout en donnant des conseils sur la manière dont les bébés pouvaient être allaités en toute sécurité par leur mère si elles développaient le virus, et sur l’importance de protéger la nutrition des enfants contre les grandes entreprises qui incitent les familles vulnérables à utiliser leurs produits.
Des décennies de données probantes, y compris celles qui ont été rassemblées aux cours des 18 derniers mois, montrent que l’allaitement maternel remplit des fonctions de renforcement immunitaire bien supérieures à celles des substituts du lait maternel, et qu’il est de fait souvent plus sûr, car il ne nécessite ni eau ni conditions stériles pour nourrir les bébés.
Bien que les taux d’allaitement maternel aient augmenté depuis l’adoption du Code de commercialisation des substituts du lait maternel, il reste encore un long chemin à parcourir. Nous espérons voir de nouveaux pays adopter le Code et adopter des recommandations afin de garantir que les pratiques de l’industrie telles que celles qui ont proliféré pendant cette pandémie, ne nuisent pas à la santé des bébés. Protéger, promouvoir et soutenir l’allaitement maternel reste l’une des choses les plus importantes que nous puissions faire pour la santé et le développement des enfants. Il ne fait aucun doute que l’allaitement maternel est quelque chose que nous devrions tous protéger.
Lucy Westerman (@lewest) est Responsable des politiques et des campagnes à l’Alliance sur les MNT. Lucy pilote les activités politiques de prévention des MNT et de promotion de la santé de l’Alliance sur les MNT, et plus particulièrement celles qui portent sur l’alcool, l’alimentation, l’activité physique et des thématiques transversales telles que l’influence des déterminants sociaux, commerciaux et environnementaux sur la santé.